Congo – Réparations des séquelles de guerre : Puisse l'État, ne pas passer les victimes par pertes et profits

Depuis le 23 juillet, le pasteur Ntoumi et sa famille peuvent à nouveau afficher le sourire, suite à l'abandon des poursuites judiciaires qui pesaient sur eux. En un instant, comme des païens sortis des eaux du baptême, ils sont redevenus purs de toutes taches, endossant des « habits de chrétiens », lavés de tout péché. Mais, que deviennent alors ces milliers de victimes qui souffrent le martyr de leur folle aventure dans le Pool?

Le règlement politique d'un conflit armé a ceci de paradoxal que jamais aucune des parties naguère en belligérance n'endosse son tort, comme si la substance même de l'absolution résidait en la non désignation d'un coupable.

Quoiqu'il en soit, pendant les hostilités, dans un conflit parfois asymétrique, les deux parties ont souvent franchi les limites du tolérable et de l'horreur vis à vis des tiers, que la solution politique convient le mieux à tous, chacun s'en tirant à bon compte, les conséquences humaines, morales et matérielles du conflit passant de faits par pertes et profits, « au nom de l'intérêt supérieur » qui se décline en un seul mot : la paix.

Toutes les victimes des affres d'un conflit accepteraient la paix, quelles qu'en soient les conditions, pourvu qu'elles l'obtiennent et sortent de l'horreur de la guerre.

Pour ces hommes et ces femmes dont le discernement est tronqué par la douleur dont ils veulent dans tous les cas s'extraire, le gouvernement qui en définitive devient seul responsable de cette solution négociée, a le devoir de porter des réparations civiles aux victimes, telle un baume sur leurs meurtrissures, afin que celles-ci n'aient pas le sentiment d'avoir été sacrifiées au profit d'une politique politicienne, regardant d'en bas les auteurs de leurs souffrances dont l'abandon des poursuites serait à l'évidence une façon de les narguer.

Conformément aux termes de l’accord de Kinkala, la justice congolaise a annulé, le 27 juillet dernier, les poursuites judiciaires engagées contre Frédéric Bintsamou. « Aujourd'hui, l'horizon s'éclaircit. Je viens de retrouver ma liberté de mouvement dans mes actions, mes entreprises privées et tous mes droits à travers l'arrêt rendu le 27 juillet en cours, par la Cour d'appel de Brazzaville, ordonnant la mainlevée immédiate des mandats d'arrêt. Cette étape est importante dans le processus de normalisation de la vie dans le département du Pool », se réjouissait-il dans un message délivré par son représentant, Philippe Bibi Ané.

Le pasteur Ntoumi étant amnistié, deux grandes étapes restent à franchir pour tourner définitivement la page de ce conflit. Il s’agit du ramassage des armes, qui en principe s’étalera du 7 au 27 août, ce qui reste à confirmer; suivie de la réinsertion sociale des ex-combattants et de la reconstruction des villages.

Pourvu que l'État n'oublie pas la réparation des séquelles de guerre, un vaste chantier psychosocial et humain dont dépendra l'équilibre dans la reconstruction de nombre de victimes à tout jamais cabossées, afin que pour elles aussi, à l'instar du pasteur Ntoumi, « l'horizon s'éclaircit » tant soit peu.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville