Congo - Religion : Le tribun '' Ngunza'' Daniel Koubemba s'en est allé

Il était '' Tâta Koubemba'' pour de nombreux adeptes du culte Ngunza'' qu'il officiait depuis son jeune âge et pour lequel il avait enduré tant de tribulations et surtout persévéré, car se disant investi d’une mission. Daniel Koubemba a tiré sa révérence à presque 110 ans d'âge, lundi 24 juin 2019 à Brazzaville.

‘’Tâta Koubemba’’ cette dénomination emprunte de révérence traduisait le respect et l’aura qu’entourait cet homme qui a voué sa vie au service des autres, à travers la religion Ngunza, ’’Dibundu dia Bula mananga’’ qu’il pratiquait. De pure tradition Ngunza, à travers un culte désintéressé, Daniel Koumbemba officiait dans la rue Augagneur, non loin du marché dit ‘’Commission’’ à Makélé-kélé. Tâta Koubemba était de la trempe de ‘’ Malonga ma MPiéri-Mpiéri’’ ou autre ‘’Tâta Ndzalamou’’ de Makaka par Goma Tsé-Tsé, d’autres grand-prêtres Ngunza qui traduisaient la pureté du culte, partis bien longtemps avant lui.

À travers sa prière adressée « mu nk’umb’a sé mwan’a mpévé ya nlongo » autrement dit, « au nom du Saint fils de l’Esprit très Saint » avec pour intercesseurs, André Grénard Matsoua, Simon Kimbangu ou ‘’Mâma Ngunga’’, Daniel Koubemba a su redonner, au long des ans, du sourire à de nombreux malades dont les cas étaient souvent désespérés et face auxquels la médecine s’était dans la plupart des cas révélée impuissante, sans qu’il n’en coûte quasiment un seul sou à ceux-ci. « Kimpévé ka bâ dilâ k’â tia mbongo kô » ce qui veut dire, « on ne monnaye pas un don de l’Esprit que Dieu vous a offert gratuitement » nous rappelait-il. Pour entretenir sa famille, Daniel Koubemba vendait des poulets sur pattes.

Des bougies à la charge du patient pour des prières adressées en son nom auprès du très haut, « nakissa bissambu kué ta mampungu » en plus de l’eau pour le rituel d’expurgation de tout esprit impur ou de maladie, « niakissa », exécuté au moyen d’un carré de tissu béni, « bidimbu bia tumbû » et quelques gorgées de cette eau, donnée à boire au patient, à travers un canari en terre cuite, et le miracle s’opérait là, à l’instant. La personne venue grabataire, repartait sur ses deux pieds ou était internée, le temps des prières intenses pour sa délivrance. C’est une fois libérée de tout ce qui faisait obstacle au traitement médical que la personne pouvait partir à l’hôpital, ce que Daniel Koubemba conseillait d’ailleurs. « Nous avons fait le travail d’intérieur. C’est au médecin de faire le reste. Soyez confiant, vous allez guérir », rassurait-il. De toutes ces prouesses, Tâta Koubemba ne tirait aucun mérite. « Ka men’oako, ta mampungu sadidi », « ce n’est pas moi, c’est le très haut qui a œuvré ».

Il arrivait que la personne habitée par un mauvais esprit se voyait ôter celui-ci, attiré dans une bouteille où on l’enfermait. Une pratique qui se révélait dangereuse, selon que ledit esprit pouvait être réfractaire ou très violent. Très peu de jeunes gens et jeunes filles y ont été initiés, les principes spirituels et moraux étant des plus contraignants.

Dans ce sacerdoce, Daniel Koubemba était épaulé entre autres frères et soeurs, par son épouse, ‘’Mâma Konda’’. Une épouse qui hélas mourut en 1997, aux cotés d’autres adeptes victimes des évènements qui endeuillèrent le pays tout entier. Jamais leurs dépouilles ne furent retrouvées.

Quoique affecté par cette disparition dont il porta le deuil et pour laquelle il se résolu à accepter la volonté de Dieu, Tâta Koumbemba s’était peu à peu mis en retrait de la conduite du culte, n’intervenant que pour les cas complexes, la charge étant dévolue à son fils Ange Koubemba « Tâta ntuarissi », le « guide » dont l’initiation à ses cotés, date de son jeune âge, quasiment depuis les années 80. De quoi dire que l’Église, « Dibumdu », reste en de bonnes mains.

Tâta Koubemba en compagnie de son petit fils

Pour l’anecdote, en 1977, alors que le CMP avait décidé de la fermeture des lieux de cultes non conventionnels, les adeptes du culte ngunza furent épargnés. Et pour cause, un dignitaire du régime dont le parent était malade et qui avait dépensé de fortes sommes en soins médicaux, fut malgré lui, orienté par une connaissance, chez Tâta Koubemba. La personne dont les médecins prédisaient une mort imminente fut sauvée aux moyens d’une simple eau, administrée après avoir été expurgée « niakissa », de l’esprit qui le hantait. Ce témoignage par la preuve suffisait à épargner ‘’Dibundu dia Bula mananga’’ de toute fermeture.

Avec la mort de Daniel Koubemba, disparait l’un des derniers témoins, parmi ces hommes qui avaient consacré leur vie à la cause de l’Homme noir, en adeptes de André Grénard Matsoua. Un de ceux qui avaient souffert le martyrs de la déportation des matsouanistes. La pureté de son âme est tout un hommage à ce grand Homme.

« Kuélé mvu, ku sidi mvu » ; « puisse la sagesse que tu emportes, rester également sur ceux que tu laisses ». 

« Henda mboté tâta Koubemba ! Bika wa kota mu lulendo lua tâ mampungu ». « Vas en paix tâta Koubemba ! Puisses-tu entrer dans la gloire du Père très Saint».

« Tâta ntouadissi » Bertrand BOUKAKA/ Les Échos du Congo-Brazzaville