Congo – Évocation : Il était une fois, le Comité militaire du Parti CMP

7 février 1978, il y a 41 ans, tenus pour responsables de la mort du président Marien Ngouabi, 10 congolais condamnés à mort étaient exécutés, « passés par les armes » selon l’expression consacrée, après un mois de procès. À leur endroit, Jacques Joachim Yhombi-Opango président du CMP avait prévenu, dans son message de fin d’année 1977 : « il n’y aura pas de pitié ni de pardon ».

La commémoration des 40 ans du mouvement du 5 février par le Parti Congolais du Travail a ravivé auprès de certains congolais, le souvenir du Comité Militaire du Parti et rouvert en d’autres, des plaies qui tardent à se cicatriser, sur fond de sentiment d’une « histoire tronquée ».

« Analyser les faits historiques avec les yeux d’un contemporain n’est rien d’autre que de la fiction ». Ce postulat semble juste, tant « le champ de notre conscience s’élargi sans cesse. Les faits anciens s’éclairent de lumières nouvelles, et leur aspect se modifie ». Aussi, la lecture des faits historiques se doit-elle d’être placée dans un contexte temporel, dont les réalités obéissaient aux évènements qui les ont engendrés.

L’histoire du 5 février est accolée à celle du CMP qui lui même ne peut être dissocié de l’histoire de la mort du président Marien Ngouabi.

La tentation révisionniste apparait toujours de plus en plus grande en février et mars, auprès des nombreux congolais réfractaires à la version officielle sur les évènements de mars 1977 et de ceux qui en ont découlé.

« Cette conférence a le droit, mieux le devoir de demander la révision du procès sur l’assassinat du commandant Marien Ngouabi, (…) ainsi que les éclaircissements sur l’exécution de ceux que la cour révolutionnaire d’exception avait tenus pour responsables.» Ainsi s’était entre autres propos, exprimé Jacques Joachim Yhombi Opango, pendant la conférence nationale souveraine. Pourtant, rien de tel ne fut fait.

Le 3 avril 1977, le Comité Militaire du Parti communique sa structure définitive. Jacques Joachim Yhombi-Opango en est le numéro un et devient le quatrième Président de la République du Congo.

Le 5 avril 1977 le CMP promulgue un Acte fondamental de 24 articles qui modifie plusieurs dispositions de la constitution. L'Assemblée Nationale est dissoute. Ses pouvoirs et ceux du Comité Central du PCT sont transférés au CMP.

Le 6 avril, Joachim Yhombi-Opango prête serment comme Président de la République du Congo. Il déclare œuvrer dans la ligne de Marien Ngouabi pour l'édification d'une société socialiste.

Le 3 janvier 1978, une Cour révolutionnaire d'exception ouvre le procès de 42 personnes, impliquées dans l'assassinat du président Marien Ngouabi (en plus de ceux déjà condamnés par la cour martiale de 1977). Après un mois de débats, dix des accusés sont condamnés à mort. Tous faisaient partie de l'entourage du président Massamba-Débat. Sollicité, le président Joachim Yhombi-Opango leur refuse la grâce présidentielle.

Dans la nuit du 6 au 7 février 1978, ils sont exécutés. Diverses peines sont prononcées contre les autres accusés, proches de Massamba-Débat ou membres de la sécurité du président Marien Ngouabi.

Quelques jours après l'exécution des condamnés, dans la nuit du 13 au 14 février 1978, le capitaine Barthelemy Kikadidi, considéré comme le chef du commando qui a assassiné le président Marien Ngouabi, et vivait dans la clandestinité depuis près d'un an, est repéré dans le quartier de Makelekele où il se terrait, et est abattu.

Courant 1978, le climat se détériore au sein du CMP. Le capitaine Pierre Anga publie un document intitulé "Ce qui nous divise et les moyens de conjurer une crise dans un processus révolutionnaire", qui dénonce des manœuvres souterraines de Denis Sassou N'Guesso en vue de supplanter Yhombi-Opango. Le colonel Denis Sassou N'Guesso, premier vice-président du CMP, exige et obtient la suspension de Pierre Anga du CMP pour diffamation.

Si comme le ministre Florent Ntsiba qui tient des archives d’une valeur historique incontestable, d’autres congolais, acteurs ou témoins de ces évènements « qui nous divisent », apportaient leur contribution aux historiens ou à l’opinion, notre histoire serait expurgée de toutes les interprétations parfois erronées qui entretiennent les rancœurs et perpétuent le flou de la division.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville