Pour un État-stratège social en Afrique : repenser le développement (Par Charles Abel Kombo)

Dans de nombreux pays en développement, le rôle de l’État dans le développement reste au cœur du débat. Faut-il que l’État se contente de redistribuer ou doit-il également transformer ? Cette question est particulièrement cruciale en Afrique, où la croissance économique reste souvent concentrée sur quelques rentes et où la production locale peine à créer une richesse durable.

Le modèle classique de l’État-providence, fondé sur la redistribution, protège les citoyens contre les risques de la vie et assure un minimum de justice sociale. Il fonctionne dans les sociétés industrielles stables, mais il montre ses limites dans des économies peu diversifiées : dépendance aux ressources naturelles, inefficacité budgétaire et manque de cohésion réelle.

À l’inverse, l’État-stratège se concentre sur la transformation économique et sociale. Il planifie, investit et régule pour créer les conditions de la prospérité collective : développement des secteurs productifs, soutien aux PME et à l’entrepreneuriat, investissement dans le capital humain, régulation des marchés et promotion de partenariats public-privé.

Ces deux approches ne sont pas contradictoires mais complémentaires : la protection sociale assure la cohésion, tandis que la stratégie économique construit la capacité collective à se développer.

Un modèle pour un développement durable : l’État-stratège social L’avenir réside dans un État-stratège social, capable d’allier inclusion, justice sociale et transformation économique.

Les leviers principaux sont :

- Planifier pour transformer : définir des priorités sectorielles claires (agriculture, énergie, industrie, numérique) dans une vision à long terme.

- Produire* pour redistribuer : soutenir la production locale et l’entrepreneuriat pour créer des emplois durables.

- Protéger pour renforcer la productivité : investir dans la santé, l’éducation et la formation comme vecteurs de développement.

- Réguler pour équilibrer : garantir un cadre institutionnel stable et transparent, avec une fonction publique performante et responsable.

Illustration : le cas du Congo

Le Congo illustre parfaitement ce défi. Le pays reste fortement dépendant des revenus pétroliers et miniers, avec un État social concentré sur les fonctions publiques et peu diversifié.

Le Plan national de développement 2026–2031 offre une opportunité unique : inscrire la logique d’État-stratège social dans la planification nationale, réorienter les dépenses publiques vers les investissements productifs et sociaux, et instaurer un dialogue permanent entre l’État, le secteur privé et la société civile.

Conclusion : transformer en protégeant, protéger en transformant

Somme toute, un État africain efficace doit passer de la logique de guichet à la logique de projet, de la dépendance à la participation, et de la dépense à l’investissement socialement utile. L’État-stratège social n’est pas un slogan : c’est la condition d’une souveraineté économique durable et d’une cohésion nationale renouvelée.

Le développement ne se distribue pas : il se construit.

Charles Abel Kombo Economiste et Observateur des politiques publiques