Congo : une réforme fiscale audacieuse et conforme à la Directive CEMAC 2025-119 (Par Charles Abel Kombo)

Selon l’économiste et observateur des politiques publiques Charles Abel Kombo, en supprimant l’IRPP dès 2026 pour le remplacer par quatre impôts sectoriels, la République du Congo amorce une réforme fiscale d’envergure. En parfaite conformité avec la Directive CEMAC 2025-119, cette initiative marque un pas décisif vers la modernisation du système fiscal national et la convergence régionale.

Une refonte historique du système fiscal

La République du Congo s’engage dans une refonte fiscale sans précédent en décidant de supprimer l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) et de le remplacer, dès 2026, par quatre impôts sectoriels.

Cette réforme vise à simplifier un système jugé obsolète, à élargir la base imposable et à améliorer la transparence budgétaire.

Un tournant fiscal majeur à Brazzaville

Le 30 septembre 2025, le gouvernement congolais a dévoilé une réforme qualifiée de « big-bang fiscal ».

L’IRPP sera abrogé à compter du 1er janvier 2026 et remplacé par quatre impôts distincts :

• l’Impôt sur les Traitements et Salaires (ITS) ;

• l’Impôt sur les Revenus Fonciers (IRF) ;

• l’Impôt sur les Revenus des Capitaux Mobiliers (IRCM) ;

• et l’Impôt sur les Bénéfices d’Affaires (IBA).

Selon le ministre des Finances, Christian Yoka, cette réorganisation permettra d’augmenter les recettes publiques de près de 17 % dès la première année d’application.

L’objectif affiché est clair : rendre la fiscalité plus simple, plus équitable et plus efficace.

La Directive CEMAC 2025-119 : un nouveau cadre pour la fiscalité régionale

Adoptée en janvier 2025, la Directive CEMAC 2025-119 marque un tournant décisif dans l’histoire fiscale de la sous-région. Elle abroge la directive de 2004 encadrant l’IRPP et consacre un modèle d’imposition catégorielle harmonisée, structuré autour de quatre grands impôts :

• l’Impôt sur les Sociétés (IS) ;

• l’Impôt sur les Bénéfices d’Affaires (IBA) ;

• l’Impôt sur les Revenus des Capitaux Mobiliers (IRCM) ;

• et l’Impôt sur les Traitements et Salaires (ITS).

Cette directive introduit une harmonisation des grands principes fiscaux, tout en laissant à chaque État membre une marge d’autonomie encadrée pour adapter ses taux, ses tranches et ses exonérations. Chaque pays doit transposer les nouvelles dispositions avant le 31 décembre 2025.

Une réforme congolaise conforme et anticipatrice

La réforme congolaise s’aligne pleinement sur les exigences communautaires.

• La suppression de l’IRPP est conforme à la directive, qui supprime elle-même ce modèle d’imposition.

• La sectorisation des revenus reproduit fidèlement la structure prévue par les articles 43 à 84 de la directive.

• Les taux d’imposition respectent les marges autorisées par la CEMAC.

• Le calendrier de mise en œuvre correspond à la période transitoire fixée par les textes communautaires.

En d’autres termes, le Congo ne subit pas la directive : il la met en œuvre de manière proactive.

Cette anticipation témoigne d’une volonté politique claire d’intégration et de modernisation.

Les conditions du succès : former, coordonner, expliquer

La réussite de cette réforme dépendra de plusieurs leviers essentiels :

1. La formation des agents fiscaux, pour garantir une application efficace des nouvelles dispositions ;

2. La coordination entre les différents impôts, afin d’éviter doubles impositions et chevauchements administratifs ;

3. La communication avec les contribuables, pour assurer compréhension et adhésion au nouveau système ;

4. La validation communautaire par la Commission de la CEMAC, étape nécessaire à la reconnaissance régionale de la réforme.

Un accompagnement technique rigoureux sera indispensable pour éviter les frictions administratives et sécuriser la transition.

Une réforme porteuse de modernisation et de crédibilité

En alignant sa législation sur la Directive CEMAC 2025-119, la République du Congo affiche une double ambition : moderniser sa fiscalité et renforcer sa crédibilité régionale.

Cette réforme va bien au-delà de la conformité juridique : elle symbolise une convergence assumée vers une fiscalité plus lisible, plus juste et plus performante.

Le défi à venir sera de transformer cette cohérence juridique en efficacité économique durable : renforcer la collecte, garantir la transparence et s’assurer que chaque franc d’impôt contribue au développement équitable du pays.

Somme toute, la réforme fiscale congolaise constitue une étape majeure dans le processus d’intégration économique régionale.

Conforme à la directive communautaire, elle illustre la capacité du pays à anticiper les mutations et à adapter ses politiques publiques aux nouvelles exigences économiques.

En choisissant la clarté et la cohérence, le Congo se place non pas en suiveur, mais en pionnier de la convergence fiscale en Afrique centrale.

Charles Abel Kombo économiste et observateur des politiques publiques