Sous un soleil de plomb qui écrase les berges du lac bleu, on peut aisément les voir à côté d'immenses blocs de pierre, marteaux ou petites barres de fer entre les mains, visages suant parfois à grosses gouttes. Autour d’eux, des tas de graviers de tailles différentes ont été formés. Ils serviront à la construction ou à la réfection d’immeubles ou de maisons à Mossendjo dans le Niari (sud).
Chaque jour à Monssendjo, la ville des palmiers, plusieurs jeunes casseurs de pierres investissent, dès les premières heures de la matinée, cette place rocailleuse ceinturée par les montagnes.
Ils s’écorchent les doigts, se brûlent au soleil et, disent-ils, risquent souvent « la mort », pour assurer leur avenir.
« Je casse des pierres pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. C'est un métier difficile. En ce moment, d'autres jeunes comme nous, attendent que leur parent les nourrisse. Nous autres, nous devons pulvériser des pierres pour nourrir nos familles », nous a confié Germain, un casseur de pierre âgé de 39 ans, sous un abri de fortune fait de piquets plantés dans le sol, ouvert aux quatre vents et recouvert par de vieux vêtements.
Il s’échine à cette tâche depuis deux ans. « Avant, je ne faisais rien, chuchote-t-il, honteux. Mais mes enfants ont commencé le collège et je ne pouvais plus rester inactive, car ma femme ne s’en sortait plus. Avec cet argent, j’assure leur repas et leur scolarité. »
Dès l’aube, ces jeunes chaussés pour la plupart de sandales, s’enfoncent dans le cratère dont les bas-fonds sinueux et glissants prennent des allures de fourmilière.
Une fois chargés, ils remontent un chemin ardu, avec sur la tête un plateau lourd de dizaines de kilos de granit.
Courbés en deux, ils brisent le granit dont certains éclats perdus atterrissent dans leurs yeux abîmés.
Sorti de la carrière, ce granit sert à construire des bâtiments, des maisons… Il est vendu à 60.000 FCFA le mètre cube.
Le métier a des risques. Il arrive très souvent que certains jeunes se cognent les doigts en voulant casser la pierre.
Malgré cela, ils ne se voient pas ailleurs.
« La pierre c’est ma vie maintenant. C’est la pierre qui me nourrit et me permet de marcher la tête haute. Avant je demandais l’aumône, aujourd’hui je travaille », dit en riant Rodrigue, casseur de pierre et fier de l’être.
Autrefois, casser des pierres était considéré comme un travail honteux, un saut-métier. Ceux qui pratiquaient cette activité le faisaient en cachette et étaient méprisés par les autres.
Aujourd’hui, les casseurs de pierre affichent leur fierté d’avoir un métier qui leur permet de vivre.
Au Congo-Brazzaville, les industriels et casseurs de pierre n'ont pourtant pas la même clientèle.
Les carrières appartenant aux entreprises fournissent essentiellement les gros chantiers et la filière artisanale continue donc d'approvisionner les chantiers plus modestes.
Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville