Parents qui encouragent leurs enfants à jeter des déchets sur la voie publique : Une pratique qui reste toujours aussi répandue à Brazzaville

Alors que la quasi-totalité des Congolais pensent que la présence de déchets nuit à l’image d’une ville et que jeter les ordures ménagères sur la route peut avoir des conséquences graves, ce comportement incivique des parents qui encouragent leurs enfants à jeter des ordures ménagères sur la voie publique reste très courant. Il croît même dans la vie de tous les jours à Brazzaville, la capitale congolaise, où la paresse et l'insouciance poussent les gens à jeter leurs déchets n'importe où sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. Nombreux sont ceux qui ignorent ou sous-estiment les impacts négatifs des déchets sur l'environnement.

Mfilou, dans le 7e arrondissement de Brazzaville, il est 10 heures. Une dame, la trentaine environ, se dirige vers la benne à ordures, deux gros sachets d’ordures ménagères en main. À peine arrive-t-elle à proximité du bac à ordures déposé au rond-point Mouhoumi par la société d’assainissement turque Albayrak Waste management Company qui a pris la relève de l’entreprise Averda, dont le contrat est arrivé à terme en septembre dernier, qu'elle jette nonchalamment ses colis au sol.

Un monsieur qui observe la scène non loin de là l’interpelle pour lui faire savoir combien son geste est incivique, qu'il pollue l’environnement et rend difficile l'activité des éboueurs.

Une remarque que la dame n’apprécie guère : « Je ne suis pas la seule à jeter les ordures hors du bac. Regarde tout autour, suis-je l'auteur de tous ces déchets qui traînent par terre ? Tout le monde fait la même chose ici. Et puis, il y a des gens qui sont embauchés pour ramasser ces ordures, ils doivent justifier leur salaire à la fin du mois. Pourquoi t’en prends-tu à moi ? J'avoue ne pas comprendre le sens de ta remarque ».

Entre-temps, un petit garçon arrive à son tour avec une cantine chargée de détritus. Il renverse le contenu au sol et disparait. La dame saute sur l'occasion et fait alors observer à son "moralisateur" de tout à l'heure que le mal est profond.

Si profond que même les responsables municipaux ne savent plus à quel saint se vouer face à la reface à la recrudescence des actes d’incivisme des populations de leurs circonscriptions administratives.

Beaucoup de familles envoient les enfants vider les poubelles domestiques sur la voie publique. Pour les éboueurs, le travail de la collecte des ordures ménagères à Brazzaville est devenu tellement pénible qu'il est assimilé à la quadrature du cercle.

« Les compatriotes ne nous facilitent pas le boulot. Vous vous imaginez, lorsque nous arrivons sur les sites, les poubelles sont quasiment à moitié pleines, les ordures traînent par terre. Outre les ordures ménagères, il y a souvent d'autres types de déchets, des vieux appareils, des matelas, des vieux mobiliers, etc., que nous sommes obligés de prendre en compte. Un travail en plus qui nous prend assez de temps et nous empêche parfois de boucler la collecte dans les délais prévus. Voilà pourquoi, dans certains quartiers, les ordures restent un à deux jours voire plus », déplore un employé de la société d’assainissement turque Albayrak Waste management Company.

A rebours de certaines idées reçues, une forte proportion de jeunes semble peu concernée par l’impact des déchets ménagers et fait preuve plus souvent que ses ainés de négligence ou d’incivisme. Et la décision de jeter des déchets repose en grande partie sur des signaux environnementaux, c'est-à-dire sur ce que les gens voient autour d'eux.

Parmi les raisons qui expliquent cet acte vient la nécessité de se débarrasser de ce qui nous encombre… Une bouteille d'eau n'a d'utilité que lorsqu'elle est pleine. Une fois vide, elle devient vite embarrassante et représente alors un objet dont il faut se décharger au plus vite.

Nombreux sont des brazzavillois qui n’ont jamais compris, jusqu’à ce jour, que la mauvaise gestion des déchets contamine les rivières, obstrue les canaux d'évacuation des eaux et provoque des inondations, propage des maladies transmissibles comme le choléra, la typhoïde, le paludisme, etc., causées par les moustiques. Les insectes restent généralement longtemps dans les ordures jonchant les rues ou à l'intérieur des maisons.

À titre d'exemple, un mégot jeté peut polluer 500 litres d'eau. Un litre d'huile de vidange peut couvrir 1000 m² d'eau et ainsi empêcher l'oxygénation de la faune et de la flore sous-marine pendant plusieurs années.

En juin dernier, le ministre de la Santé a fait une sortie au cours de laquelle il annoncé la survenue de l’épidémie de choléra qui, à ce jour a déjà tué 35 personnes en plus des 500 cas de malades recensés.

Quant au paludisme, le programme national de lutte contre cette maladie, principalement provoquée par les piqûres de moustiques, estime sa part de responsabilité à 42 % dans les cas de décès au Congo ; 71 % de consultation et 56 % d’hospitalisations.

L’absence de poubelle ? Une excuse vis-à-vis de soi-même, considérée comme moins recevable dès lors qu’il s’agit d’autrui

Interrogés sur les raisons qui expliquent qu’il leur arrive de jeter un déchet par terre ou sur la route, de nombreux Congolais justifient leur geste par l’absence de poubelles à proximité ou par des poubelles trop pleines.

Autres raisons invoquées : le refus de conserver ses déchets avec soi pour les mettre à la poubelle plus tard, et pour certains, le fait que les impôts qu’ils paient doivent servir au ramassage de ces déchets sauvages.

On ne serait plus aujourd’hui confronté au phénomène de l’insalubrité à Brazzaville est ses environs, si les populations avaient compris la nécessité de protéger l’environnement. De le débarrasser de toutes les immondices, tant celles-ci sont préjudiciables à leur santé.

Malheureusement, toutes les campagnes de sensibilisation menées jusque-là par le gouvernement via les conseils municipaux, organisations non gouvernementales (ONG) et associations ne semblent pas produire les fruits attendus. Des ordures ménagères jonchent le sol à côté des bacs à ordures presque vides.

L’incivisme des populations s'enracine et complique ainsi le travail des éboueurs.

Comment venir à bout de l’incivisme des populations dans le phénomène de l'insalubrité, les contraindre à ne plus polluer l’environnement en jetant les ordures ménagères hors des poubelles ?

La sensibilisation, tout le monde en convient, constitue la principale arme. Mais, à côté de celle-ci, les gouvernants, par le biais des conseils municipaux, pourraient expérimenter autre chose.

En août dernier, le ministre Congolais de l’Assainissement urbain, du développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé a prévenu les populations de Brazzaville, lors du lancement des travaux de nettoyage de grands collecteurs des eaux. Des mesures coercitives, notamment la « garde à vue » et les « travaux d’intérêt général » à l’encontre des personnes qui seront reconnus coupables d’avoir déposé des ordures à des endroits inappropriés comme les canalisations.

« Nous sommes en train de travailler avec les chefs de quartiers et la police. Désormais, lorsqu’on attrape quelqu’un en train de jeter les ordures à un emplacement qui n’est pas dédié à ce type d’opération, il y a d’abord certainement quelques moments à passer au commissariat pour apprendre l’hygiène et la morale. Ensuite, il y aura les travaux d’intérêt général », a indiqué le ministre Mondélé.

Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville