Congo – Assemblée Nationale : Une proposition de loi vise l'abolition de la polygamie

Le régime matrimonial qui consacre la polygamie serait-il anticonstitutionnel, au regard de la constitution du 25 octobre 2015, c'est à tout le moins la conviction de Stella Mensah Sassou N'Guesso. Elle en a porté l'argumentaire au cours de la conférence de presse qu’elle a animée le 23 août, à Brazzaville.

Dans une proposition de loi qu'elle a déposée, la  députée-maire de Kintelé relève le caractère discriminatoire de la polygamie au regard de l'égalité des sexes, telle qu'édictée par la constitution.

Stella Mensah Sassou N'Guesso a indiqué que la problématique autour de la polygamie, bien qu'étant un régime millénaire au Congo, est qu’elle est généralement comprise dans le sens de la polygynie, c’est-à-dire un homme ayant plusieurs femmes. Or, a-t-elle poursuivi, la polygamie fait bien référence aussi bien à l’homme qu’à la femme.

Ainsi a-t-elle renchéri, à la lecture de l’article 121 du Code de la famille congolais, la femme a également le droit d’épouser plusieurs hommes parce que cet article stipule que « la loi reconnaît la polygamie et la monogamie. Une option de polygamie peut être déclarée par les époux dans les conditions fixées par l’article 136 ».

De ce fait et selon l’article précité, a-t-elle insisté, si une femme est mariée sous le régime polygamique, elle a le droit de contracter une autre union si elle a obtenu l’accord de son premier conjoint. Or, dans l’application de la loi, cela n’est pas possible.

De ce fait, a-t-elle argumenté, le principe d’égalité des sexes consacré par la Constitution du 25 octobre 2015, en son article 17, est profondément remis en cause.

En outre, a ajouté l’oratrice, l’article 135 du Code de la famille, tel que formulé, favorise clairement l’époux au détriment de l’épouse, en faisant de la polygamie un synonyme de la polygynie, parce qu’il précise que : « En cas de monogamie, on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Toutefois, en cas d’accord, le mari peut contracter une nouvelle union ». 

La députée-maire de Kintélé fait remarquer que la polygamie viole les droits des femmes à l’égalité dans le mariage. Elle a de graves conséquences financières sur la femme et ses enfants, parce qu’elle les expose à des maladies diverses contractées par l’homme à travers ses multiples femmes, a-t-elle soutenu. De même, a-t-elle renchéri, la polygamie prive à l’épouse et aux enfants des droits conjugaux et successoraux.

Si l'argumentaire mérite bien un débat de fond, son triomphe voue de facto de milliers de femmes au célibat à vie, dans un contexte de déséquilibre démographique hommes-femmes frisant quasiment le ratio d'un homme pour deux femmes.

L'examen du sujet promet de chaudes empoignades au parlement, tant il touche aux conditions existentielles de beaucoup de députés, concernés au premier chef, ou qui aspirent à le devenir, et qui défendront leurs morceaux « bec et ongles ».

Sans doute Stella Mensah Sassou N'Guesso n'a t-elle peut-être pas lu Simone de Beauvoir qui rappelait que « partout où il peut exister, le statut de la femme est encore le fruit d'un cerveau masculin ».

Des cerveaux masculins qui n'entendront assurément pas lâcher les morceaux dont ils se gavent allègrement.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville