Maniémo, le lieu où je suis né (Par Michel Mboungou-Kiongo)

Le nom de Maniémo est utilisé par nostalgie pour désigner cette zone géographique qu'on appelle aussi, et le plus souvent, Malolo 2 ou la Sofico-Malolo. Pour la petite histoire de cette partie du territoire congolais, Malolo se traduit en langue française par « les papayes ». Et l'origine de cette appellation vient de la forêt-galerie qui sépare la plaine de Malolo 2 de celle de Malolo1. À noter que Malolo 1 est également appelé Malolo-Carrefour. C'est le village qui est situé à 48 km de Dolisie sur la RN3 ou Route du Gabon, reliant le sud du Congo-Brazzaville au sud du Gabon.

Pour mémoire, la plaine de Maniémo et le détroit du Bengale en Asie du Sud, furent les deux endroits jouissant d'un climat tropical de type Guinée (choisis respectivement par la France et l'Angleterre) pour développer la culture de l'urena lobata ou punga (en langue kougnie ou mpounga dans la plupart des langues bantoues).

La Sofico (Société des fibres du Congo) fut donc une société coloniale française installée dans cette zone pour planter cette fibre qui allait servir à la fabrication des sacs de jute pour les armées françaises pendant la 2ème guerre mondiale. Seulement voilà, les ingénieurs français avaient tellement peiné à trouver le bon procédé pour décortiquer la fibre du pounga de sa tige, que la guerre prit fin sans qu'ils n'eurent trouvé la bonne formule.

Du coup, toutes les infrastructures (ateliers, machines et des habitats modernes construits sur le modèle d'une cité française en pleine savane africaine), eurent pour finalité le recyclage au développement des activités agricoles. Si bien que 5000 ha de terres furent consacrés à la culture de l'arachide et du maïs entre la fin de la 2ème guerre mondiale jusqu'à l'approche de l'indépendance nationale congolaise.

Au sortir de la révolution des 13, 14 et 15 août 1960, la 2ème République, celle des révolutionnaires marxistes-léninistes, fit appel à la coopération chinoise pour revaloriser la zone de Maniémo, notamment la plaine de la Sofico-Malolo qui s'étend de la sortie de la forêt de Malolo, en passant par Bikakala, jusqu'à la gare ferroviaire de Dihesse sur le chemin de fer de la Comilog (Compagnie minière de l'Ogooué) qui facilitait l'acheminement du manganèse du Gabon jusqu'au port maritime de Pointe-Noire.

Je devais avoir 4 ou 5 ans, lorsque j'avais vu des Chinois (Asiatiques) pour la première fois. Ce jour-là, mon père, Léonce Kiongo-Niaty, tenait à me montrer des Chinois. Comme il était le chef de terre, il fut le personnage clé dans la communication entre l'État et la population. Pour avoir passé deux années d'études à la mission protestante évangélique de Ntima, il savait lire, écrire et parler la langue française.

Cependant, les Chinois ne parlaient le français. Si bien que le contact et la communication devaient s'établir par le biais d'un interprète. Et le jour où mon père décida de m'emmener voir les Chinois, quelques-uns se lavaient à la rivière Mikokoto, et il n'y avait pas d'interprète sur les lieux.

Aucun dialogue ne pouvait avoir lieu. Nous restâmes donc sur la rive gauche, parce la rivière Mikokoto séparait la plaine de Maniémo, en rive gauche et rive droite. Ce qui sauta d'abord à mes yeux, c'est la couleur de leur peau qui était d'une blancheur auréolée d'une teinte jaunâtre. La deuxième particularité, qui attira mon attention, fut leur petite taille. La troisième chose, ce fut le fait qu'ils se lavaient en portant des shorts blancs.

Pour respecter la ligne de conduite de l'éducation donnée par mon géniteur, je n'avais pas posé de questions. Cependant, mon père avait dû remarquer ma surprise en découvrant ces gens qui étaient physiquement différents de nous, sur pas mal de points, à savoir, la couleur de peau, la taille et le fait de se tremper dans l'eau en gardant sur soi son short...!

Pour me faire comprendre ce que je ne pouvais m'expliquer, mon père me dit : " yawu, tsi Chinois...badi babongos ba bibambas ", " ce sont des Chinois...ce sont des pygmées des Blancs."

Ces images et ces paroles sont restées dans ma mémoire, jusqu'à ce jour où je peux en parler avec discernement.

 M. Mboungou-Kiongo