Le dernier voyage du premier ministre congolais Clément Mouamba en Chine avait entre autres buts, celui d'obtenir des partenaires chinois, des facilités de remboursement de la dette congolaise, dont la Chine est le principal créancier, afin de rendre celle-ci « soutenable », et lever ainsi le verrou bloquant, pour la mise en place du programme avec le FMI. C'était pour Clément Mouamba, sans compter qu'en Chine, l'idéologie socialiste orne désormais les manuels d'histoire et que dans sa relation avec l'Afrique, la Chine s'aiderait plus qu'elle n'aide réellement l'Afrique.
Pour la sixième fois consécutive, le Fonds monétaire international a ajourné sine die, le 3 août dernier, l'examen du dossier du Congo, en vue de la conclusion d'un programme de relance économique, avec entre autres actes, une injection d'argent frais pour permettre au Congo de se remettre à flot.
Si 60% de la dette congolaise sont détenues par la Chine et les traders, il va s'en dire qu'en allant en Chine, Clément Mouamba savait que c'est là qu'est le nœud du problème. Aussi, la lettre d'intention qu'il s'est empressé de signer à l'endroit du FMI, sur la base des promesses chinoises aura été vidée de toute sa substance, le « partenaire » chinois s'étant rebiffé au dernier moment.
Quel que soit l'angle par lequel on aborde le problème, il va s'en dire que la Chine est devenue depuis quelques années, le principal acteur étranger de l'économie congolaise. Et cette « chino-dépendance » devient un boulet.
Même dans les industries extractives où elle tenait naguère une place marginale, la Chine est en train de s'imposer, rachetant à tour de bras les parts congolaises, dans un business qui a désormais pris la face d'un capitalisme sauvage, celui qui n'a pas d'amis, sinon les intérêts et que dénonçait Karl Marx dans « Le Capital ». « Plus le profit est convenable, plus le capitaliste devient dangereux », y disait-il.
Plus de dix mille entreprises chinoises opèrent sur le continent africain et 90 % d’entre elles sont privées. De quoi briser certaines idées reçues. Leurs revenus générés en Afrique pourraient croître de 144 % et atteindre 440 milliards de dollars d’ici à 2025, selon certains économistes.
Ces économistes relèvent surtout les profondes inégalités de la relation Chine-Afrique. Pour eux, « Les investisseurs chinois restent d’abord motivés par la quête des matières premières. Depuis des années, on parle de diversification des économies africaines, mais la réalité, c’est que nous en sommes encore très loin. C’est intéressant de voir que seuls les pays relativement pauvres en matières premières comme l’Éthiopie ont une relation plus équilibrée avec la Chine. Pour les autres, nous dressons un constat de forte dépendance autour du pétrole, des matières premières brutes minérales et des métaux. Ils représentent 90 % du total des exportations africaines vers la Chine.»
L’Afrique est ainsi le continent le plus dépendant de la Chine. En 2016, l’Afrique subsaharienne affichait un coefficient de dépendance (sur une échelle allant de 0 à 1) aux exportations bien plus élevé que les autres pays émergents : 0,24, contre 0,16 par exemple pour l’Asie du Sud-Est et 0,19 pour le trio Russie, Brésil, Inde. Le différentiel est encore plus important avec l’Union européenne (0,07) et les États-Unis (0,12).
La forte volatilité des cours des matières premières et la baisse de près de moitié en quelques mois des exportations vers la Chine, fragilise considérablement les économies africaines. Le Soudan, l’Angola, le Congo-Brazzaville et la Mauritanie sont les plus dépendants de la Chine, et donc les plus fragiles.
Ainsi qu'on le voit, sauf erreur d'appréciation, le Congo-Brazzaville qui semblait inscrire sa coopération multiforme avec la Chine sur un registre naguère nommé « internationalisme prolétarien », a tôt fait de déchanter car la Chine s'est outrancièrement capitalisée, même si les apparences restent « rouges ».
Ainsi, pour la Chine, accéder à la demande du Congo, dans un contexte de morosité économique internationale, sur fond de relocalisation de nombreuses entreprises européennes, équivaudrait à fragiliser sa propre économie. Accéder aux facilités souhaitées par le Congo, équivaudrait à lui prêter deux fois. Et, l'économiste Clément Mouamba n'a pas oublié ce sacro-saint principe de la haute finance : « on ne prête qu'aux riches ». Ce que le Congo est loin d'être à l'heure actuelle, même vis à vis de la chine.
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville