"De quelques lumières hétérodoxes sur le rôle de l'Onu : succès et insuccès dans la gouvernance mondiale"

Née sur les cendres de la Société des nations SDN en 1945, à la fin de la deuxième guerre mondiale, l'ONU est aujourd'hui l'objet des condamnations du fait de son incurie face au traitement différentiel et disproportionné des crises dans le monde.

Accusée de machin par de Gaulle, l'ONU est aujourd'hui convoquée pour la prise en mains du conflit Russie-Ukraine. Peut-on vouloir d'une chose et de son contraire?

A son corps défendant, on a vite oublié que l’ONU est otage des mêmes États qui sont à la base de sa création.

Sollicitée dans le monde, mais phagocytée à la fois par l'absurde droit de veto accordé aux 5 puissances membres du Conseil de sécurité, l'ONU ne peut se mouvoir de manière efficace qu'avec la bénédiction consensuelle de ces fameux propriétaires, à savoir: USA, France Russie, Grande Bretagne, Chine. Les autres États sont donc exclus du droit de veto, c'est-à-dire, de la compétence de s'opposer à une décision qui ne rencontre pas leur assentiment.

Il s'agit donc d'un rapport asymétrique qui pourtant est la cause de l’insuccès de l'ONU en matière de maintien de la paix.

Avec l'agression russe contre l'Ukraine, le droit de veto russe ne permet pas au Conseil de sécurité de prendre des mesures sécuritaires pour stopper cette agression.

Et pourtant, à malin, malin et demi, car ce droit de veto a pu et peut être contourné, chaque fois que bon leur semble, par l'application de l'ingénieuse résolution 377 de Dean Acheson. La résolution 377 (V) est une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 3 novembre 1950, à l'initiative du Secrétaire d'État américain Dean Acheson, qui étend les compétences de l'Assemblée Générale de l'ONU en matière de maintien de la paix, et ce, au titre du Chapitre VII de la Charte de l'ONU.

Née du conflit nord-coréen, cette résolution n'a été appliquée qu'avec prudence lors des affaires de 1956 (crise du canal de Suez) (affaire de la Hongrie), 1958 (affaire du Liban), 1960 (affaire du Congo), 1971 (affaire du Pakistan Oriental), 1980 (invasion soviétique de l'Afghanistan) (Affaire de la Palestine), 1981 (affaire de la Namibie) et 1982 (affaire de la Palestine.

Donc l’immuabilité du droit de veto peut être battue en brèche à la demande de la majorité des états membres au sein de l'Assemblée générale.

Cette politique de deux poids-deux mesures, est à la base des frustrations et méfiance de l'opinion internationale vis à vis de l'ONU. On l'a vue donner caution à la flight zone de la coalition franco britannique pour bombarder la Libye et assassiner Kadhafi. En revanche, elle s'enlise dans des opérations de maintien de la paix en RDC et aujourd'hui, presque aphone sur le conflit Russie Ukraine.

A vrai dire, en matière de maintien de paix, la personnalité juridique de l'ONU est dévoyée à cause des vicissitudes du veto et aussi de la mise en exergue des souverainetés des puissances étatiques, les mêmes qui font la loi dans le monde après l'avoir partagé en plusieurs zones d'influence. Kiev est dans l'Oural, donc arrière cour de la Russie; un no mans land qui tient toute intrusion étrangère loin derrière.

A son corps défendant, l'ONU a pu quand même traverser plus de 70 ans, sans éclatement, des rudes années où elle a enregistré certains succès en matière de paix et de gestion sociale du monde. Raisons gardées, l'ONU, c'est aussi, la Banque mondiale, le FMI, le PAM, l’UNICEF, le HCR, le PAM, tous, des organes à compétence subsidiaire, qui bon an, mal an, lui ont permis de faire parler d'elle comme un mal nécessaire.

Et si jamais, il y avait un demain à mettre sur la table comme on y est avec la question de restructuration du Conseil de sécurité, on convient avec Sarkozy qu’il importe de saisir cette occasion pour aller plus loin dans la réforme de la diplomatie onusienne en particulier, et multilatérale en général.

Mais, en tout état de cause, la compétence des organisations internationales à vocation universelle ou régionale, dépend de la volonté des états membres dont elles sont de simples institutions de coordination, d'harmonisation et de coopération, au service de leurs maîtres. Leur personnalité juridique est mise à rude épreuve devant les ego des états qui les ont créés. Elles agissent dans le cadre du protocole établi par des Etats.

JMM Kamba