ARTISANAT : Le raphia, une filière délaissée au Congo ?

Le raphia est un genre de palmiers, dont certaines espèces produisent des fibres qui servent à faire des liens, des tresses, des cordages et des tissus. Cette fibre tissée, permet de confectionner à ce tissu traditionnel, qui devient une sorte de patrimoine national congolais. Ainsi, pour perpétuer ce domaine et vulgariser ce tissu local traditionnel, une Semaine du métier du raphiafut organisée récemment à Brazzaville à travers une exposition, avec le Ministère des Petites, Moyennes Entreprises et de l’Artisanat, en collaboration du regroupement ’’Village raphia PA.NGA’’ et tous ceux qui travaillent dans la filière raphia, avec pour thème : « Pérennisons la valeur du raphia dans nos sociétés ». Nous nous sommes rapprochés de l’un des stands d’exposition et M. Pascal Ngalibo, un exposant a bien voulu répondre à quelques-unes de nos préoccupations dans cette interview exclusive.

LECB : Le raphia, qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Pascal Ngalibo : Le raphia pour moi, représente un élément fondamental, un patrimoine national aujourd’hui. Un habit qui a été utilisé et a habillé nos ancêtres (anciens) et qui continue d’habiller les générations actuelles. C’est donc un tout pour moi, d’une valeur nationale, congolaise, d’une valeur africaine. Je dirais même d’une valeur de l’humanité à l’heure actuelle.

Évidemment, dernièrement, il y a eu une activité dans un hôtel de la place, concernant le raphia. De quoi s’agissait-il ?

Nous devons tout d’abord partir du Centre Interdiocésain des Œuvres (le CIO), où, nous avions lancé, le 15 décembre 2022, notre village raphia PA.NGA, sous le haut patronage de Madame la ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat (PMEA), Jacqueline Lydia Mikolo, avec pour thème : « Pérennisons la valeur du raphia dans nos sociétés ». Tout juste après cette activité, le 16 décembre 2022, nous avions été associés à la Semaine du métier du raphia, qui a eu lieu à FEPACO-Hôtel de Maya-Maya, ici à Brazzaville, là où, ceux qui travaillent dans le domaine du raphia ont exposé pendant une semaine, c’est-à-dire, du 16 au 23 décembre 2022. Nous avons donc exposé nos produits du raphia à cette occasion.

Et quels sont les produits qui ont été présentés lors de cette exposition ?

Chacun de nous a apporté sa touche, avec les différents produits du raphia. Nous, nous avons les chapeaux en raphia, des vêtements en raphia, des vaisselles et des divers objets décorés en raphia (vases, assiettes, cadres des photos, des paniers), des tenues vestimentaires, des bouteilles, des sacoches, des sandales, des cravates et nœud-papillon en raphia. Certains d’entre nous ont exposé des sacs à main, des cartables, tout objet pouvant donner la valeur au raphia et fait à base du raphia. Ainsi donc, la semaine des métiers du raphia a vécu et a laissé des beaux souvenirs à plus d’un citadin et concitoyen de la ville capitale.

Dites-nous M. Ngalibo, y a-t-il des vêtements ou des costumes cousus uniquement en tissu de raphia ?

Oui, bien sûr ! Cela dépend de la conception, de votre choix, de votre demande évidemment. Si vous voulez qu’on vous confectionne un habit ou un costume spécial en raphia, on pourra vous le coudre. Voilà pourquoi, vous aviez dû le remarquer lors de l’exposition, il y a eu des costumes, des vêtements, des complets, des cravates, même des sandales totalement en raphia, sans un autre tissu dit moderne. Ça ne coûte pas du tout cher ! Les prix sont très abordables. Nous avons déjà des tenues ou costumes prêt-à-porter ou vous pouvez également faire une commande pour se faire confectionner un ensemble en tissu raphia, selon son vœux et son choix.

Vous parler de village raphia PA.NGA, c’est un vrai village qui existe, ou, c’est un village virtuel qui n’existe que pendant la période de l’exposition ?

Disons, que PA.NGA est tout d’abord un acronyme : Pa, le diminutif de mon prénom, qui veut dire Pascalet Nga, le diminutif de mon nom, Ngalibo ; donc PA.NGA est une création propre et personnelle. C’est la dénomination de notre PME (Petite Moyenne Entreprise). Nous sommes dans le domaine de l’artisanat, c’est comme un village virtuel, un village réel, parce que, le raphia, on ne le trouve pas partout. Nous avons des forêts et des savanes dans nos différents villages. Il faut aller dans les villages, parce que dans nos activités, nous avons entrepris certaines démarches telles que les recherches, nous avons donc initié une opération appelée planting des palmiers à raphia pour disposer du raphia en permanence. Parce que, la matière première, c’est le palmier à raphia qui vous le donne, sinon, ça va disparaître. Il faut planter le palmier à raphia dans les villages, organiser des campagnes de mobilisation et de conscientisation des populations villageoises, en ce qui concerne l’utilité de ce palmier à raphia, afin de pérenniser cette culture. Pour qu’elles puissent s’approprier du palmier à raphia, afin qu’on développe des grandes étendues de palmiers à raphia. Si on ne procède pas à l’initiative du planting des palmiers à raphia, cette activité pourrait être amenée à disparaître purement et simplement au Congo-Brazzaville !

Présentement au Congo-Brazzaville, où est-ce que l’on peut trouver du raphia ?

Et comment seprocurer ce matériau nécessaire pour confectionner des articles en raphia ? On y trouve dans les départements: de la Lékoumou, à Bambama, Zanaga et Sibiti ; du Pool, à Kinkala et les environs, Mpangala, Kindamba, Mbé et Ngabé ; de la Bouenza, à Kingoué, Ntsiaki ; des Plateaux, à Djambala, Lékana, Mbon, Abala ; ainsi que de la Cuvette-Ouest ; de la Sangha ; même dans le Niari et la Likouala. Voyez-vous, on peut retrouver du raphia un peu partout. C’est pour cela que nous avons dit, qu’il faut donc booster les populations à la culture du palmier à raphia pour que nous en disposions en quantité suffisante, qui nous permettra d’accroitre notre production, pour que nous soyons exportateur du raphia et de son tissu. Le raphia congolais semble être le meilleur nous a-t-on appris. Nos articles sont d’ailleurs estampillés : V.R.P PA.NGA-Brazzaville, pour montrer son origine, pour montrer que ça vient de notre pays, le Congo-Brazzaville.

M. Pascal Ngalibo, lorsque l’on parle de raphia, on fait allusion aux tisserands. Il y en existe chez nous ? Qui est-ce qui tisse ce raphia ?

Naturellement ! Effectivement, lorsque nous avions lancé les activités du village raphia PA.NGA, au Centre Interdiocésain des Œuvres (C.I.O), nous avions fait venir un tisserand, qui a démontré comment on tisse. Puis, lors de l’exposition, deux (2) sont venus de Lékana, qui ont, eux aussi fait la démonstration de cet art de tisser le raphia à notre stand. Pendant l’exposition, nous avons eu le privilège d’accueillir un visiteur pas comme les autres, il s’est agi de M. le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, qui a visité notre stand et a apprécié le talent de nos tisserands et la qualité de nos articles en raphia. Tous les visiteurs de notre stand ont admiré nos produits et ont aimé ce que le Congo dispose comme patrimoine, c’est produit congolais (à l’instar du boubou Burkinabè, qui est fait à base du coton burkinabè tissé et confectionné par les tisserands Burkinabè). Dans le domaine du raphia, nous avons fait des recommandations afin que le pagne en raphia soit notre tenue nationale.

Y a-t-il eu des couturiers de la place qui se sont intéressés au raphia ?

Ils sont venus nombreux, qui veulent avoir du raphia pour leur créativité. Nous avons échangé des adresses afin que nous puissions être en contact permanent. Il y a même les amis du Royaume de Loango qui sont passés visiter notre stand. Eux qui vont introniser leur nouveau Roi, courant ce mois de janvier 2023, après le décès de son prédécesseur. Nous devons signaler que notre but est, de faire connaître le raphia congolais à certains de nos compatriotes et au monde extérieur.

Par rapport au planting du palmier à raphia, avez-vous déjà un projet pour l’exécution ou la mise en application de celui-ci ? Vous avez également pensé à la formation des jeunes pour la pérennisation de l’activité ?

Ce travail est comme celui des mécaniciens, des tailleurs (couturiers), les forgerons, ils transmettent leur savoir-faire, leur connaissance, leur génie à leur progéniture, à leur descendance. Mais, pour cela, nous allons amener les tisserands dans leurs localités, pour travailler avec eux, afin de leur transmettre les techniques de tissage et de confection du raphia. Apprendre donc le métier. Nous avons parmi nous un ami, Aurélien Limbion, qui nous a dit que son papa faisait ça à Mbon et lui était capable et pouvait apprendre aux autres comment tisser le raphia.

Donc, notre but, c’est de planter le palmier à raphia, de former les jeunes aux techniques de tissage du raphia, pour pérenniser ce domaine de l’artisanat.Perpétuer notre pagne en raphia. Le Congolais doit s’habiller en « Made in Congo ».

Pendant certaines cérémonies, on voit souvent qu’on fait porter un pagne en raphia à des tiers, ceci, pour exprimer la valeur, l’importance, symbolisant la dignité et la richesse dont le Congo dispose.

Le Professeur Théophile Obenga disait, je cite : « Les Congolais devait savoir que, s’il y a une découverte, s’il y a quelque chose qu’on fait dans tel district, dans tel partie du pays, c’est un produit national. Il prend même l’exemple sur le Royaume de Makoko. Ce Royaume ne devrait pas être une appartenance des seuls tékés. Non ! C’est un patrimoine national et les Congolais devraient en être fiers ». Il a pris cet exemple parce que, le Congo notre pays, regorge d’énormes potentialités, autant de patois qui ont chacun, autant de diversité et de richesses.

Donc, il faut plutôt chercher à produire en quantité suffisante, afin de permettre une vente à l’extérieur, en international. On doit à cet effet bien vulgariser notre produit local, le raphia. Je lance d’ailleurs un appel à tous ceux, désireux de découvrir cette filière de raphia et de son palmier, de nous contacter au 06.663.08.68 ou au 05.528.82.70. Notre WhatsApp : 04.026.62.97.

Votre mot de fin ?

Je dis d’abord merci à votre rédaction et à votre personne, qui avez bien voulu nous mettre sous la lumière à travers ce que nous faisons pour continuer à montrer au Congo tout entier et au monde, l’importance du palmier à raphia et à sa fibre, qui permet la confection ce pagne traditionnel. De l’aimer et de le booster internationalement. Demandons aussi à nos autorités compétentes, de prendre à bras-le-corps ce domaine, pour une meilleure productivité, une meilleure visibilité et un meilleur rayonnement au niveau mondial.

Propos recueillis par Valda Saint-Val / Les Echos du Congo-Brazzaville