Mali : Quel avenir politique pour Choguel Maïga ? (Tribune libre de Thierry-Paul Ifoundza)

Éjecté de la tête du gouvernement après sa fracassante sortie du 16 novembre, Choguel Kokalla Maïga peut-il rebondir ?

La politique est une scène où se font et se défont les alliances parfois de circonstances, où se nouent et se dénouent des intrigues en fonction des intérêts du moment. C'est donc une scène très propice aux rebondissements ! Et, peu importe son âge, il serait imprudent d’enterrer, d'ores et déjà, l'ex-Premier ministre, quand on sait a fortiori qu'il est un vieux routier de la politique malienne.

Choguel Maïga a été à la tête du gouvernement malien de juin 2021 à novembre 2024, comme le visage civil des militaires au pouvoir. Pour les opposants au régime militaire de transition, ce visage a été vécu comme un espoir sur la "non-confiscation" de la Transition par les officiers de l'armée. Hélas ! La face civile du régime militaire malien s'est brisée le 20 novembre dernier en faveur d'un autre Maïga et général celui-là, Abdoulaye de son prénom, jusque là ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation. En vérité, ce dernier était considéré par nombre de Maliens comme un premier ministre bis, sinon le véritable premier ministre, générant chez le premier les raisons de la colère.

Le départ de ce point de non-retour donc, c'est le samedi 16 novembre à Bamako. Choguel Maïga est devant ses partisans du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et, paradoxalement, en tenue militaire. Il se lance dans une violente diatribe contre le régime militaire dont il est encore le premier ministre, pilonnant la décision « unilatérale » qui consiste à prolonger la période de transition sans concertation. Pour lui, à tout le moins, « ce n’est pas normal dans un gouvernement ». Et d’ajouter que « le premier ministre ne peut pas apprendre dans les médias que les élections sont reportées sans débat au sein du gouvernement ». Dans la foulée, il fustige la centaine de partis politiques qui ont reçu un quitus des autorités militaires.

Et c’est ici qu’intervient son côté politique. Car oui, cette pléthore de partis ne peut constituer qu’un contrepoids à son propre parti. Et l’argument qui consiste à accuser ces partis d’être infiltrés par des traîtres de la nation (sic !) pour qu’à l’avenir ils puissent à leur tour renverser le pouvoir actuel, cet argument-là me semble populiste, tout du moins démagogique. À moins que cela ne relève d’une clairvoyance à postériori. De toute manière, s’estimant marginalisé depuis trop longtemps, il aurait dû démissionner. Mais cela n’a pas été le cas.

Je peux aussi émettre l’hypothèse selon laquelle il savait qu’il allait être débarqué du gouvernement, alors il a anticipé les choses en faisant une allocution fracassante, laquelle a pris de court toute la classe politique malienne, de même que la société civile et même ses propres supporters panafricains ou souverainistes. Nombreux sont ceux qui ont crié à la trahison ou à ce qui semble être une tentative de déstabilisation du président Assimi GOITA. Si certains hommes politiques ont réclamé sa tête, d’autres en revanche l’ont incité à la négociation avec les autorités militaires.

Pourquoi beaucoup le poussent-ils à retourner auprès des autorités militaires ? Peut-être parce que le timing de son intervention n’était pas opportun (le Mali étant toujours en guerre contre le terrorisme), pas plus que ce qu’il réclame, à savoir la tenue des élections (celles-ci excluraient de fait une partie de sa population pour des raisons sécuritaires, ce qui indubitablement les rendraient peu crédibles à la face du monde).

Mais, aussi longtemps que les détracteurs du président Goita continueront de feindre les clauses des « Assises Nationales de Refondation du Mali » (ANR) de décembre 2021, autorisant une transition pouvant aller de six mois à cinq ans, aussi inaudible que continuera de paraitre leur allégation de transition sans fin. Il est important de ne pas perdre sa mémoire ! Dans la vie, quel que soit le domaine, il est important de ne pas rater le début. Autrement on passerait son temps à nourrir des regrets ! Et, aujourd’hui, on découvre médusés la prolongation de la Transition. Que faire ?

Cela dit, il n’est interdit à personne de rêver ! Tout comme à tout citoyen malien quelle que soit sa catégorie sociale ! Seules les ambitions des uns et des autres en phase avec les principes du Mali-Koura, trouveront leur essence. Dit-on !

Thierry-Paul Ifoundza, médecin-écrivain/Les Échos du Congo-Brazzaville