L'un des points cruciaux sur lequel achoppent les négociations en cours à Brazzaville, c'est le cas personnel du pasteur Ntoumi, eut égard aux poursuites lancées à son encontre. La question est en passe d'être réglée, même s'il reste à fixer les modalités de son statut d'ex combattant.
Même si elles se déroulent à huis clos, au fur et à mesure qu'elles avancent, les négociations sur la paix au Pool dégagent l'immensité du désastre dans le département, et dessinent avec force-détails, les responsabilités des uns et des autres, au point de dire : « tout le monde est coupable ».
Il ne prend physiquement pas part aux négociations, pourtant le pasteur Ntoumi bénéficie bien d'un briefing permanent sur ce qui se dit. Ses délégués qui lui font régulièrement le point sur le déroulement des débats et les avancées obtenues, passent par des relais de communication qui transitent par l'extérieur du pays, avant de rallier les forêts du Pool, rendant inopérant tout traçage du signal.
Malgré les négociations l'homme n'est pas moins précautionneux. « On ne se laisse jamais mordre deux fois par le même serpent », disent ses représentants.
De par la force de l'argumentaire, la concision des faits et leur matérialité sur le terrain, il va s'en dire, que même si ses hommes faisaient le coup de feu contre l'armée, le pasteur Ntoumi constituait également, jour après jour, un dossier à charge contre la Force publique, de la situation sur le terrain au regard des moyens disproportionnés engagés, et leurs effets indus, réduisant du même coup les actions des ninjas nsiloulou à des « actes d’autodéfense ».
Jours. Lieux. Actions. Bilans humains. Bilans matériels. Tout a été consigné. En somme, des mémoires chronologiques de la guerre, avec parfois des clichés réalisées avec des téléphones portables sur les théâtres d'opérations.
Et les langues se délient pour dire l'évidence, parfois la mort dans l'âme.
« Des villages incendiés, des arbres fruitiers abattues à la tronçonneuse, pour dit-on nous couper de tout ravitaillement. Le bétail et la volaille prélevés et décimés en guise de ration de guerre pour les soldats. Les jeunes gens trouvés dans les villages arrêtés. Certains étaient abattus sur place, d'autre amenés pour des interrogatoires dont ils ne sont jamais revenus...»
« Nous avons la liste des personnes disparues que nous mettons à votre disposition. La commission mixte peut descendre sur le terrain et imputer les disparitions en fonction des forces en présences à tel ou tel autre endroit... »
« Nous avons la liste des villages systématiquement ou partiellement détruits. La commission pourra évaluer quel type d'arsenal a causé ces dégâts et qui l'a en dotation et dire le cas échéant si ces destructions représentaient une avancée militaire ou s'agissait-il de la politique de la terre brûlée ».
Un dossier qui n’exonère pas la Force publique de tout reproche, car des dommages collatéraux, on est passé aux bavures. Et son poids dans la balance, vaut pour tous, de « laver le linge sale en famille ».
Hors du Congo, les soutiens et cellules intellectuelles du pasteur Ntoumi suivent également de très près les discussions et recommandent de « tenir bon ».
Leur dernier haut « fait d'arme », la déclaration du pasteur Ntoumi, rédigée d'un autre continent, transcrite au moyen de sa valise satellitaire domiciliée au Canada et lue par lui dans la forêt, vers 16 heures, en témoignent le chant des oiseaux et des moucherons en fond sonore, a produit l'effet escompté.
Cette déclaration est bien une pierre d’achoppement dans les discussions.
Quels que soient les griefs que les uns reprochent aux autres et ce, vise-versa, la volonté de se surpasser l'emportent sur les ressentiments qui auraient pu y prévaloir, ce avec une dose de spiritualité, avec un « esprit de pardon » affiché, « dans le souci de contribuer à rétablir et à consolider la Paix, l'Unité nationale et la Démocratie en République du Congo », ainsi que le stipule le préambule de l'accord de Kinkala.
Tous les négociateurs ont à l'esprit que « la paix par les armes est une guerre en sursis ». Il se sont alors armés de courage, afin de ne pas « laisser aux mains de la force, la solution des conflits que la raison peut résoudre. » Qui plus est, entre fils et filles d'un même pays.
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville