Ballou CANTA : "Les mabanga, c'est de la mendicité pour les artistes" congolais

Ballou Canta dit " El Maestro " auteur, compositeur, interprète et producteur du Congo-Brazzaville a déclaré récemment à Paris, que "les mabanga, c'est de la mendicité pour les artistes" congolais.

L’industrie musicale peine à émerger au Congo-Brazzaville et les musiciens congolais doivent faire preuve d’imagination pour gagner leur vie. On appelle cela les « mabanga », les dédicaces payantes. On paye gros et cher pour avoir son nom dans la chanson.

C’est par ce moyen et non pas par la vente de disques ou par les concerts que les artistes congolais gagnent leur vie.

La nouvelle rumba congolaise a effectivement dérapé. Sa pauvreté artistique est patente, les accords sont les mêmes d’un groupe à l’autre et pire le phénomène des « Mabanga » est juste désespérant, c’est un cache misère.

Il s’agit d’un mécanisme réactionnel lié au fait que les droits d’auteurs sont quasi inexistants ou alors très mal gérés. Les musiciens congolais sont donc obligés de se « prostituer » pour s’en sortir.

La rumba congolaise, on en parle toujours en bien et en mal. Aujourd’hui, on n’a pas le temps de savourer une gamme de musique que déjà s’entend, un cheveu dans la soupe, le nom d’un député, d’un chef d’Etat, d’un ministre, d’un homme riche, d’un héritier, d’une première dame, Bref ! La rumba congolaise a dérapé vers une source au succès.

Comme en Economie la mauvaise monnaie chasse la bonne, la musique faite par l’actuelle génération a enseveli sous les décombres de la médiocrité celle léguée par les Jean Serge Essous, Youlou Mabiala et Pamelo Mounka...

De nos jours, la guerre des textes a cessé d’exister au grand dam de la vie. Verckys composa « Nakomi Tunaka », Mpassi Gongo Mermans lui répondit par « A mon avis ». Verckys dégaina de nouveau par « Sakumuna ». Pour répondre à « Pont sur le Congo » de Franklin Boukaka, African Jazz sortit « Ebalé ya Congo ».

Le Congo-Brazzaville regorge de talents. Il revient aux autorités de mettre en place une véritable politique culturelle protectrice des artistes locaux tout comme un père de famille protège sa progéniture. Le pays doit protéger ses artistes en leur donnant les moyens d’éclore (subventions, gestion et répartition honnête des droits d’auteur, construction de salle de spectacle, centres culturels etc…).

Sociétés d’auteurs inexistantes ou inefficaces, piratage... le manque à gagner est important pour les artistes congolais, qui peinent à profiter de leur succès.

Depuis plusieurs années, ils manifestent toujours leur inquiétude devant la dégradation de leurs conditions de travail et de vie. Les points de cristallisation restent la perception de leurs droits, d’une part, et l’accompagnement social quasi inexistant, d’autre part. Lassés de se retrouver toujours en situation de précarité et d'assistés, impuissants à la dégradation de leur vie, les créateurs des œuvres de l’esprit ne savent plus à quel saint se vouer.

Le BCDA ne remplit plus socialement, institutionnellement et professionnellement ses missions depuis des décennies. Le manque à gagner pour les artistes congolais du fait du non-paiement de leurs droits d’auteur est énormissime.

Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo Brazzaville