FMI-Afrique, amortir l’impact de la chute du prix du brut

Œuvrer à compenser les équilibres économiques des pays africains producteurs de pétrole à travers d'autres revenus suite à la chute drastique des cours du pétrole, tel est l'objet de la visite effectuée par Christine Lagarde, directrice du fond monétaire international en Afrique.

Les cours du pétrole sont en chute libre. Ils approchent dangereusement de la barre des 30 dollars le baril. Les cours du Brent et du WTI ont atteint en ce mois de janvier les niveaux les plus bas en respectivement onze ans et demi et douze ans. Ils s’échangeaient ce vendredi autour de 33,78 dollars et 33,25 dollars le baril respectivement. Des taux qui renvoient aux années 90.

La situation est encore tenable, pourtant elle fragilise déjà les pays africains producteurs de pétrole. Certains sont contraints de revoir leurs programmes de développement à la baisse.

En tournée en Afrique, Christine Lagarde a évoqué des pistes de stabilité économique notamment avec la prise en compte des nombreuses ressources souvent mal recouvrées.

Après le Nigeria, la directrice générale du FMI, en visite au Cameroun, a invité les pays de la Cemac (communauté économique des états d'Afrique centrale) dont les économies dépendent des hydrocarbures à accélérer la diversification des recettes.

« Le pétrole représente aujourd’hui environ 70 % des exportations de la Cemac et plus d’un tiers de ses recettes budgétaires. Il va de soi que la chute des cours constitue un énorme défi », a expliqué Christine Lagarde. Selon la patronne de l’institution de Bretton Woods, les États de la zone devront viser une diversification accrue de leurs activités, des dépenses publiques plus restreintes et un approfondissement des échanges commerciaux, a-t-elle diagnostiqué.

L’autre source d’inquiétude économique, a encore indiqué Christine Lagarde, vient du groupe islamiste nigérian Boko Haram, qui sévit notamment au Cameroun et au Tchad, groupe dont les attaques ont perturbé l’activité économique et exigé une augmentation des dépenses militaires. « Ces dépenses ont un effet d’éviction sur les crédits dans des domaines cruciaux tels que l’éducation et la santé », a-t-elle regretté.

La croissance de la Cemac a décroché de deux points et demi en 2015. Elle s’établit à 2,4 % du PIB, rapportait la banque centrale commune aux six États d’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) au terme de son dernier comité de politique monétaire de l’année, le 17 décembre dernier.

Ces prévisions sont supérieures à celle du FMI qui tablait sur seulement 2 % de croissance en 2015.

Trop d'argent se perd en chemin....

Aux ministres des finances de la Communauté Économique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC), Christine Lagarde a suggéré d'en finir avec l'utilisation généralisée des exonérations fiscales et douanières discrétionnaires. « Ces exonérations compromettent les recettes globales des États et affaiblissent la gouvernance » a t- elle fait savoir lors de sa rencontre du vendredi 8 janvier.

Selon la DG du FMI, la mobilisation de recettes intérieures doit également tenir compte des importantes questions de fiscalité internationale qui ont une incidence sur l’assiette des impôts liés aux industries extractives. « Ces considérations peuvent être particulièrement pertinentes dans les pays riches en ressources naturelles, comme certains pays de la CEMAC, afin d’éviter l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices »

Pour Christine Lagarde, la sous-région doit poursuivre la mobilisation des ressources non pétrolières et leur faire atteindre le niveau de convergence communautaire de 17% plutôt que les 15%.

P.A.S et P.A.S.R, des recettes du passé

À défaut d'un programme rappelant les périodes contraignantes des ajustements structurels imposés par son institution, la directrice du FMI conseille à l'Afrique centrale de prioriser désormais ses investissements dans les infrastructures. « Cela peut exiger que l’on réduise l’ampleur de certains plans. La sélectivité dans le développement des infrastructures — basé sur leur bien-fondé économique et leur rentabilité — peut aider à orienter ce travail ».

Dans le classement Doing Business de la Banque mondiale qui évalue les reformes en faveur du climat des affaires dans les pays, il est ressorti que dans la zone CEMAC, les entreprises doivent consacrer en moyenne 572 heures pour s’acquitter de leurs obligations fiscales dans la CEMAC, contre 304 heures dans d’autres pays africains. Aussi, les délais de dédouanement pour les exportations y sont de 40 jours, et pour les importations de 50 jours. Christine Lagarde a souhaité que des améliorations soient apportées dans ce sens.

Au Congo, la baisse du prix du pétrole est fortement ressentie. Cela impacte les investissements qui ont été revus à la baisse. « L’économie ainsi que les finances congolaises s'annoncent difficiles en 2016, a déclaré le président congolais Denis Sassou N'guesso dans son message de vœux à la nation. "2016 s'annonce comme une année difficile au plan économique et financier, résultat inéluctable de la chute vertigineuse du prix du baril de pétrole", précisait-il.

Fortement dépendante du pétrole qui contribue à lui seul, à plus de 75% au budget de l'État et à plus de 80% des exportations, le gouvernement congolais s'est vu obligé, face à la conjoncture pétrolière, de rééquilibrer son budget de l'exercice 2015 ainsi que celui de 2016.

Bertrand BOUKAKA