Littérature : Dans « Le parcours de l’immigré », Habib Luc René Mitsingou s’interroge sur les frontières du pardon et de la résilience

Poète et romancier d’origine congolaise, Habib Luc René Mitsingou publie « Le parcours de l’immigré » aux éditions Le Lys bleu, un roman qui aborde à petites doses l’écartèlement entre la vengeance, aussi légitime soit-elle, et le pardon, bien que limité.

Son héroïne, Lembe, est abandonnée à elle-même. Ayant perdu ses parents, ayant été violée par le bourreau de ses parents, elle se retrouve au bord de la rupture. Elle plie mais ne rompt pas, car dans son malheur elle attend un événement : la naissance d’un enfant. Cet enfant, fruit du viol répété de son bourreau, lui apparaît comme une lueur au milieu de la nuit interminable qu’elle traverse. Et, au lieu de le haïr ou de penser qu’il est le fruit du crime sexuel dont elle a été l’objet, elle va l’adorer. Au point d’accepter l’invitation de son violeur ?

Lembe hésite. Mais elle ne tarde pas à se décider. Oui, elle ira à sa rencontre pour voir sa réaction. Ou ses émotions. Que va-t-il lui dire ? Va-t-il lui exprimer ses regrets ? Le regret peut-il suffire à réparer un crime ? Et si quelqu’un d’autre faisait subir à sa fille ce qu’il lui avait fait subir quelques années plus tôt, à elle, Lembe, comment réagirait-il ? En assassinant du reste ses parents sous le prétexte que la guerre était aveugle ?

« Elle allait le retrouver dans un restaurant chic du centre-ville. Pour l’occasion, même si elle avait perdu le goût de la beauté ou de toute autre chose sur Terre, Lembe ressortit sa plus belle robe. Elle avait eu cette idée de se faire belle tout à coup. »

En un paragraphe, Habib Luc René Mitsingou communique simplement la force du courage, de l’écoute, sur la vengeance et/ou la haine sans jamais employer ces mots…

« Ce rendez-vous entre le bourreau et la victime est un moment crucial du roman. À travers ce moment j’ai voulu suggérer que la vie n’était pas forcément un affrontement manichéen, le combat du bien contre le mal ou vice-versa, comme je l’ai déjà dans une interview », assure l’auteur avant d’ajouter : « Il y a des gens qui regardent leurs bourreaux droit dans les yeux sans jamais cracher sur eux et ceux-là sont taillés dans le granit. À l’image de l’héroïne de mon roman. Il y a ceux qui ne pardonnent jamais et qui ne pensent qu’à la vengeance. Est-ce pour autant qu’ils sont faibles ? Je ne le pense pas. Quoi qu’il en soit, j’aborderai cet aspect dans le volet 2 de cette trilogie. »

La Rédaction

« Le parcours de l’immigré » d’Habib Luc René Mitsingou, Editions Le Lys bleu, 123 pages, 13,80 euros