Quand la justice n'est pas au rendez-vous, la vindicte populaire devient la norme. Malheureusement, c'est ce qui se passe aujourd’hui dans plusieurs quartiers de la capitale congolaise depuis plusieurs mois. La population apeurée et victime des cas de kidnapping suivis de rançons ou d'assassinats recoure à la défensive. Un jeune délinquant appelé communément « Kuluna », 22 ans, a été lynché puis brulé vif ce vendredi matin par la population en colère, au quartier Mouhoumi la base à Mfilou dans le 7e arrondissement de Brazzaville.
Selon les témoignages recueillis sur le lieu, c’est vers 6h du matin que les jeunes du quartier en furie ont accompli cette justice populaire sur ce jeune garçon réputé pour ses extorsions.
Ils disent en avoir marre de voir ces inciviques ravir les sacs des mamans et troubler l’ordre public au quartier Mouhoumi la base, dans la secteur du ravin dit « Maboulou ».
« Nous avons identifié le jeune kuluna. Il s’agit de Deo, il habitait dans la rue Mayama à Mfilou. Nous avons identifié aussi la famille de la victime. Une ambulance a évacué le corps sous le regard vigilant de la police. Mais, nous disons non à la justice populaire. C'est vrai que les gens étaient fatigués d'être visités à chaque fois, mais il n'est pas bon de se faire justice », nous a confié un témoin du drame.
Il reconnaît cependant que « ces derniers temps nous avons un sérieux problème d'insécurité. Régulièrement, des bandits armés visitent des familles, violent les filles. C'est la plus grande difficulté que nous avons ici ».
On rappelle que jeudi, deux jeunes bébés noirs ont été tués à la machette par des riverains en colère au quartier Petit chose à Talangaï dans le 6e arrondissement de la capitale congolaise.
« Chauds », « difficiles » ou « sensibles », ces adjectifs sont souvent employés pour qualifier certains quartiers de la capitale congolaise.
Aux dires des populations victimes d’incidents, parfois violents, il n’existe presque pas de nuits tranquilles, à proprement parlé tant les braquages s’étendent tour à tour d’un quartier à un autre, tel un essaim d’abeilles en perpétuelle quête de butins et au regard des nombreux blessés du fait de l’insécurité, que l’on peut observer dans les différents Centres Hospitaliers de Brazzaville.
Dans certains quartiers de Brazzaville, les populations excédées sont parfois obligées de se constituer en « milices d’autodéfense », une pratique qui va pourtant à l'encontre des lois et règlements de la République.
La population a commencé à faire vengeance elle-même avec le nouveau phénomène qu’elle appelle "barbecues".
Il suffit de jeter un coup d’œil sur les réseaux sociaux et vous verrez comment les « bébés noirs » sont en train d’être brulés, sans pitié et remords.
Des voix s’élèvent pour appeler les autorités compétentes à prendre des mesures concrètes de répression contre ce banditisme urbain qui a atteint des proportions inquiétantes dans la capitale congolaise.
Le gouvernement a adopté, le 04 juin à Brazzaville, la stratégie nationale de prévention et de traitement de la délinquance juvénile, en misant sur l’accessibilité à l’éducation et à la formation professionnelle.
S’étendant sur cinq années, cette stratégie, présentée par le ministre en charge de la Réforme de l’Etat, M. Joseph Luc Okio, va permettre de renforcer la sécurité des personnes et des biens sur le territoire national, révèle le compte rendu du Conseil de ministres.
En outre, celle-ci vise la mise en place d’un système de suivi, d’éducation performant et la consolidation des politiques publiques et du cadre juridique, afin d’assurer une protection optimale des mineurs.
De même, cette politique au profit des jeunes va promouvoir la justice restaurative, une approche favorisant la réinsertion au lieu de la répression.
« Ladite stratégie sera mise en action par le renforcement de dispositifs préventifs, et des mécanismes de réinsertion, grâce à une approche décentralisée, impliquant activement les collectivités locales ainsi que les partenaires techniques et financiers », souligne le document.
D’après ce compte rendu, une dotation initiale de l’Etat et des subventions étatiques ainsi que des fonds de concours vont financer cette stratégie.
De plus, celle-ci prônera la coordination entre acteurs et parties prenantes notamment le gouvernement, la société civile et le secteur privé.
Par ailleurs, la sensibilisation communautaire, la production et la gestion de l’information vont garantir l’efficacité de cette stratégie, stipule le document.
Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville
Photo : DR