Un rapport de l’ONU déplore une discrimination profonde, systémique et extrêmement enracinée des pygmées au Congo

Les pygmées du Congo-Brazzaville sont soumis à une « discrimination profonde, systémique et extrêmement enracinée » selon un rapport livré jeudi 24 octobre dernier, par la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz.

Victoria Tauli-Corpuz, met une nouvelle fois en lumière la marginalisation et souvent la répression des populations semi-nomades, couramment appelées « Pygmées » bien que l’utilisation de cette appellation péjorative soit officiellement interdite au Congo.

Au Congo-Brazzaville un cadre juridique solide a été adopté pour permettre à ces populations de faire valoir leurs droits. Après la loi de 2011 – la première en Afrique consacrée aux peuples autochtones –, un article a été introduit dans la Constitution, en 2015, pour acter cette reconnaissance. Mais il a fallu attendre juillet 2019 pour que six décrets d’application sur neuf soient adoptés. Autant dire que cette protection promise est jusqu’à présent restée sur le papier.

« Les peuples autochtones ne doivent pas être considérés comme des fardeaux ou des obstacles au développement et comme des peuples arriérés et primitifs. Ils devraient être considérés comme des êtres humains qui ont la dignité et les mêmes droits que toutes les autres personnes », rappelle Victoria Tauli-Corpuz qui a activement participé à la rédaction de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, en 2007.

Le rapport pointe également le poids disproportionné d’infections (paludisme, lèpre, tuberculose ou pian) supporté par ces communautés stigmatisées et déplore l’absence d’efforts pour offrir aux enfants un enseignement « culturellement adapté ». Les écoles ORA (« Observer, Réfléchir, Agir »), réservées aux enfants autochtones et financées par les bailleurs de fonds internationaux, sont en pratique la seule forme d’enseignement gratuit existant dans le pays, observe Mme Tauli-Corpuz, pour aussitôt s’interroger sur la pertinence d’un « matériel pédagogique exclusivement en français ».

Aucune donnée récente ne permet de dire combien de Pygmées vivent au Congo.

Le dernier recensement national, réalisé en 2007, évaluait leur part à 1,2 % de la population, soit 43 378 personnes. Une étude des Nations unies datant de 2013 évoquait le chiffre de 2 %, pour approximativement 100 000 individus. Le gouvernement livre quant à lui une fourchette beaucoup plus large, allant de 1,4 à 10 % de la population.

En dépit de la richesse de leur culture, en particulier en matière de pharmacopée, de chants et de danses, supports indispensables d’identité et de mémoire, et aussi porteurs de solutions de développement, les populations autochtones sont parmi les catégories les plus pauvres et marginalisées.

Les populations autochtones souffrent de discriminations séculaires, d’exploitation économique, d’extrême pauvreté, d’accès difficile aux services sociaux de base, à la terre et aux ressources, de non reconnaissance de droits fondamentaux.

Ces graves abus et violations des droits humains sont profondément enracinés dans le logiciel mental et deviennent des normes sociales établies, au mépris de leur dignité humaine.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo Brazzaville