A l’occasion de la célébration de la fête des mères, la franco-congolaise, Iridice Mobombo, née en novembre 1980 à Dolisie, dans le département du Niari, a exhorté ses compatriotes ayant la nationalité française de faire la politique.
Les Echos du Congo Brazzaville (LECB) : Comment êtes-vous arrivée en politique ? Puis comment vous-vous êtes retrouvée sur la liste PS conduite par Nicolas Alix aux élections municipales de 2014 à Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne ?
Iridice Mobombo (IM) : Le hasard n’existe pas. C’est Monsieur Jean-Pierre Guérin Conseiller municipal du Mée-sur-Seine qui m’a donné l’envie de faire un pas décisif vers la politique et quand je décide de m’installer avec mes trois enfants à Dammarie-les-Lys, Nicolas Alix qui, grâce à la parité, a été obligé de choisir des femmes et m’a demandé si je souhaitais travailler à ses côtés. Je n’ai pas trop réfléchi, je me suis dit on essaie, on verra bien si ça peut me plaire. Pas facile mais très intéressant.
LECB : Avez-vous eu des moments compliqués, notamment lors de la campagne électorale ?
IM : Pendant la campagne, du fait de ma double nationalité, j’étais parfois victime des actes racistes. Certains crachaient sur mon visage, d’autres m’envoyaient carrément leurs chiens lors de mes différentes visites dans certains immeubles et certains quartiers de la commune de Dammarie-les-Lys. C’était la meilleure façon de blesser, de dire « regardez-là elle est africaine, même pas française vous ne pouvez pas la laisser être élue de la commune ! ». Dans le café du coin aujourd’hui on m’appelle la courageuse du Lys, pas très sympa non plus (rire). Mis à part ça, c’était assez gentil. Mais les électeurs en ont décidé autrement et maintenant nous attendons que ceux qui sont là changent l’image de la ville.
LECB : La répartition des tâches entre hommes et femmes reste encore très inégalitaire, comment concilier carrière politique et vie de famille ?
IM : Il faut choisir les bons compagnons qui fassent le ménage ! Aujourd’hui, les hommes sont plus ouverts à la vie du foyer, profitons-en. Freud disait à une mère : «Faites comme vous voudrez, de toute façon, ce sera mal.» Il faut arrêter de culpabiliser et ménager tant que l’on peut des moments privilégiés avec nos enfants. J’ai trois enfants et je ne dis pas que c’est simple, mais plus les femmes politiques seront nombreuses, plus les temps sociaux seront respectés.
LECB : Etre une femme africaine a-t-il été un avantage ou un inconvénient dans votre parcours politique?
IM : L'électorat, qui est le reflet de la société, est beaucoup plus avancé sur cette question que leurs cadres, et notamment ceux des partis. C'est pour les électeurs une évidence qu'une femme puisse accéder aux responsabilités. Dans les formations politiques en revanche, il y a des crispations à tous les étages - comme dans tous les milieux à responsabilité. Les hommes s'y font concurrence entre eux et ne veulent pas ajouter, en plus, la concurrence des femmes.
LECB : Les partis peinent toutefois à trouver des candidates africaines aux élections locales ?
IM : Non, ce n'est pas vrai. C'est l'argument de tous les cadres du parti qui affirment : "On aurait bien voulu investir une femme pour cette élection, mais on n'en a pas trouvée". Sans rire? Nous sommes dans un système qui n'est pas conçu pour laisser facilement la place aux femmes. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de femmes intéressées et compétentes.
LECB : Une femme à la tête de la France ou de votre pays d'origine le Congo-Brazzaville, qu'en pensez-vous?
IM : Je ne vais pas me contredire. Pour moi, la question n'est pas de savoir s'il faut ou s'il ne faut pas d'une femme à l'Elysée à Matignon ou au palais du peuple de Brazzaville. Je suis toujours heureuse quand la place de la femme progresse dans la société, mais je défends avant tout la reconnaissance pleine et entière des capacités de chacun, homme ou femme.
LECB : Pour toutes celles qui souhaitent se lancer mais n’osent pas : quels seraient vos conseils ?
IM : Ne pas se poser de questions, y aller tout simplement. Il faut faire comme on le sent, rester naturel surtout. Je pense qu’aujourd’hui les gens ne supportent plus les choses superficielles, ils ont besoin d’avoir des personnes comme vous et moi en face d’eux. Pour ma part je suis proche des habitants, je me déplace, je n’ai pas peur de les rencontrer tout en étant moi-même. Si c’est pour jouer un jeu ça ne sert à rien. Si on n’a la nationalité française juste pour éviter d’aller renouveler tous les 10 ans son titre de séjour à la préfecture, je dis aussi non. Ce qui fait la France vient aussi d’ailleurs. Notre place c’est ici et on doit se battre à tous les niveaux. Barack Obama doit nous servir d’exemple. Chaque ville, chaque région est différente, tout dépend également de l’équipe qui vous entoure. Et puis on ne peut pas comparer une commune comme la mienne de plus de 21000 habitants à une autre de 200 ou 10000 habitants. Je ne peux pas dire vraiment ce que vous devez faire mais la meilleure chose est de rester soi-même, c’est le plus important !
Propos recueillis par Jean-Jacques Jarele SIKA