La litanie de défis nous accule, mais ne nous immobilise pas. Tout est en ruine. Mbinda dans le département du Niari (sud) est devenue une ville en sommeil avec ou sans soleil. C’est dans ce contexte aussi particulier que Victor Miette Moudani, ancien professeur d’Anglais au CEG de Mbinda dans les années 80, a lancé un Appel de solidarité pour que celle-ci devienne le nouveau pilier des décisions de tous ses anciens élèves de ce grand temple du savoir qui a formé de nombreux cadres congolais. Un engagement solidaire, mais aussi pragmatique. Un engagement qui se base sur une approche intégrant les multiples défis socio-économiques et écologiques qui pèsent sur l’ex cité Comilog. Un engagement toujours centré sur l'humain, jamais sur des agendas cachés.
« Vous avez eu des formations diverses et j’en suis très fier. Vous occupez tant de positions avantageuses capables de profiter aux autres. N'attendons pas seulement les cas de détresse pour exprimer notre solidarité tant souhaitée », nous a confié M. Victor Miette Moudani.
S’unir pour bâtir c’est grandir ensemble
Individuellement, nous sommes une goutte d’eau. Ensemble, nous sommes un océan. En se regroupant en réseau, les anciens élèves du CEG de Mbinda appelés affectueusement "les enfant de Lekouma Idriss", leur premier directeur, peuvent travailler dans une dynamique positive et offrirent facilement à leur ville une capacité de développement plus importante.
« Retenons que isolés, nous sommes faibles, mais unis, nous sommes forts », a martelé Victor Miette Moudani très attaché à ses anciens élèves.
On rappelle que 1991 fut la dernière année glorieuse pour cet ancien petit paradis qui faisait rêver tout le Congo et le Gabon voisin. 1991, une date sombre pour un petit paradis perdu à la recherche d’un nouvel avenir. C’était la fin des activités du téléphérique.
Il y a donc 34 ans. COMILOG qui a « inventé » la ville où le minerai était chargé dans des wagons à destination du port de Pointe- Noire, a cessé brutalement l’aventure du manganèse via Moanda au Gabon et tout continue de s’écrouler dangereusement sous le regard impuissant des populations locales et des pouvoirs publics.
La ville de Mbinda a perdu presque de toutes les commodités d’usages en un clin d’œil.
Plus d’eau potable et d’électricité. Le désarroi des visiteurs ne se cache pas longtemps une fois le soleil couché. Dès la tombée de la nuit, la localité est plongée dans une obscurité totale. Les habitants résignés se retirent petit à petit chez eux en attendant le levé du jour.
Les populations se désaltèrent désormais avec les eaux des puits ou de source. Les risques des maladies microbiennes sont grands.
La fermeture de Comilog a créé les conditions de ce déclin, qui renforce une régression des relations de voisinage, de la vie tout court.
Et même le boulanger ou le boucher s'est exilé. Sans oublier le propriétaire et le gérant de l’un des plus grands bars dancing du département du Niari (Calebasse Bar).
Avec 90% de chômage dans son bassin d'emploi, la ville bat le triste record du plus fort taux de chômage dans le département du Niari.
La fermeture de la compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) en septembre 1991 a accéléré la chute d'une ville qui comptait une dizaine d'entreprises dans les années 70-80, contre zéro aujourd'hui.
Les jeunes chômeurs de Mbinda sont devenus des zombies, errant entre les statuts légitimes qui fondent les différentes catégories instituées : ni en emploi, ni en éducation, ni en formation, ni en retraite… ?
Le manque de route carrossable n’est pas en reste dans le dénuement de Mbinda. Pendant la saison de pluie, quelques rares transporteurs qui fréquentent souvent la localité n’osent plus s’y aventurer à cause des pannes provoquées sur leurs véhicules par l’état piteux de la route. La latérite laisse la place aux bourbiers.
Ainsi, la pratique des activités génératrices de revenus est difficile pour les 5000 âmes qui vivent encore dans cette ville située à 7km du Gabon.
Malgré ses atouts, aujourd’hui, l’esprit de solidarité des enfants de Mbinda est complètement éteint et n’arrive plus à entretenir cette flamme créative, transgressive, bigarrée et épicurienne.
L’avenir de Mbinda est très sombre comme ses rues après le coucher du soleil.
Vivement que l’Appel de Victor Mette Moudani, depuis Pointe-Noire, à ses anciens élèves du CEG de Mbinda baptisé Raymond Kouedé, donne ses fruits pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui.
Jean-Jacques DOUNDA / Les Echos du Congo-Brazzaville