Hommage : Denis Christel et Claudia Ikia Sassou N’Guesso honorent le Grand Kallé Jeff à Kinshasa, 40 ans après sa disparition

Denis Christel et Claudia Ikia Sassou N’Guesso ont honoré, au cours d'une messe d'action de grâce organisée le 11 février à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), les 40 ans de la disparition de Grand Kallé Jeff, le symbole de toute une époque, l'auteur du tube Indépendance Chacha, un des pionniers de la musique moderne africaine.

«J'ai eu le privilège de faire partie des nombreuses personnalités conviées à cette manifestation, consacrée à cette grande figure qui a profondément marqué la culture et qui est reconnue comme le père de la musique congolaise moderne », a écrit Denis Christel Sassou N’Guesso sur son compte Twitter.

« Nous avons, en amont et au cours de cette messe, eu l'opportunité d'en apprendre un peu plus sur cet homme dont la renommée musicale a dépassé les limites de notre continent. Ce fut un moment de grande inspiration », a-t-il ajouté.

On rappelle que le 11 février 1983, s'éteignait à Kinshasa, dans le dénuement total, l'un des plus prestigieux musiciens africains dont la carrière reflétait tout l'esprit d'une époque. Tshamala Kabassele Joseph Athanase, alias "Grand Kallé" est né le 16 décembre 1930 à Matadi, ville portuaire (aujourd'hui en RDC), l'année même de la première grève des marins congolais.

Peu après sa naissance, ses parents s'installent à Kinshasa où le jeune Kabassélé fait des études primaires et secondaires. La musique a toujours joué pour Kabassélé un rôle important. Très jeune, il fait partie des chorales paroissiales. A 19 ans, il s'engage totalement dans la chanson, anime les séances publiques et veillées mortuaires puis est engagé dans l'OTC (Orchestre de Tendance Congolaise) de Georges Doula et sort ses premières œuvres et succès Chérie Loboga, Para Fifi...

En 1953 il fonde l'orchestre African Jazz avec lequel il va révolutionner la musique congolaise. Il écarte la rumba piquée, la mazurka et autres danses à la mode et opte désormais pour la rumba, la samba. Il est aussi le premier musicien à introduire les tumbas, les trompettes et instruments électroniques dans son groupe. Dans ce célèbre orchestre, il fait venir un jeune chanteur qui deviendra rapidement célèbre, Tabu Ley Rochereau. Jusqu'en 1963 Grand Kallé et l'African Jazz figurent parmi les artistes les plus populaires d'Afrique.

Chef d'orchestre, chanteur, compositeur, impresario, sa personnalité ne cesse d'évoluer. Il crée en 1960 sa propre maison de disques, Surboum African Jazz, qui devient un véritable tremplin pour les musiciens du nouveau courant musical congolais et envoie les meilleurs orchestres enregistrer dans les meilleurs studios de Bruxelles. Il est la première vedette africaine à se produire en Belgique et ce, à l'occasion de la fameuse Table ronde au cours de laquelle devait se décider l'avenir de l'ex-Congo Belge.

A partir de 1960, le ton et le son changent : Kabasselé s'est métamorphosé en artiste engagé, lumumbiste. Lors de la fameuse Table ronde, il crée Indépendance Chacha, un des plus grands succès de la musique africaine, ainsi que Bilombe ba gagné (Les meilleurs ont gagné), Lumumba, Congo se ya biso... Lors du sommet de l'OUA à Kinshasa en 1967, Kabassélé offre à chaque chef d'Etat présent, un 45 tours renfermant une chanson-hommage à son pays.

Mais son engagement pour la paix et l'unité africaine n'a pas été compris, surtout après la mort de Patrice Lumumba. Abandonné en 1963, après une tournée triomphale en Afrique de l'Ouest, par tous ses musiciens qui sont allés formés l'African Fiesta, Kabassélé est traqué et surveillé de toutes parts. Il s'exile alors à Paris où il crée l'orchestre African Team aux côtés de talentueux musiciens tels que Manu Dibango, Jean Serge Essous... mais l'expérience tourne court. Kallé se retrouve seul, sans orchestre, sans fortune, séjourne un peu partout en Europe et dans plusieurs capitales africaines, retourne au Zaïre mais de nouveau déçu, retourne en France. Il finit par revenir à Kinshasa où il meurt à l'âge de 52 ans.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville