Congo – Santé: Notre enquête sur les évanouissements inexpliqués des élèves à Loudima

Depuis quelques temps, des évanouissements fréquents d'élèves sont constatés au collège de Loudima. Ce phénomène dont les causes ne sont à ce jour pas connues donne lieu à toutes les interprétations, même les plus farfelues. Et si c'était un problème de santé publique d'ordre environnemental ?

Il est de notoriété publique au Congo, de déduire pour mystiques, certains phénomènes inexpliqués ou quand ceux-ci se heurtent au rationnel des connaissances acquises.

Il en est le cas des évanouissements d'élèves notés au CEG de Loudima et qui inquiètent les populations.

À défaut de chercher bien loin les causes de ces phénomènes jamais observés auparavant, on a trouvé un coupable désigné, le nouveau surveillant général que l'on soupçonnerait de provoquer mystiquement lesdits malaises.

Liée à la privation d'oxygène dans le cerveau résultant d’une brutale réduction du débit sanguin dans les artères cérébrales, la syncope est associée à une chute de la tension artérielle et à un affaiblissement voire une disparition du pouls.

Si les évanouissements inexpliqués sont parfois un symptôme tout à fait bénin ou qui peut être résolu par de simples modifications dans le mode de vie, il arrive également qu’ils traduisent un problème sous-jacent plus sérieux. 

Parmi les causes d'évanouissement, on notera entre autres : les troubles et/ou stress affectifs, la chaleur excessive, une arythmie cardiaque, une maladie ou certains médicaments.

Il est vrai que tous les élèves ont parfois une certaine appréhension à la vue du surveillant général, surtout si celui-ci instaure une « discipline de fer et une rigueur sans faille » dans la vie scolaire. Mais cela suffit-il à créer l'évanouissement pour les élèves qui le verraient arriver ?

Si les études montrent que dans 50% des cas, le malaise n’est pas grave, pour les 50% restants, l’urgence est d’identifier sa cause afin de s’assurer qu’elle n’est pas la manifestation d’un problème grave, notamment cardiaque.

Ici non plus, on ne peut présumer du fait que tous les élèves du collège présenteraient les même problèmes cardiaques et les manifestations de crises n'auraient lieu qu'à l'école ?

Généralement, ces syncopes se produisent en position debout. Elles sont soudaines et parfois précédées : d'une sensation d'engourdissement, de sueurs, de nausées accompagnées de maux de tête, d'une baisse de la vision.

Il n'est pas exclut que dans le même temps, plusieurs élèves soient touchés. Peut-être alors devrait-on sonder la salubrité de l'environnement dont les émanations affecterait les organismes les plus fragiles.

Depuis quelques temps, il se mène le Projet d’Appui à l’Exploitation Agricole et Sécurité Alimentaire dans le district de Loudima.

Les épandages agricoles avec des produits phytosanitaires poussés par le vent sont susceptibles de polluer l'air et peuvent bien être cause d'évanouissement pour ceux qui situés à une distance où le produit reste fortement concentré dans l'air, le respireraient.

Épandage sur les zones agricoles proches des zones d'habitation

La présence de perturbateurs endocriniens dans certains pesticides a toujours inquiété les médecins et les associations dans les pays où l'agriculture est intensive.

En France, selon l'Inserm, de nombreuses études attestent « d'une augmentation du risque sanitaire pour les personnes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liées aux usages domestiques de pesticides».

En France toujours, l’affaire a marqué les esprits. En mai 2014, une enseignante et 23 élèves, sur les 46 que compte l’école de Villeneuve-de-Blaye, sont pris de malaises, de maux de tête et se plaignent d’irritations des yeux, de la gorge. Le matin même des épandages de fongicides ont été réalisés sur les vignes qui jouxtent l’école.

À quel protocole environnemental sont soumises toutes les sociétés agricoles récemment implantées dans le district de Loudima et qui y ont « révolutionné » les méthodes culturales ?

Nos recherches ont relevé qu'il y a quelques années, de nombreux fermiers sud-africains étaient poursuivis pour avoir exterminé de vastes colonies d'abeilles et incommodé de nombreux riverains des exploitations agricoles, du faits de l’épandage des produits jugés dangereux pour les organismes humains. Une pratique récurrente.

Les évanouissements d'élèves notés au collège de Loudima préfigurent sans doute un grave problème de santé publique et le moment est venu de mener une étude sérieuse qui fasse cohabiter agriculture et environnement urbain, avec un respect rigoureux du protocole phytosanitaire.

N'oublions pas que la survenue de syncopes récurrentes inexpliquées dégrade considérablement la qualité de vie et peut mettre en jeu le pronostic vital.

Sans préjuger de quoi que ce soit, nous voulons inviter les décideurs à différents niveaux, à prendre ce problème à bras-le-corps et à anticiper sur l'avenir.

Peut-être même, s'il en était le cas, ces perturbateurs endocriniens sont en train d'opérer sournoisement dans les organismes des populations ainsi exposées et que surviendraient demain, à grande échelle, des cas de cancers, de malformations ou de fausses couches inexpliqués.

Benoît BIKINDOU