Le bâclage de la formation des instituteurs parmi les causes des contre-performances du système scolaire congolais

Parmi les causes des contre-performances du système scolaire congolais dans les comparaisons internationales, l’une apparaît comme fondamentale : les défauts de la formation des instituteurs. Quatre instituteurs congolais sur cinq disent ne pas avoir été suffisamment préparés à leur métier. Or la formation est l’une des composantes majeures de l’« effet maître », autrement dit la capacité personnelle des enseignants à faire réussir leurs élèves, notamment à contrecarrer les inégalités sociales. Métier en crise ou crise de vocation, dans tous les cas, le secteur de l’éducation n’a jamais été aussi proche du sinistre. Une situation qui donne la mesure de l’inquiétante inertie du paquebot « éducation nationale ».

« Avant on faisait le concours de l’ENI pour une formation de deux ans avec des stages à l’appui. Mais aujourd’hui, avec les écoles privées qui poussent comme des champignons à Brazzaville, nombreux font juste une formation de 3 ou 6 mois derrière la maison avec ou sans Bac. Ensuite, ils sont autorisés à enseigner. 70% des jeunes instituteurs aujourd’hui ne passent plus par l’École Normale d'Instituteurs (ENI) de Dolisie, cette école fondatrice de l'avenir de notre République qui a vu passer des générations de futurs enseignants. Du coup, nos enfants ne reçoivent plus une très bonne formation de base », nous a confié une institutrice d’un très célèbre complexe scolaire de la capitale congolaise, formée à l’ENI de Dolisie.

Une déclaration qui transpire le désarroi, la complaisance et les défis structurels auxquels est confronté tout le système éducatif national.

Alors que l’enseignement de qualité, se présente aujourd’hui comme la seule arme pour faire face aux imprévues sans cesse grandissant de l’univers, l’école socle de formation de l’élite de demain, bat de plus en de l’aile au Congo-Brazzaville, selon de nombreux parents d’élèves interrogés par notre rédaction.

« L’enseignement est devenu le dernier des métiers. Dans l’enseignement on a tout délaissé au profit de la politique. Alors que les métiers comme la santé et l’enseignement sont essentiels pour un pays. Et quand on a une jeunesse mal formée on s’attend à quoi ? A l’époque du ministre Ndinga Oba, paix à son âme, il y avait des engagements décennaux. Je m’en vais à l’école pour servir. Aujourd’hui le métier d’enseignant n’est plus bien vu... », lance Gilles Obambi, parent d’élève.

Des errements politiques ont abouti à une succession de cotes mal taillées, qui ont rendu illisible le parcours menant au métier d’enseignant. Dans un contexte d’aggravation de la pénurie d’enseignants, il est temps de redresser la barre.

Le collège ne va pas bien, mais les difficultés des élèves n’apparaissent pas soudainement à leur arrivée en 6e. C’est à l’école primaire que les difficultés des élèves émergent.

Au Congo-Brazzaville, l’école primaire ne va pas bien non plus et il ne faut pas regarder ailleurs.

Les causes de cette situation sont anciennes et sont le bilan de plusieurs décennies de gouvernements successifs. Notre pays a l’école primaire qu’il a voulue et donc qu’il mérite.

« Aucun enfant n’est réellement nul à l’école. Le problème de l’école congolaise, c’est que leur méthode d’apprentissage est mauvaise avec des instituteurs qui n’ont pas de niveau et donc mal formés. Nombreux ne passent plus par l’ENI et c’est très inquiétant pour l’avenir du pays », affirme Gilles Obambi.

« Mon constat n’est pas bon. On l’entend partout, et cela est vrai : le système éducatif congolais est en crise. Parmi l’ensemble des éléments qui expliquent ce phénomène, figure la mauvaise formation des instituteurs. L’école primaire apparaît donc davantage chaque jour comme une boîte trop petite pour contenir tout ce qu’il y a à l’intérieur. Pour le dire autrement, l’idéologie et les pédagogies traditionnelles de l’école ne sont plus adaptées aux attentes des parents et des enfants. Le décalage qui en résulte alimente l’insatisfaction face au système scolaire. Pour ne donner qu’un exemple, les familles qui autrefois adhéraient totalement à l’institution et lui livraient leurs enfants sans chercher à y regarder de plus près, souhaitent aujourd’hui intervenir, dialoguer avec les enseignants et s’investir davantage dans la vie scolaire de leurs enfants. Or l’école dans sa forme actuelle ne le permet encore que trop peu », a-t-il ajouté avant de préciser que « l’avenir appartient aux enfants. L’école doit donc leur donner les outils pour se fabriquer l’avenir qu’ils voudront avoir ».

L’École Normale d'Instituteurs de Dolisie assure depuis plus quarante-quatre ans, la formation des instituteurs du préscolaire et du primaire et délivre, en 2 ans de formation, un certificat de fin de formation des études des écoles normales (CFEEN). L’admission à l'ENI de Dolisie se fait par concours avec le baccalauréat comme niveau requis à l’entrée.

L’ENI a été construite en 1977 pour résoudre le problème de manque criard d’effectifs d’enseignants qui faisait défaut au Congo-Brazzaville.

Depuis 2016, le déficit en personnel enseignant est chiffré à 20 000.

Deux facteurs principaux expliquent ce chiffre colossal : les départs massifs à la retraite, plus de mille enseignants, sans compensation de recrutement à la Fonction publique pendant de nombreuses années et l’augmentation vertigineuse de la population scolaire.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville

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