Congo – Gestion sociale du Covid-19 : « En panne d’idées, le gouvernement est dépassé »

Une semaine après le début de la lutte ouverte contre le coronavirus et l’instauration du confinement décrétés par le Président de la République, le gouvernement qui devrait en toute logique constituer l’état-major de ladite lutte semble de l’avis de nombreux congolais, « en panne d’idées » et serait simplement « dépassé par les évènements ». Le volet social qui est sensé « galvaniser le moral des congolais pour prendre une part active au combat», est absent de la stratégie gouvernementale. Aussi, de nombreux congolais en appellent au Président de la République à « prendre lui-même la tête des opérations », maintenant qu’il est encore temps, afin d’éviter l’hécatombe. Voici un florilège des réactions recueillies par différents médias.

Olivier A. (Talangaï-Brazzaville) « La crise meurtrière du coronavirus qui frappe l’humanité a conduit le Président de la République à prendre les mesures qui s’imposaient. Des mesures dont la mise en pratique est dévolue au gouvernement. Le Président a donné les grandes orientations. Il importe au gouvernement de les mettre en pratique, en tenant compte des différents volets, notamment sanitaires, sécuritaire, social et économique. Or, à ce que l’on voit depuis presque une semaine, seul le volet sécuritaire fonctionne, avec le déploiement de la Force publique, pour faire respecter les mesures de confinement, ainsi que le couvre-feu. Pour le reste, le gouvernement tâtonne encore, dire qu’il réfléchit. Cela jusqu’à quand ? »

Solange B. (Médecin Ouenzé-Brazzaville) «Le Congo paie son manque de politique de santé. Dans notre pays, il y a eu Mvoungouti, il y a eu le 4 mars, des catastrophes qui nous ont frappées en temps de paix. C’est curieux de remarquer que eut égard à ces situations, jamais nos gouvernants n’ont pris des dispositions à travers un plan d’urgence à adapter à la situation du moment et à déployer le cas échéant. Et pour le cas d’espèce, avec le coronavirus, le gouvernement est d’autant à la ramasse, alors qu’il a vu venir les choses. On dit que gouverner c’est prévoir. Le premier ministre a bien vu ce qui se passait ailleurs. Quelles dispositions a t-il prises en attendant que la menace nous atteigne, ce qui était inéluctable ? Presque aucune. Même devant le parlement, il a dit que « son gouvernement observait la situation ». Observer sans s’organiser est une action passive qui dénote presque d’un manque d’initiatives. Justement, le gouvernement n’a pas su saisir le temps qu’il avait, de s’organiser face à la menace qui pointait, parce qu’il a manqué d’esprit d’initiative. Même la gestion des mises en quarantaine a été des plus hasardeuses. Au début, c’était, avouons-le, à la tête du client. Ce laxisme a fait que l’on se retrouve avec des cas de contamination locale aujourd’hui. Et beaucoup de personnes infectées sont probablement dans la nature car selon la logique épidémiologique, les ratios que l’on nous présente ne tiennent pas la route. Nous avons à ce jour, 46 cas pour 225 contacts. Ce n’est pas correct. Au Rwanda, avec 47 cas ils ont un peu plus de 1800 contacts, ce qui est raisonnable. En ce qui est de chez nous, quand vous divisez 225 par 46, vous obtenez une moyenne de 5, ce qui est à peu près la taille d’une famille africaine normale. Papa, maman et trois enfants. Mais pensez-vous qu’une personne revenue d’Europe n’aura limité ses contacts que dans son foyer ? La sociologie du parent revenu d’Europe veut que dans les premiers jours de son arrivée, les frères, sœurs, oncles, tantes, nièces et neveux, sans oublier les amis, défilent chez lui pour avoir soit un parfum ou un cadeau quelconque. Et l’étreinte corporelle, c’est ce qui renoue ces liens distendues par l’éloignement. Alors, faites votre calcul. Vous voyez bien qu’en ayant pas responsabilisé les épidémiologistes au départ, on s’est mis en danger, disons-le, par ignorance. Depuis, on continue la navigation à vue, même si au plan de la prise en charge sanitaire, les choses sont entrain de s’affiner petit à petit. Du retard à l’allumage qui peut être lourd de conséquences. »

Théo. B (Diata-Brazzaville) « Moi je suis convaincu que le gouvernement pense que pour vaincre le covid-19, il faut uniquement observer les mesures-barrières, et rester confiné. C’est bien beau tout cela. Mais en restant confiné, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, qu’est ce qu’on va manger ? Beaucoup de congolais vivent au jour le jour. Ils assurent la popote après s’être débrouillés dans la journée. Désormais, ils ne travaillent plus. Qu’est-ce que le gouvernement attend pour leur venir en aide à travers des colis-repas qui vont leur permettre de tenir tant soit peu le confinement. Même les ménages de tout temps précaires, ceux tenus par le filet social lisungui, sont abandonnés. Pourtant, leur vulnérabilité est connue des autorités. Hélas, elles agissent comme si ces personnes étaient soudainement sorties de leur précarité. Ceux qui ont pu faire des réserves ne sont pas non plus à l’abri des problèmes. La fourniture intermittente de l’électricité va rendre impropre à la consommation des nombreux aliments frais stockés. Entre décongélation et ré congélation, face à la situation du moment, ces aliments seront hélas consommés, malgré les risques de maladies que cela représente. Si on ne fait pas attention, la famine va nous tuer avant le coronavirus. »

Diane Z (Mikalou-Brazzaville) « Le président lui-même n’a qu’à prendre les choses en mains parce que le gouvernement n’arrive pas à mettre les gens en confiance. C’est comme si ces ministres vivaient sur une autre planète. Ils ont autorisé uniquement les bus mal à l’aise pour le transport. Est-ce qu’ils ont pensé aux personnes malades ou aux femmes qui accouchent, que l’on doit transporter à l’hôpital ? Conséquence, les femmes accouchent dans la rue, d’autres sont transportées à la maternité dans une brouette. On aurait pu autoriser certains taxis, avec un certains nombre de personnes à bord, trois au maximum ou encore déployer les ambulances de la Protection civile dans les ronds points, comme ça s’était fait pendant les fêtes de fin d’année. Ce dispositif était au moins proche des populations. Or là, rien. Dire que chez nous, ce qui marche ne s’inscrit pas dans la durée. Aujourd’hui, celui qui fait une crise cardiaque meurt, s’il n’y a pas quelqu’un qui a une voiture dans le quartier. Le coronavirus n’a pas arrêté les autres maladies. On a dit c’est la guerre, le Président lui-même doit mettre sa tenue de combat pour mettre les gens au pas.

Elisabeth K (Bacongo-Brazzaville) «Le gouvernement est-il dépassé par la catastrophe ? Moi je suis dégoutée. On peut me dire, dans les 100 milliards donnés par le Président, on a pas prévu de nous donner même un kilos de riz, comme on fait ailleurs ? Si le gouvernement n’a pas les idées, il n’a qu’à copier ce que font les voisins. Surtout quand je vois au journal l’argent qu’on vient donner, jusque dans des valises, je me demande qu’est ce qu’on fait avec tout ça, car nous le peuple, on ne voit rien. »

Nganongo O (Nkombo-Brazzaville) « Excusez-moi de rendre hommage au président Yombi Opango pour dire au gouvernement que ''l’heure n’est plus aux discours'' Le gouvernement nous endort avec des discours, comme s’il cherchait à gagner du temps. En dehors du don du milliardaire chinois, qu’est ce que le gouvernement avait prévu pour faire face au coronavirus. Visiblement, rien. Pourtant, on nous abreuve de discours. On en a assez, des discours. On veut du concret et, à la guerre, comme à la guerre. Que ceux qui ne se sentent pas capables sautent, au lieu d’être des poids morts et de freiner l’avancée des autres. »

Synthèse et Transcription : Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville