Congo – Situation économique : Pointe-Noire ploie sous le poids de la crise

Du fait de la baisse des activités dans le secteur pétrolier, les effets de la crise économique qui secoue le Congo sont fortement ressentis à Pointe-Noire où l'on compare la situation actuelle à l’embellie des beaux jours hélas enfuient.

« Capitale économique », ce nom qui lui a été accolé du fait de ce que la ville a de tout temps été le poumon économique du Congo, Pointe-Noire l'a toujours porté altière, faisant même des pontenégrins, les congolais à l'indice de développement le plus élevé.

Cela, c'était avant. Quand le pétrole se vendait bien. Lorsque les sociétés pétrolières affluaient dans la ville océane et que le soir venu, les torchères scintillaient des milles feux au large dans la mer, rythmant sans discontinuer une production d'or noir qui renflouait les caisses de l'État.

Quel jeune congolais désœuvré, ne rêvait-il pas d'aller à Pointe-Noire, pour « se retrouver ».

Presque tous les secteurs de métiers y embauchaient à tour de bras. Le secteur pétrolier avait besoin de main d’œuvre qualifiée, et les jeunes pontenégrins se sont formés dans les métiers de la mer et de la production pétrolière. Ils étaient à l'évidence bien payés, très bien payés même.

L'incessant balai des hélicoptères amenant et ramenant des travailleurs des plate-formes, battait la mesure d'une économie en marche.

D'autres, restés à terre, tiraient de réelles dividendes de cette manne financière qui se brassait dans une ville.

Le secteur informel lui également se portait très bien. Sur le bord de mer où les restaurants et « nganda » ne désemplissaient pas, on vivait au rythme des vacations des pétroliers que presque toute la ville avait intégrées dans ses habitudes.

Dans une concurrence fort loyale, le port lui aussi prenait une part plus qu'active à l'essor économique qui se construisait chaque jour à travers l'arrivée des bateaux de grands tonnages et dont les différentes opérations de déchargements impliquaient une main d’œuvre abondante.

Pour de nombreux jeunes ponténegrins, la devise au port, était « kâ ngolo'a ngé », « ta force garantie tes revenus ».

Ici, de par les avantages qu'offre ce port en eaux profondes, les bateaux y déchargeaient à un rythme soutenu, question de faire de la place à d'autres navires en rade.

Cette activité confortait les revenus des Douanes congolaises, sans compter que les activités connexes, de déclarants et autres démarcheurs en tous genres qui prestaient au port contribuaient éminemment à faire vivre la ville.

La brasserie, l'un des plus grands employeurs de la ville, tournait à un régime de 3x8.

La verrerie du Congo écoulait sur un marché tout acquis, l'essentiel de sa production.

Alucongo jouait sa partition faite de production de tôles, clous et autres ustensiles de cuisine. Et bien d'autres usines encore...

Que dire du CFCO qui avait l'essentiel des ses ateliers à Pointe-Noire. Ses activités faisaient du cheminot un bon vivant. La légende prétend même qu'au domicile du cheminots, on y cuisinait jusqu'à neuf marmites de nourriture dans la journée, la dixième étant celle du thé.

Le massif forestier artificiel, fait des plantations d'eucalyptus en périphérie de la ville, attirait chaque jour des centaines d'hommes et des femmes affectés soit au planting, à la coupe ou à l'écorçage.

Les usines de déroulage du bois ou de sciage tournaient à plein régime, débitant des quantités destinées à l'export ou à la consommation locale.

Pour les artisans-ouvriers, quelle aubaine ! Ce sont les « marchés qui allaient à eux », dans la mesure où ils étaient sérieux et respectaient les délais. Maçons, menuisiers, charpentiers ou autres peintres en bâtiments, parlaient de Pointe-Noire en terme de « Ponton mbongo », « la ville où l'argent coule à flot ». L'eldorado en somme.

Et le soir, dans le clair-obscur d'une ville bien vivante, on s'éclatait dans les restaurants aux noms tout aussi imposants, les uns que les autres, dans les bars et autres débits de boissons qui écrivaient la légende de la ville, ou dans les boites de nuit où les décibels crachaient les tubes à la mode.

C'était, Ponton-la-belle, une ville qui jamais ne dormait, presque la Las Vegas du Congo. Le visiteur qui y arrivait pour la première fois s'émerveillait, en comparaison avec les autres villes du pays, surclassant même la ville-capitale, quoique le coté négatif de cette vie, aura été le taux de séro-prévalence record que l'on y enregistre.

Depuis la fermeture de nombreuses usines, seules les activités pétrolières et para pétrolières maintenaient un semblant de vie dans la ville, comme un malade sous assistance respiratoire.

Avec la chute de l'activité pétrolière, Pointe-Noire se meurt désormais et cela se ressent au quotidien.

Au marché, il y a plus de vendeurs que d'acheteurs. Tous les restaurants du bord de mer ont fermé au fur et à mesure que les différentes sociétés ont compressé le personnel, jusqu'à carrément cesser les activités.

Presque toutes les sociétés para pétrolières ont mis du personnel à la rue.

Au port, le nombre de bateaux à la semaine se compte désormais sur les doigts. La douane a vu ses entrées baisser.

Même le pénible travail de « youbouleur » autrement dit d'écorçage, naguère boudé, se fait rare.

À Pointe-Noire, le taux de chomage y est désormais l'un des plus élevés du pays.

Pour de nombreux pontenégrins, la ville est sur le déclin, « boual ké na pente !»

Bertrand BOUKAKA