Au nombre des joueurs des Diables rouges ayant remporté la 8ème coupe d’Afrique des Nations de football en 1972 à Yaoundé au Cameroun - l’unique que le Congo affiche à son palmarès - il y a Minga Tchibinda Noël Pépé qui en milieu défensif, endossait le numéro 6. L’homme auteur du « but fétiche » qui qualifie le Congo pour la finale du tournoi, contre le Mali, s’est éteint samedi 26 avril à Brazzaville. Malade, Minga Pépé aura attendu longtemps que les autorités gestionnaires du sport congolais lui rendent l’ascenseur pour services rendus à la Nation, en l’évacuant à l’étranger pour les soins. Jamais cette reconnaissance ne fut manifestée. Peut-être que cette reconnaissance sera commuée en hommage pompeux comme on sait le faire au Congo pour les morts, plutôt que d'assister les vivants qui appellent à l’aide pour se faire soigner et ne pas mourir.
Minga Noël Pépé, s’en est allé, sans doute avait-il une pointe d’amertume dans ses dernières pensées, envers les autorités sportives nationales qui l’auront laissé tomber, lui qui aura porté haut le drapeau national, tant au sein de Forces Armées, qu’en équipe nationale des Diables rouges.
La demi-finale contre le Cameroun en 1972 à Yaoundé, reste le match de légende pour Minga Noêl Pépé, qui en demi défensif, se déportait à l'avant pour faire jouer le milieu offensif Balékita au plus près de la surface adverse. Une combinaison que les deux rodaient à l'Inter-club. Cela créait un surnombre qui étouffait la défense adverse.
Revivons cette séquence.
8ème coupe d’Afrique des Nations de football. Après la phase de poules, le Congo et le Maroc ont tous deux 3 points et le même goal-différence. Il faut se résigner à tirer au sort.
À 2 heures du matin, 2 petits bouts de papiers enfermés dans 2 boîtes identiques, une main féminine, une main innocente, et la chance décide : c’est le Congo qui rencontrera le Cameroun jeudi 2 mars à Yaoundé.
En ce jeudi 2 mars 1972, alors que le Zaïre affronte le Mali à Douala pour la première demi-finale, à la même heure, le Congo rencontre le Cameroun.
Une simple formalité croit-on à Yaoundé où l’on ne se méfie pas suffisamment des modestes congolais, animés par une farouche détermination. L’assurance camerounaise contre la fougue congolaise.
Tout se dessine dès le coup d’envoi. Quelque chose ne va pas dans l’équipe camerounaise, ça se voit. Elle attaque lentement, alors que les congolais foncent, avec cette foi qui soulève les montagnes.
31ème minute, le reporter congolais Germain Bisset est au micro : « balle dégagée par le numéro 2 camerounais Kaham, qui met la balle en touche.
Une balle en touche qui permet aux congolais de repartir par l’intermédiaire du numéro 20 Mpélé.
Mpélé donne à Dengaki, Dengaki remet en couverture à Mpélé qui, sur la droite du terrain, devient ailier droit pour la circonstance, il va contrôler, il va lever le cuir au milieu du terrain, tête du numéro 12 camerounais, balle dans les pieds de Minga Pépé qui va tirer du pied gauche, whoooo...
Le premier but congolais intervient à la 31ème minute et 43 secondes.»
Commence alors pour le public camerounais, la descente aux enfers. Leur onze national domine mais ses actions demeurent stériles.
À la fin du match, c’est l’extase pour les deux reporters congolais, Gislain Joseph Gabio et Germain Bisset.
« Applaudissez congolais, la république populaire du Congo est qualifiée pour la finale de ce tournoi », lance Joseph Gabio.
« C’est du jamais vu. C’est miraculeux, Germain Bisset » éclate Joseph Gabio. « C’est miraculeux, Joseph Gabio », répond Germain Bisset. Et les deux d’enchainer : « C’est un but fétiche de Minga Noël Pépé, qui qualifie le Congo et envoie le Cameroun à touche ».
En dépit de la victoire congolaise, Germain Bisset ne croit pas en l’élimination du Cameroun. « Je n’y croirai jamais. Je ne croirai jamais à cette élimination du Cameroun, je ne croirai jamais à cette victoire congolaise, jamais je n’y croirai ». Ce jour-là, ce fut la liesse à Brazzaville où l'on croyait déjà en de sérieuses chances de gagner la coupe.
La presse camerounaise titra le lendemain : « coup de théâtre à Yaoundé ».
Depuis ce jeudi 2 mars 1972, Minga Noël Pépé entra dans la légende du football congolais et la victoire conforta cette posture d’homme d’exception.
L’exploit de Minga avait propulsé le Congo en finale de la compétition, avant que Jean Michel Mbono et François Mpelé n'entrent en scène en finale contre le Mali battu 3-2.
Minga a participé à la CAN de 1974 remportée par le Zaïre, au terme de laquelle le Congo avait été éliminé en demi-finale par la Zambie. Minga Pépé avait marqué le but de la victoire du Congo à la 81e minute contre le Zaïre, 2-1, lors de la deuxième journée de la phase de poules.
Joueur à la retraite, il continuait à transmettre son savoir à la jeune génération. Minga était membre de la direction technique nationale de la Fédération congolaise de football. Il était aussi directeur technique de l’Athlétic club Léopards de Dolisie lorsque le club découvrait pour la première fois de son histoire la compétition africaine.
Très malade depuis plusieurs mois, il avait besoin d’aide pour son évacuation sanitaire en France. Jamais cette aide ne vint…
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville