Congo – Circulation routière : De plus en plus de tombeaux grand-ouverts sur le viaduc

Une certaine opinion prête aux ouvriers chinois le vocable ''route finie, congolais finis''. Si les adeptes de cette expression y voient une stigmatisation des infrastructures routières dont ils jugeraient la conception ‘’accidentogene’’, il n'en demeure pas moins que la qualité des conducteurs est bien en cause dans les accidents qui ont régulièrement cours sur l'une des plus belles routes du Congo et de la sous-région, le viaduc de Kintélé. Dire qu'en décidant de la construction des infrastructures routières de qualité, le gouvernement a omis de recycler qualitativement les chauffeurs.

Des images de plus en plus effroyables des accidents qui ont cours sur le viaduc interpellent les Brazzavillois qui pour certains, y voient l'œuvre de quelques responsables qui feraient des ''prélèvements d'âmes à des fins de conquête ou de conservation de poste.''

Combien de fois n'a t-on pas appris qu'un miroir mystique avait été déposé à tel ou tel autre carrefour, pour éblouir les conducteurs et causer des accidents mortels. 

Voila une façon bien congolaise d'expliquer les phénomènes du quotidien dont la compréhension semble souvent échapper au rationnel.

Ces accidents posent une fois de plus le problème de la formation des chauffeurs et autres conducteurs de véhicules dans les villes congolaises. Beaucoup d'entre-eux se limitent simplement à déplacer les véhicules, plutôt qu'à conduire, car ils méconnaissent jusqu'aux règles élémentaires du code de la route, et des signaux de danger, même s'ils sont détenteurs d'un « permis de conduire ».

Il va s'en dire que le viaduc Talangaï-Kintélé encore appelé Corniche nord, est l'une des premières voies de communication moderne en République du Congo. L'ouvrage est composée de 2x2 voies de 7,60 mètres linéaires, séparées par un terre-plein central de 1,00 mètre linéaire ; d’un trottoir de 1,10 mètre linéaire, disposé de part et d’autre de l’ouvrage.

Tracé dans le lit majeur du fleuve Congo, ce qui lui donne un aspect rectiligne et un paysage avenant, la route a un tapis de roulement régulier susceptible de pousser le conducteur à une vitesse immodérée. D'ailleurs, la conscience ou plutôt ''l'inconscience'' populaire ne désigne t-elle pas en ''as du volant'' un conducteur qui use de vitesse à l'excès?

De nombreux conducteurs empruntant le viaduc oublient que celui ci débouche sur un échangeur au nom bien évocateur et qui devrait sonner comme une alerte, un appel à la prudence: ''Kéba na virage''.

Plutôt que de modérer leur vitesse, les conducteurs en redoublent, sans se rendre compte qu'un véhicule qui roule très vite perd son adhérence sur la chaussée. Il peut être difficile à contrôler car la vitesse décuple l'effet des manœuvres qui dans l'état de nervosité du conducteur, se révèlent dangereuses notamment dans les virages même de faible amplitude car sous l'effet de la vitesse et de son poids, le véhicule va se déporter plus à droite et faire des embardées, s'il ne s'encastre dans un talus, ou n'est soutenu par des rambardes qu'il va arracher le cas échéant, comme le sont désormais les poteaux électriques sur le viaduc. Si le véhicule se déporte à gauche et traverse le terre-plein central, le risque d'une collision frontale avec celui venant en contre-sens est énorme. Un accident mortel du fait de la violence du choc.

Il est d'usage que 70% des accidents de la route impliquent l'état du conducteur. 25% l'état du véhicule et 5% celui de la route.

Il va s'en dire que tant que de nombreux chauffeurs congolais déplaceront les véhicules, en toute méconnaissance des règles de conduite, au lieu de conduire, ce qui implique le respect des règles du code de la route, les accidents se compteront en grand nombre car pour de nombreux congolais, le curseur d'évaluation de la bonne conduite est encore bien bas. Normal, quand on a déjà son permis de conduire, avant de n'avoir appris à conduire.

D'autre part, même si le contrôle technique a été rendu obligatoire au Congo, ils sont encore nombreux à s'en détourner, parfois à travers un circuit de corruption qui met à jour les contre-visites, au moyen des vignettes trafiquées.

Par méconnaissance, de nombreux usagers doutent même du fait que le contrôle technique automobile permet de déterminer l’état des organes principaux de sécurité du véhicule susceptibles de provoquer des accidents de la circulation.

Quant aux contrôles routiers de police, fortement concentrés en ville et qui devraient obliger aux comportements responsables au volant, ils sont moins étendus sur les routes où les chauffeurs se croient tout permis. Les agents de la circulation n'ont souvent d'yeux que pour la surcharge ou le dossier du véhicule, plus « rentables », plutôt que l'état du véhicule, encore moins celui du chauffeur, notamment l’excès de vitesse à peine considéré comme une infraction. Rarement un véhicule n'a été pris en chasse par des motards ou immobilisé pour ce motif.

Le chantier est vaste, il implique autant les chauffeurs, la police et la gendarmerie, les piétons, que les pouvoirs publics.

Voila qui trouve bien la justification de ''route finie, congolais finis''car autant les routes seront de qualité, autant le nombre d'accident sera proportionnel à la qualité de celles-ci, tant que les chauffeurs ne seront pas recyclés, pour adapter leurs connaissances à la qualité des infrastructures et en user en toute connaissance et respect des règles.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville