L’hôpital de base de Mossendjo est très malade et le gouvernement panse ailleurs

Au Congo-Brazzaville, l’hôpital public, navire au cœur de la ville, devenu proprement inhospitalier, brûle, ses marins le quittent, épuisés de combattre la tempête. Trop de patients à sa porte, ne trouvant plus de médecins. Trop de patients dans ces couloirs des Urgences, en attente prolongée avant d’être admis dans un autre service dont les lits sont fermés par manque de personnel ? Certainement. Les soignants survivants s’égarent d’un service à l’autre, pour remplacer ceux qui manquent, prenant le risque de prendre en charge – en soin – des patients dont la pathologie leur est mal connue. A Mossendjo dans le département du Niari, depuis 2010, l’hôpital de base est au bord du gouffre sous l'œil indifférent et complice des gouvernants.

Les murs décapés, les lits avec des matelas délabrés et sans draps, la pharmacie de l’hôpital de base de Mossendjo est fermée depuis 2010. Un seul médecin vole au secours de tous les malades et de tous les services avec quelques infirmières bénévoles. Les appareils du laboratoire du deuxième grand organisme hospitalier du département du Niari sont hors service. Pas d’oxygène indispensable pour notamment les malades souffrant de broncho-pneumopathie chronique.

Consciente du problème, la direction affirme avoir pris les mesures nécessaires pour informer tous ceux qui ont la moindre parcelle d’autorité dans le domaine de la santé dans le département du Niari et au Congo.

Malheureusement, cette impasse se présente quasiment dans tous les hôpitaux du pays.

On a cru pourtant que la crise du coronavirus, par son ampleur, par sa rapidité, et par sa médiatisation, allait permettre une remise en question des politiques d’austérité menées depuis des décennies. Hélas !

Beaucoup de personnel hospitalier dénonce le manque de moyens à l’hôpital. Ils ont raison. Mais le manque de moyens n’est que la partie émergée de l’iceberg : sans modification profonde de l’organisation des hôpitaux, nous n’arriverons pas à faire évoluer dans le bon sens notre système de santé au Congo-Brazzaville.

La population congolaise doit questionner les candidates et candidats aux législatives et locales de juillet prochain sur l’hôpital public, en crise continuelle.

Comment redonner aux soignants le désir de continuer de travailler à l’hôpital ? Vous, nos prochains parlementaires, comment comptez-vous porter à la représentation nationale les revendications de si nombreux collectifs de défense de l’hôpital public, portant sur les modes de financement, la gouvernance, l’embauche des soignants ? Continuerez-vous à voter un budget de la santé incapable de s’adapter aux besoins de santé de la population ? Continuerez-vous à défendre une Tarification à l’Activité pour tout soin pratiqué, même complexe ? Proposerez-vous un vaste plan de formation et d’attractivité devant permettre de recruter dans les années à venir plusieurs infirmières et infirmiers, en les rémunérant à un salaire décent et en leur proposant des plans de carrière dignes de ce nom ? Saurez-vous redonner aux soignants la place qu’ils méritent au sein de leur service, en leur accordant le droit de décider pour eux de leurs conditions de travail : horaires, ratios, diminution des charges administratives ?

Quand les professionnels ne pourront plus continuer de soigner, les patients de toute condition, jeunes ou âgés, riches ou pauvres, ne pourront plus trouver à l’hôpital public la main qui rassure, la voix qui apaise, parce que cette main-là se sera arrêtée de toucher, parce que cette voix-là se sera arrêtée de parler.

Seule une stratégie du choc appliquée à l’hôpital public pourra permettre que les travailleuses et travailleurs du soin retrouvent le chemin de l’hôpital, en tout espoir de cause.

Ne dit-on pas qu'une population en bonne santé est le moteur d’une économie solide ?

Jean-Jacques DOUNDA / Les Echos du Congo-Brazzaville