"Numéro vert" contre la corruption : zéro poursuite en deux ans, le gouvernement rebelote avec un autre numéro vert

Avez-vous déjà appelé le 1314 ? Annoncé en grande pompe il y a 2 ans, et malgré l'engouement, le Numéro vert mis en place par le Ministère congolais des Finances et du Budget, exclusivement dédié à la réception des dénonciations d’actes de corruption, tarde à donner des résultats concrets. Le bilan de l’opération reste négatif avec zéro cas de poursuites judiciaires. De façon générale, la confiance envers les institutions congolaises reste fragile. Près d’un congolais sur deux aurait donné au moins une fois un « bakchich » en échange d’un service public. Le secteur judiciaire est le premier pointé du doigt, devant la Police et les hôpitaux. Un fléau qui nuit gravement à l’économie nationale. Malgré les programmes annoncés à grand renfort de publicité, le Congo continue de souffrir d’une corruption systémique. Le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso qui a clôturé samedi les travaux du premier séminaire gouvernemental au Centre International de Conférence de Kintélé, au nord de Brazzaville, a annoncé l’ouverture d’un autre Numéro vert, le 1023, aux fins de recueillir les appels des citoyens pour dénoncer différents types de malversations.

Selon le rapport de ce séminaire gouvernemental qui vise à traduire en acte les promesses électorales du Chef de l’Etat et ine fine développer le pays, améliorer les conditions de vie des congolais, des moyens devraient être donnés à la Haute autorité de lutte contre la corruption, notamment lui trouver un siège et assurer le déblocage régulier des crédits de son budget de fonctionnement.

On rappelle que le Congo est classé au bas de l’échelle en 2017 en ce qui concerne le marqueur de perception de la corruption de Transparency International. Notre pays occupe, en effet, le 159e rang sur 177 pays, et dans l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance en Afrique, nous sommes classés 42e sur 54 pays.

Les structures anticorruption mises en place par le Congo n’ont pas fourni des résultats escomptés, au bout de plusieurs années d’exercice.

Il est devenu de plus en plus ardu d’obtenir normalement un document administratif ou un service dans les délais normalement impartis. Tout recours à l’administration publique ou privée pour un papier ou une pièce spécifique, voire un service dont la délivrance est censée être régentée, du type passeport, carte d’identité, intervention des forces de sécurité, un poste budgétaire, une facture au Trésor public, nécessite un pot-de-vin. A quelques exceptions près, la corruption est devenue endémique au Congo-Brazzaville et sévit à toutes les étapes de quelque processus que ce soit, particulièrement lorsque de fortes sommes sont en jeu.

La corruption et ses infractions connexes ou assimilées comme la concussion, le trafic d’influence, la soustraction et le détournement des biens, la gestion frauduleuse, l’enrichissement illicite, le favoritisme, la prise illégale d’intérêt, les abus des biens sociaux et le blanchiment des capitaux constituent un obstacle à l’éradication de la pauvreté et sape la capacité du pays d’atteindre ses objectifs du développement.

Le 31 juillet 2016, le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude, Lamyr Nguelé, a accusé le Parquet de Brazzaville de ne pas engager les poursuites judiciaires contre les tierces sur certains dossiers avérés.

Le Président de la République, Denis Sassou N’Guesso, a pris l’engagement solennel de s’armer de courage pour « Lutter contre les antivaleurs dans les administrations et les organismes publics ». C’était lors du discours qu’il a prononcé, le vendredi 16 avril dernier, à l’occasion de son investiture pour un nouveau mandat de cinq ans à la tête du pays.

Pour ce faire, le numéro un congolais, justifiant la création du Ministère du Contrôle d’Etat, chargé de la qualité du service public et de la lutte contre les antivaleurs, a invité en mai dernier, lors du premier Conseil des ministres, son animateur, Jean Rosaire Ibara, à prendre toutes ses responsabilités.

Quoi qu’on en dise, le PCT, principal parti de la majorité présidentielle, devrait être à l’avant-garde de l’action du président. Dans la lutte contre les antivaleurs, il est temps que ce parti qui jusque là s’illustre par les intrigues et le silence coupable sur la question, donne le ton, imprime le rythme et marque la cadence, afin de servir de levier d'entrainement à tous les congolais.

Le contraire serait une démission blâmable et coupable.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville