Le 24 septembre 2025, son Excellence Denis Sassou N’Guesso, Président de la République du Congo, Chef de l’État, a fait une déclaration à la tribune de la quatre-vingtième session ordinaire de l’assemblée générale des Nations Unies. Voici le texte intégral.
Madame la Présidente de l’Assemblée Générale !
Monsieur le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies !
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement !
Distingués délégués !
Mesdames et Messieurs !
C’est avec gravité, mais aussi avec une foi intacte dans les idéaux de l’Organisation des Nations Unies que je m’adresse à vous aujourd’hui. Nous sommes rassemblés à un moment de bascule, à une époque où notre responsabilité collective n’a jamais été aussi grande.
Nous vivons une période marquée par des tensions accrues, des menaces multiples et des fractures profondes. Et pourtant, jamais le monde n’a eu autant besoin d’unité, de coopération, de dialogue. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la paix ou le développement, c’est bien l’avenir même du multilatéralisme et de cette précieuse humanité que nous avons en partage.
Il y a 80 ans, après les horreurs de la Seconde guerre mondiale, les fondateurs des Nations Unies se réunissaient avec la ferme intention d’établir un ordre international juste et durable. Ils rêvaient d’un monde où la coopération et la solidarité seraient les maîtres-mots, un monde où la diplomatie et le dialogue se substitueraient aux conflits violents. Leur projet était ambitieux. Il demeure totalement d’actualité.
L’Organisation des Nations Unies a été fondée sur le socle de deux principes majeurs :
• La solidarité internationale, c’est-à-dire la conviction que le destin des nations est intrinsèquement lié et que seul un effort collectif peut permettre de relever les défis mondiaux.
• Le multilatéralisme ou la reconnaissance de ce que chaque nation, grande ou petite, doit avoir voix au chapitre dans les affaires internationales et que seule une action collective peut garantir une paix durable.
Malheureusement, 80 ans après sa création, notre Organisation est confrontée à la résurgence inquiétante des conflits armés à travers le monde. Dans tant d’endroits, le langage des armes a repris le dessus sur le bon sens et la diplomatie. C’est l’échec de notre promesse collective : celle de bâtir un monde libéré du fléau de la guerre. C’est aussi le signe d’un système international affaibli, parfois impuissant, face aux logiques de confrontation.
Aujourd’hui, il nous faut réaffirmer la primauté du droit dans les affaires internationales et la nécessité d’un ordre mondial fondé non pas sur la force des armes, mais sur des règles établies et communément partagées. Les Nations Unies doivent redevenir un instrument efficace de prévention des conflits et de médiation.
Acteur épris de paix et de justice, qui œuvre pour l’amitié entre tous les peuples du monde, le Congo soutient la coexistence pacifique, la tolérance réciproque et la compréhension mutuelle.
C’est pourquoi, au Moyen-Orient, mon pays soutient sans réserve la solution à deux Etats, israélien et palestinien, vivant côte-à-côte, en paix. Dans les Caraïbes, mon pays continuera de soutenir le peuple cubain exténué par des décennies d’un embargo aujourd’hui incompréhensible.
Les tensions commerciales, technologiques et géopolitiques entre grandes puissances et dont nous sommes aujourd’hui témoins fragmentent évidemment notre monde et alimentent la méfiance entre les nations.
Elles affaiblissent les chaînes de solidarité internationales et compromettent notre capacité à relever ensemble les grands défis globaux, avec de graves conséquences sur les économies des pays en développement.
Cela se traduit notamment par l’instabilité des marchés, l’augmentation des prix des matières premières et des perturbations récurrentes sur les chaîns d’approvisionnement. Or, pour compréhensible qu’elle puisse être, la compétition économique ne devrait pas se transformer en une confrontation systémique.
L’une des grandes réussites des Nations Unies a indéniablement été d’établir une plateforme solide de coopération entre les nations. Mais aujourd’hui, ce multilatéralisme est menacé par des égoïsmes nationaux et par des politiques unilatérales, source de crises diplomatiques préjudiciables.
Cette tendance doit être inversée, parce que les défis mondiaux que nous affrontons, notamment le changement climatique, les pandémies et l’insécurité alimentaire, nécessitent une réponse mondiale solidaire, cohérente et concertée.
La République du Congo croit fermement qu’une Organisation des Nations Unies plus forte et plus efficace est la condition indispensable pour préserver la paix et garantir le développement durable.
C’est pourquoi nous en appelons à une réforme de ses organes, à commencer par son Conseil de sécurité, afin de les rendre plus représentatifs, plus transparents et plus proches des réalités de notre monde. On le voit bien, le Conseil de sécurité, dans sa composition actuelle, ne reflète plus les équilibres géopolitiques de notre monde. Il est donc urgent de le réformer, non pas en théorie, mais en pratique.
L’Afrique ne peut plus rester marginalisée. C’est un continent de plus d’un milliard quatre cents millions d’habitants. C’est un continent d’avenir, de jeunesse, de potentiel auquel nous devons aujourd’hui garantir une participation pleine et entière aux décisions mondiales.
Je le dis ici avec force : l’Afrique mérite une représentation permanente au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Pas en tant que bénéficiaire d’une faveur, mais en tant que partenaire légitime. C’est l’appel solennel que la République du Congo lance du haut de cette tribune.
Il nous faut inventer un multilatéralisme plus intelligent, plus efficace, plus proche des aspirations des peuples, plus représentatif des réalités du 21ème siècle. Ce multilatéralisme doit aussi se traduire en actes concrets, en résultats tangibles, en solutions durables. Les peuples du monde ne nous jugeront pas sur nos discours, mais sur ce que nous aurons su accomplir ensemble.
Madame la Président !
Mesdames et Messieurs !
Il ne peut y avoir de paix durable sans développement et inversement. La pauvreté, les inégalités, le chômage des jeunes, l’exclusion, sont des terreaux dont se nourrissent les frustrations, l’instabilité et l’extrémisme violent.
Nous devons honorer nos engagements pour le financement des Objectifs de Développement Durable et mettre fin aux mécanismes qui étranglent les économies vulnérables, comme la dette insoutenable ou les règles commerciales inéquitables.
La solidarité internationale reste essentielle pour permettre aux pays en développement de réussir leur transition vers un avenir plus prospère.
C’est pourquoi nous devons investir massivement dans l’éducation, la santé, l’agriculture, les infrastructures, les technologies nouvelles, l’Intelligence artificielle, etc.
Le défi climatique nous interpelle très fortement aujourd’hui. Il transcende toutes les frontières, tous les clivages et toutes les idéologies. Il frappe déjà nos villes, nos campagnes, nos écosystèmes. Il aggrave les conflits, détruit des cultures millénaires et pousse des familles entières sur les routes de l’exil. Face à cela, nous n’avons plus le droit d’agir en ordre dispersé. Nous devons partir en rang serré, dans la solidarité et avec détermination.
Cela implique le respect des engagements de l’Accord de Paris, un soutien massif à l’adaptation pour les pays les plus vulnérables, et une transformation profonde de nos modes de production, de consommation et de financement.
C’est l’occasion de saluer l’adoption par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la Résolution sur la Décennie mondiale du boisement et du reboisement, que mon pays a initiée, comme l’une des solutions susceptibles de faire avancer notre combat commun en faveur de la préservation de l’environnement et l’atténuation des ravages liés au changement climatique. Le climat ne doit pas devenir un nouveau facteur de division Nord-Sud. Il doit être un facteur d’unité mondiale, un motif de solidarité planétaire, le mobile d’une espérance partagée.
Madame la Présidente !
Mesdames et Messieurs !
Au moment où les nations du monde sont confrontées à de graves défis, certains de ces défis ayant clairement un retentissement existentiel, voilà que s’enclenche une nouvelle et inquiétante course aux armements ! Les dépenses militaires mondiales atteignent aujourd’hui des niveaux records, alors même que des millions d’êtres humains vivent dans l’extrême pauvreté, avec un accès réduit à l’eau potable, à une éducation de qualité et aux soins de santé primaires.
Des Traités sur le désarmement sont remis en cause, tandis que la prolifération des armes de destruction massive, notamment nucléaires, revient au coeur des préoccupations. Cette dérive est dangereuse à tous égards. Elle ne rend pas notre monde plus sûr. Bien au contraire, elle l’expose aux périls les plus graves, dont le risque d’une conflagration généralisée, qui échapperait à tout contrôle.
Fidèle à son engagement en faveur de la paix et de la sécurité internationale, la République du Congo réitère son appel en faveur d’un désarmement mondial. Le moment est venu de nous investir tous dans la recherche de solutions qui renforcent notre sécurité collective, la stabilité et la prospérité de tous les peuples, plutôt que de nourrir le cercle vicieux et destructeur des conflits et de la violence.
Madame la Présidente !
Mesdames et Messieurs !
Dans ce monde instable, beaucoup doutent aujourd’hui. Beaucoup s’interrogent : les Nations Unies sont-elles encore utiles ? Servent-elles encore à quelque chose ? A ceux-là, je voudrais du haut de cette tribune répondre clairement : oui !
Oui, les Nations Unies sont même indispensables. Mais à une condition, à savoir qu’elles sachent évoluer, qu’elles sachent se réformer, se rapprocher des peuples et répondre concrètement aux défis innombrables des temps présents.
Nous ne sommes pas condamnés à la guerre, au repli et à la méfiance. Nous avons encore le choix : celui du courage, de la solidarité et de la responsabilité.
Alors, ensemble, unis dans la diversité, faisons vivre les promesses fondatrices de notre Organisation, à savoir la paix, la dignité et le progrès !
Ne laissons pas l’Histoire se faire sans nous !
Je vous remercie.
Transcription: Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville