La corruption au Congo : plusieurs indices révélateurs persistent encore et difficile à éradiquer, les Procureurs de la République réveillez-vous donc et faites votre travail !

L’indice de perception de la corruption du Congo a enregistré une hausse en 2024, atteignant une moyenne de 22 sur 100, bien en dessous de la moyenne mondiale de 43 sur 100. Ce progrès a permis au pays de grimper de la 165e à la 158e position, selon le chef du département de la prévention, de la sensibilisation et de la communication de la Haute autorité de lutte contre la corruption (Halc), Germain Loubota. Mais, pour les observateurs avertis, plusieurs indices révélateurs persistent encore et difficile à éradiquer.

Un pays corrompu dégage des indices révélateurs. Et au Congo-Brazzaville, les palais de justice sont régulièrement cernés des vautours et prédateurs, qui jouent les rabatteurs à l'endroit des justiciables et des usagers en quête des blancs-seings de casiers judiciaires.

A l'évidence, les rabatteurs approchent les usagers en leur adressant une question liminaire : « avez-vous besoin des certificats de nationalité et casiers judiciaires? Ou bien avez-vous un dossier en instance d'instruction car votre argent peut faire renverser la vapeur ? ».

Des agents de police routière cupides : au lieu de se contenter de bien réguler la circulation des autos, des biens et des personnes, les fameux agents, trop libertins et travaillant souvent dans un climat jubilatoire, s'activent à raquêter en tendant leurs mains aux usagers de la route, sous le prétexte des contraventions dûment constatées à leur encontre.

Les bureaux des services du Ministère des Finances, du Trésor public et de la Fonction publique régulièrement jalonnés des rabatteurs, ayant pour mission de contacter les usagers en quête de services administratifs moyennant le versement des pourboires, sous peine de voir leurs requêtes être frappées de confiscation dans les tiroirs.

A chaque fin du mois, les écrans des ordinateurs des services de la Solde publique sont régulièrement manipulés à l'effet de pouvoir modifier à la hausse les écritures financières salariales. D'autant plus que la plupart des fonctionnaires publics vivotent pour joindre les deux bouts du mois à cause du pouvoir d'achat moyen souvent inférieur au seuil toléré.

Les agents de santé et les médecins travaillant dans les hôpitaux publics ont du mal à accomplir moralement leur mission, à cause du caractère étriqué de leurs salaires, se permettant de se livrer aux prestations supplémentaires au niveau des centres et laboratoires privés, équipés généralement d'un plateau acceptable dont les services sont souvent mercantilisés, au profit des promoteurs généralement dignitaires du régime au pouvoir...

MM. les Procureurs de la République du Congo -Brazzaville, réveillez-vous donc. Faites votre travail. Le travail pour lequel vous avez prêté serment devant la Nation. Les Congolais savent qu'elle est la hauteur de vos prérogatives dans ce genre de situation.

Et vous autres, MM. et Mmes les Parlementaires, le Président de République, M. Denis Sassou-N’Guesso, vous a reproché votre laxisme, votre peur à créer des commissions d'enquête sur les faits de délinquance économique qui ont cours dans le pays et le ternissent. Faites votre travail. Le travail pour lequel l'Etat vous couvre d'avantages et de privilèges.

Et vous, les Membres de la Cour des Comptes dont nous ne doutons pas de la qualité et de la justesse de vue de certains magistrats qui la compose. Ouvrez les yeux pour donner un sens à votre institution et honorer la Nation, votre Nation, notre Nation commune.

Vous, Inspection Générale d'Etat, Contrôle financier, avec tous vos services annexes, organes d'Etat directement attachés à la question de la transparence et à la bonne gestion des comptes publics, ne baissez pas les bras, n'ayez pas peur.

Furent des années où le nom de M. Auxence Ickonga, Inspecteur Général d'Etat effrayait lorsqu'on le prononçait dans le traitement des affaires de concussion, de détournement et d'évasion financière. La disparition de Mr Auxence Ickonga n'a-t-elle pas donné lieu à d'autres citoyens de son gabarit ? Et ces cadres aux références de grandes écoles qui écument les structures des impôts, le trésor, les contributions directes ?

Enfin, la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption. Un nom, pompeux, pour rien, de par sa passivité. En quoi serait-elle une haute autorité si les actes pour lesquels elle doit son existence sont banalisés ?

Reste M. le Premier Ministre, Chef de Gouvernement. Il a non seulement les pouvoirs de commandement, mais également les pouvoirs de faire ouvrir des enquêtes sur les dossiers de corruption, pour plusieurs raisons. D'une part, protéger la Nation et ses biens. De l'autre assainir les comptes publics, laver l'image du pays pour l'expurger de toutes ces saletés qui l'assombrissent et ressusciter le noble symbole d'un Congo où un Président de la République, Père de l'indépendance, a été chassé du palais, aux dates mémorables des 13, 14 et 15 aout 1963, parce qu'il aurait tout volé.

Des rumeurs qui gênent d'autant plus qu'elles sont reprises en boucle par les médias internationaux et non des moindres. Récemment, des millions de téléspectateurs ont suivi France 24 sur les fonds alloués à la lutte contre le COVID-19 par le gouvernement congolais. Congolais, nous avons honte, touchés dans notre amour propre, face à l'internalisation des actes de corruption qui se déroulent dans notre pays.

Il est devenu de plus en plus ardu d’obtenir normalement un document administratif ou un service dans les délais normalement impartis. Tout recours à l’administration publique ou privée pour un papier ou une pièce spécifique, voire un service dont la délivrance est censée être régentée, du type passeport, carte d’identité, intervention des forces de sécurité, un poste budgétaire, une facture au Trésor public, nécessite un pot-de-vin.

A quelques exceptions près, la corruption est devenue endémique au Congo-Brazzaville et sévit à toutes les étapes de quelque processus que ce soit, particulièrement lorsque de fortes sommes sont en jeu.

La corruption et ses infractions connexes ou assimilées comme la concussion, le trafic d’influence, la soustraction et le détournement des biens, la gestion frauduleuse, l’enrichissement illicite, le favoritisme, la prise illégale d’intérêt, les abus des biens sociaux et le blanchiment des capitaux constituent un obstacle à l’éradication de la pauvreté et sape la capacité du pays d’atteindre ses objectifs du développement.

Si nous voulons voir, la corruption reculer un jour au Congo, la justice doit jouer sa partition, une justice indépendante capable de s’affranchir des pouvoirs politiques, des milieux économiques etc.

Le 31 juillet 2016, le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude, Lamyr Nguelé, a accusé le Parquet de Brazzaville de ne pas engager les poursuites judiciaires contre les tierces sur certains dossiers avérés.

Quoi qu’on en dise, le PCT, principal parti de la majorité présidentielle, devrait être à l’avant-garde de l’action du Président. Dans la lutte contre les antivaleurs, il est temps que ce parti qui jusque là s’illustre par les intrigues et le silence coupable sur la question, donne le ton, imprime le rythme et marque la cadence, afin de servir de levier d'entrainement à tous les congolais.

Le contraire serait une démission blâmable et coupable.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville

Photo : DR