La CIJ donne raison à la Guinée équatoriale sur le Gabon au sujet d’îlots disputés, riches en pétrole et en gaz

La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, a donné raison lundi 19 mai à la Guinée équatoriale dans un litige qui l’oppose depuis des décennies au Gabon au sujet de trois petites îles situées dans des eaux potentiellement riches en pétrole et en gaz (Mbanié, Cocotiers et Conga).

Les deux nations  situées en Afrique centrale se disputent depuis le début des années 1970 Mbanié, une île d’une trentaine d’hectares (0,3 km2), et Cocotiers et Conga, deux îlots de faible altitude pratiquement inhabités. Ils se trouvent à une dizaine de kilomètres de la terre équato-guinéenne la plus proche et à une vingtaine de kilomètres des côtes du Gabon.

Après plusieurs médiations internationales, le Gabon et la Guinée équatoriale se sont entendus en 2016 pour demander à la CIJ, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, de trancher ce contentieux territorial qui empoisonne leurs relations.

Un document original introuvable

En 1900, la France et l’Espagne, alors puissances coloniales, avaient signé à Paris un traité établissant les frontières entre les deux pays. Mais le Gabon soutient qu’un traité ultérieur signé en 1974, la convention de Bata, lui confère la souveraineté sur les îles. Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente honoraire de la Cour constitutionnelle du Gabon, a revendiqué la validité de la convention de Bata qui, selon elle, « a résolu l’ensemble des questions de fond » concernant les frontières.

La Guinée équatoriale affirme de son côté que le Gabon occupe illégalement les îlots depuis qu’il les a envahis en 1972, et conteste la validité de la convention de Bata. Le vice-ministre équato-guinéen des Mines et des Hydrocarbures, Domingo Mba Esono, a déclaré au tribunal que les fonctionnaires gabonais avaient soudainement brandi ce traité lors d’une réunion entre les deux pays en 2003, prenant la délégation équato-guinéenne « complètement par surprise ». « Personne n’avait vu ou entendu parler de cette supposée convention. De plus, le document présenté n’était pas un original mais seulement une photocopie non authentifiée », a déclaré M. Esono.

La délégation de la Guinée équatoriale a mis en doute la légitimité du document et insisté pour que le Gabon en présente une version originale. Philippe Sands, un avocat représentant la Guinée équatoriale, a affirmé que la Cour entrerait « dans le monde de l’invraisemblance et du ridicule » en accordant du crédit à ces « bouts de papier ». « On vous demande de statuer qu’un État peut s’appuyer sur une photocopie d’une photocopie d’un prétendu document, dont l’original est introuvable et dont il n’a pas été fait mention et auquel on ne s’est pas fié pendant trois décennies », a-t-il déclaré.

Les deux pays ont demandé à la CIJ de décider quels textes juridiques sont valides, et non de dire quelle nation détient la souveraineté sur ces îles. Mme Mborantsuo a admis que « malheureusement, ni l’une ni l’autre des deux parties n’[a] retrouvé l’original du traité de la convention de Bata ». Le traité a été établi lors d’une période précédant l’ère électronique, marquée par une « mauvaise tenue des archives », a-t-elle déploré.

Lundi 19 mai, la CIJ a estimé que cette convention « n’est pas un traité faisant droit » et « ne constitue pas un titre juridique ».

La cour a déclaré que le titre légal sur les îles était détenu par l’Espagne, qui l’a ensuite transmis à la Guinée équatoriale lorsque celle-ci est devenue indépendante en 1968.

Source : Le Monde avec AFP

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