Brazzaville s’apprête à accueillir, du 4 au 7 novembre 2025, la 4ᵉ édition de la Conférence et Exposition sur le Contenu Local en Afrique (CECLA 2025). Placée sous le thème « Bâtir ensemble l’avenir énergétique de notre continent », cette véritable agora panafricaine rassemblera décideurs publics, industriels, acteurs du secteur pétrolier et gazier, ainsi que des représentants du monde entrepreneurial et institutionnel.
Au-delà d’un rendez-vous technique, la CECLA 2025 s’annonce comme un moment stratégique pour la République du Congo, à l’heure où le pays s’apprête à franchir une étape décisive : l’adoption de sa loi sur le contenu local, élaborée en 2024 et désormais en attente d’approbation.
Au-delà du pétrole, un enjeu national
Le contenu local ne se limite pas aux industries extractives. Il constitue un levier central de développement national, à la croisée de trois priorités majeures :
• valoriser le travail congolais par l’emploi de la main-d’œuvre locale ;
• structurer le tissu productif national en favorisant les biens et services issus des PME et artisans congolais ;
• créer des emplois durables en facilitant l’accès des entreprises locales aux marchés publics et privés.
Ce débat dépasse la technique : il touche la vision économique, sociale et politique du Congo.
La question est simple mais essentielle : voulons-nous demeurer un territoire de transit et de consommation, ou devenir un pays qui produit, transforme et exporte la richesse issue de son sol et de son savoir-faire ?
Vers une économie enracinée dans la production locale
Le contenu local repose sur un principe clair : toute activité économique exercée sur le territoire national pays doit contribuer directement au développement du pays.
Concrètement, il s’agit d’encourager ou d’exiger des entreprises étrangères qu’elles :
• emploient davantage de main-d’œuvre locale ;
• recourent à des fournisseurs et artisans locaux ;
• assurent le transfert des compétences et technologies aux acteurs locaux ;
• investissent dans la formation technique et professionnelle, pour faire émerger des « champions nationaux ».
Déjà expérimenté dans plusieurs pays africains, ce modèle a démontré son efficacité : il favorise la circulation interne de la valeur ajoutée, stimule la sous-traitance locale et renforce la compétitivité des PME et artisans locaux.
Pour le Congo, il représente bien plus d’une stratégie économique : un acte de souveraineté et de dignité nationale.
PME et artisanat : les nouveaux piliers de la transformation
Les petites et moyennes entreprises congolaises, souvent discrètes mais résilientes, constituent la colonne vertébrale de l’économie nationale.
Elles créent la majorité des emplois, soutiennent la production de proximité et animent la vie économique quotidienne.
Quant à l’artisanat, véritable pré-industrie nourrie d’un savoir-faire ancestral, il incarne une économie humaine, enracinée dans les territoires et la culture.
Pourtant, ces acteurs demeurent trop souvent à la périphérie des grands projets nationaux.
Le contenu local doit précisément devenir le pont entre les grandes entreprises et les producteurs locaux.
C’est dans cette synergie productive que se joue la véritable transformation économique du Congo. Renforcer les PME et l’artisanat, c’est consolider la base productive du Congo. Cela passe par :
• un meilleur accès au financement et aux marchés publics ;
• des programmes de formation et d’accompagnement technique ;
• une politique d’incubation des fournisseurs congolais capables d’atteindre les standards internationaux.
Une loi pour consolider la vision
L’adoption de la loi sur le contenu local s’impose comme un impératif stratégique.
Elle permettra de réguler la participation nationale dans les activités économiques majeures et d’en assurer la transparence.
Ce texte fixera des indicateurs précis, emploi national, achats locaux, transfert de compétences, pour mesurer les progrès accomplis.
Son adoption ne sera pas un simple acte administratif, mais l’entrée du Congo dans une nouvelle ère économique, fondée sur la responsabilité, la production et la création de valeur nationale.
CECLA 2025 : un catalyseur pour le débat économique africain
En accueillant la réunion de la CECLA 2025, Brazzaville s’affirme comme un carrefour de réflexion sur la souveraineté économique africaine. Dans un continent en pleine intégration, portée par la ZLECAF (zone de libre-échange continentale africaine), le contenu local devient le socle d’une industrialisation inclusive et durable.
Cet événement continental offre au Congo l’occasion de :
• affirmer son leadership dans la réflexion sur la production africaine ;
• présenter sa stratégie nationale comme modèle émergent ;
• démontrer que le développement endogène n’est pas un slogan, mais une voie crédible vers la prospérité.
Conclusion : produire, transformer, transmettre
Le contenu local n’est pas une simple politique économique : c’est une vision du développement. C’est le choix de produire ce que nous consommons, de transformer ce que nous possédons, et de transmettre le savoir-faire congolais aux générations futures.
Il incarne un nouveau contrat social et productif, fondé sur le travail, la compétence et la solidarité.
À l’heure où Brazzaville rassemblera l’Afrique pour penser à son avenir énergétique, rappelons-le : la véritable énergie du Congo réside dans ses PME, ses artisans et la créativité de son peuple. Parce que la richesse du Congo doit, enfin profiter aux Congolais et rayonner sur toute l’Afrique.
Charles Abel KOMBO, Economiste et Observateur des politiques publiques (France)