« C’est un peu le coupe-gorge » : à Talangaï, des riverains excédés par l'insécurité grandissante de leur quartier ont tué deux bébés noirs

Si la délinquance est en baisse à Brazzaville, ce n'est pas le ressenti des habitants du quartier Petit chose  à Talangaï dans le 6e arrondissement. Ce havre de paix est devenu depuis plusieurs mois le théâtre de crimes et méfaits en tout genre. Un sentiment d'insécurité partagé par plusieurs habitants confrontés aux dealers, visages méfiants et bébés noirs. Toujours aux aguets à la tombée de la nuit, à partir de 22 heures, c'est un peu le coupe-gorge. Il y a des bandes qui arrivent et qui essaient d'agresser. Des agressions sur des femmes, sur des personnes âgées... C'est très mal famé. Ce jeudi matin, deux jeunes bébés noirs ont été tués à la machette par des riverains en colère.

« Chauds », « difficiles » ou « sensibles », ces adjectifs sont souvent employés pour qualifier certains quartiers de la capitale congolaise. Mais, au-delà des représentations sociales, des images stigmatisantes et des discours inquiétants, qu’en est-il vraiment de l’insécurité qui règne dans ces quartiers de Brazzaville ?

En effet, il y a de plus en plus d’agressions. Certes il y en a toujours eu, mais depuis quelques temps, ça s’aggrave. Et les habitants des quartiers Petit chose et Maman Mboualé, dans le 6e arrondissement de Brazzaville, ne savent plus à quel saint se vouer.

Et puis cette violence ne se cantonne plus à la nuit. En plein jour, à n’importe quelle heure, on peut vous tirer votre téléphone, vous arracher la chaine que vous avez autour du cou, vous frapper pour vous dépouiller...

Aux dires des populations victimes d’incidents, parfois violents, il n’existe presque pas de nuits tranquilles, à proprement parlé tant les braquages s’étendent tour à tour d’un quartier à un autre, tel un essaim d’abeilles en perpétuelle quête de butins et au regard des nombreux blessés du fait de l’insécurité, que l’on peut observer au Centre Hospitalier de Talangaï.

Déstabilisé par la consommation de drogue et la pression migratoire, le sixième arrondissement de Brazzaville a basculé dans une violence aux accents latino-américains.

Talangaï n'est plus l'Eden du temps d'avant. L'alcool et les rassemblements musicaux agissent comme des mèches lentes. Les armes blanches comme des détonateurs. Chaque automobiliste ou presque dispose de sa machette, indispensable face à une nature sauvage. C'est un équipement de sécurité, au même titre que la roue de secours.

Pour contrer la flambée d’actes inciviques dans les quartiers, les habitants souhaitent que les agents de l’ordre soient renforcés dans les postes de police.

Bien plus, si les nombreux cas d’agressions recensés sont le fait des repris de justice, les populations sont en proie d’ignorer la nécessité de se soumettre aux procédures judiciaires, toutes choses qui pourraient véhiculer un regain de violence dans les artères de la capitale congolaise. Beaucoup de gens laissent tomber, ne portent pas plainte car ils ont le sentiment que ça n’aboutira pas et qu’ils vont perdre leur temps.

Dans certains quartiers de Brazzaville, les populations excédées sont parfois obligées de se constituer en « milices d’autodéfense », une pratique qui va pourtant à l'encontre des lois et règlements de la République.

La population a commencé à faire vengeance elle-même avec le nouveau phénomène qu’elle appelle "barbecues". Il suffit de jeter un coup d’œil sur les réseaux sociaux et vous verrez comment les « bébés noirs » sont en train d’être brulés, sans pitié et remords.

Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville

Photo : DR