Depuis quelques temps, le cimetière d’Itatolo est labouré par une érosion qui entraîne les tombes vidés des cadavres, qui se retrouvent à découvert, par le fond. La situation semble ne pas émouvoir les pouvoirs publics, alors que la saison des pluie approche avec une érosion qui s’annonce encore plus dévastatrice.
« Améliorer les conditions de vie de nos morts ». Ces mots de l’ancien maire de Makélékélé, Maurice Kihoundzou dit Maurel, naguère moqués, prennent aujourd’hui tout leur sens, au regard du spectacle qu’offre le cimetière d’Itatolo. De nombreuses tombes sont emportées par l’érosion.
Le spectacle est désolant. Les cadavres se retrouvent dans le bas fond, avec ou sans linceul.
D’autres reposent encore dans des tombes partiellement détruites, en attendant les prochaines pluies qui achèveront à coup sûr de les détruire.
L’arrivée inéluctable de la saison de pluie va en emporter encore davantage, éparpiller les corps ou ce qu’il en reste, alors que les pouvoirs publics restent indifférents aux troubles de ce qui serait un repos éternel pour les défunts.
Les familles qui le peuvent, procèdent à l’exhumation de leurs défunts, pour les réinhumer au village.
Un travail titanesque, pour retrouver la tombe, si par chance, elle existe encore.
Quand la tombe est trouvée, l’action d’exhumer est toute aussi périlleuse que les agents des pompes funèbres risquent la chute qui peut être mortelle, pendant toute la durée de l’opération.
Avouer que ces agents n’opèrent pas pour l’argent que procure le travail qu’ils effectuent, mais d’abord par devoir d’humanité. Un devoir vis-à-vis de ces restes mortels qui furent aussi des hommes comme eux et pour lesquels ils ont du respect. Leur cachet dérisoire ne représente rien par rapport à l’immensité du travail accompli.
Le processus d’exhumation et de réinhumation est aussi onéreux que le premier enterrement. Outre un nouveau cercueil, il y a à la clé, des contraintes administratives pour lesquelles les familles doivent payer les services, à la justice ou aux pompes funèbres, sauf au ministère de l’Intérieur où les autorisations ne sont soumises à aucun paiement, donc gratuites.
Itatolo est un cimetière municipal. C’est donc à la municipalité de Brazzaville de garantir « les conditions de vie des morts », si tant est-il, ainsi que le disait si bien le maire Maurel, les morts ont aussi une « vie ».
Face au désastre en cours et à l’urgence de trouver des solutions à cette situation, beaucoup de familles en appellent à un coup de pouce des pouvoirs publics, afin de procéder à l’exhumation et à la réinhumation de leurs défunts dans des endroits ou leur sera garanti le repos éternel en paix.
Personne n’ose prédire quel sera l’affect de tout parent qui le premier novembre prochain, les fleurs dans les mains, trouvera une immense crevasse à l’endroit où aurait dû se trouver la tombe de son défunt parent.
Pareille situation procure un sentiment de culpabilité qui ne vous quitte plus de toute votre vie, surtout si pour des raisons bassement financières, vous avez remis à plus tard une exhumation longtemps programmée.
Dans une moindre mesure, la situation est presque la même au cimetière de la Tiémé où des tombes sont profanées, et rasées, pour y construire des logements. Une pratique devenue courante et qui semble également bénéficier de l’indifférence des pouvoirs publics.
« Un pays qui n’honore pas ses morts n’a plus d’avenir » enseigne le dicton. Il souligne l’importance des rituels funéraires et du respect envers les défunts dans une société.
Honorer les morts est souvent considéré comme un pilier fondamental de la civilisation humaine, permettant de maintenir la mémoire collective et de renforcer les liens sociaux
Il est à se demander, au regard du drame post-mortem qui affecte nos défunts à Itatolo, si le congolais a-t-il encore toute son humanité ?
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville