Mbinda : un petit paradis terrestre perdu à la recherche indéfiniment d’un nouvel avenir

Tout semble être figé dans le temps à Mbinda dans le département du Niari (sud). 1991 fut la dernière année glorieuse pour cet ancien petit paradis terrestre qui faisait rêver tout le Congo et le Gabon voisin. 1991, une date sombre pour la ville. C’était la fin des activités du téléphérique. Il y a donc 30 ans. La compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) qui a « inventé » la ville a cessé brutalement l’aventure du manganèse en provenance de Moanda au Gabon et tout continue de s’écrouler dangereusement sous le regard impuissant des populations locales et des élus locaux.

L’ancien Foyer. Ici, il y avait le cinéma, le restaurant et le bar pour les ouvriers. La vie gravitait par ici. Et juste derrière, se trouvait la cité des ouvriers.

Mais ce qui pose problème aujourd'hui, de manière plus générale, c'est la perte de substance de tous les camps Comilog, d’emblée de toute la ville, depuis une trentaine d'années.

Sur la route principale qui divise Mbinda en deux et plus précisément au quartier Mikouagna, les bâtiments du grand poste douanier sont abandonnés dans l’herbe.

L’économat, la poissonnerie et naturellement la zone industrielle, tout est fermé. Abandonné.

Quelques engins s’usent lentement à découvert sous le poids des intempéries. Un gros rouleau d’un câble qui faisait défiler les mini-bennes chargées de manganèse de Moanda jusqu’à Mbinda sur une distance de 75 km témoigne encore du passé industriel de Mbinda.

La salle de commande était déjà automatisée. Plusieurs installations sont encore intactes.

Mbinda est le vestige d’un endroit qui a vécu des moments glorieux.

« Depuis les années 70 nous mangions les pommes de France. Le fromage, la mayonnaise, la moutarde de Dijon, l’eau Perrier, les yaourts, les olives, le saucisson... Tout venait de la France à partir de Pointe-Noire », nous a confié un jeune de l’ex cité Comilog qui se souvient encore de l’un des rares coins où tous les enfants naissaient dans une maternité bien équipée et grandissaient dans des cités où des gouvernantes circulaient pour s’assurer que toutes les maisons étaient bien tenues. « Si ce n’était pas le cas, le père écopait d’une sanction au travail ».

Les malades connaissent des difficultés liées à l’accès aux soins. Depuis plusieurs mois, l’hôpital est confronté à un manque criard de médicaments sans oublier le manque des agents de santé qualifiés. Le manque du personnel soignant et du matériel complique la prise en charge des patients à l’hôpital de Mbinda. La population de la ville se penche désormais sur des plantes médicinales pour se faire soigner à cause de manque de produits pharmaceutiques de l’hôpital.

Selon une source proche de cet hôpital, cette difficulté est liée au manque de volonté des autorités à approvisionner l’hôpital en médicament.

Depuis 1962 à 1991, COMILOG évacuait le manganèse de Moanda au Gabon jusqu’au port de Pointe- Noire au Congo via Mbinda. Le précieux caillou quittait Moanda pour Mbinda via un téléphérique où le minerai était chargé dans des wagons à destination du port de Pointe Noire. Le Gabon à l’époque n’avait pas de chemin de fer. Il était cependant fier de disposer du plus long téléphérique du monde, long de plus de 75 km et Mbinda était alors le terminus sud de l'un des plus longs câbles téléphériques au monde, et le début de la ligne ferroviaire dite « ligne COMILOG » jusqu'à Mont- Bélo pour transporter le manganese jusqu'au port de Pointe-Noire, la capitale économique du Congo.

Le 5 septembre 1991, un train de Comilog transportant du manganèse est entré en collision avec un train de voyageurs au Congo Brazzaville. Plus de 100 personnes ont trouvé la mort. Après l’accident, l’entreprise a arrêté le transport ferroviaire de matières premières. L’entreprise a licencié 955 travailleurs sans préavis ni dédommagement. Les travailleurs avaient été informés qu’ils recevraient leur indemnité de licenciement en versements échelonnés sur cinq ans, à partir de 1993. Ils disent cependant n’avoir jamais perçu leur indemnité de licenciement. La conséquence est une augmentation du chômage et l'exode massif des populations vers Dolisie, Pointe-Noire et le Gabon.

La fermeture de Comilog a créé les conditions de ce déclin, qui renforce une régression des relations de voisinage, de la vie tout court.

Et même le boulanger (papa Lambert) ou le boucher (Décoté) s'est exilé. Sans oublier Abel, le propriétaire et le gérant de l’un des plus grands bars dancing du département du Niari (Calebasse Bar).

«La situation est catastrophique », reconnaissent les jeunes qui ont encore le courage de rester dans la ville.

Mbinda a perdu presque de toutes les commodités d’usages en un clin d’œil. Plus d’eau potable et d’électricité. Le désarroi des visiteurs ne se cache pas longtemps une fois le soleil couché. Dès la tombée de la nuit, la localité est plongée dans une obscurité totale. Les habitants résignés se retirent petit à petit chez eux en attendant le levé du jour. Les populations se désaltèrent désormais avec les eaux des puits ou de source. Les risques des maladies microbiennes sont grands.

Le manque de route carrossable n’est pas en reste dans le dénuement de Mbinda. Pendant la saison de pluie, quelques rares transporteurs qui fréquentent souvent la localité n’osent plus s’y aventurer à cause des pannes provoquées sur leurs véhicules par l’état piteux de la route. La latérite laisse la place aux bourbiers. Ainsi, la pratique des activités génératrices de revenus et autres commerces est difficile pour les 5000 âmes qui vivent encore dans la ville.

Et la question est aussi esthétique, notamment la laideur des camps Comilog et l’ensemble des installations de cette entreprise. Tout est en ruine. Mbinda est une ville en sommeil avec ou sans soleil.

Jean-Jacques DOUNDA / Les Echos du Congo-Brazzaville

Crédit photos : Djince