Congo – Crise du Pool : Les hommes de Muanda Nsemi combattent auprès des ninjas nsiloulou

Longtemps entretenu, le doute sur un quelconque apport extérieur, matériel ou humain auprès du pasteur Ntumi est désormais levé.  La matérialité et de la concordance des indices laissent présumer que des hommes de Ne Muanda Nsemi combattraient aux cotés des ninjas nsiloulou.

Il y a des moments où, après avoir recoupé une information, les services de renseignements doutent même de celle-ci, avant de rendre compte à qui de droit, tant l'évidence est lourde de conséquences.

Lorsque fin août dernier, la force publique met la main sur trois combattants ninjas, seuls deux des hommes capturés sont congolais. Le troisième est originaire de la RDC. Pour les militaires, il s'agit simplement d'un « zaïrois » qui a choisi de combattre aux cotés de ninjas.

C'est lors de son interrogatoire par les services de renseignements que se dégage l'étendue de la menace représentée par cet homme, une prise presque anodine. Il fait partie d'une légion étrangère.

De tribu Kongo, l'homme ne s'est pas retrouvé au front par hasard. Il est adepte de Bundu dia Kongo et sa présence dans le Pool, avec tant d'autres aux cotés des ninjas, s'inscrit dans une espèce de « djihad », pour soutenir la cause de leurs « frères et sœurs de la même tribu ».

Ils parlent la même langue, partagent les mêmes croyances fédérées par « Nzamb'ia M'pungu » et croient aux mêmes prophètes, notamment Simon Kimbangu entre autres.

C'est en y regardant de très près que l'on se rend à l'évidence que les similitudes entre Mbundani ha bundu dia Kongo du pasteur Ntumi et Bundu dia Kongo de Ne Muanda Nsemi obligent à un rapprochement naturel, du reste rendu possible par la cosmogonie et la géographie.

D'ailleurs les deux entités religieuses n'ont rien de divergeant. Entre Mbundani ha bundu dia Kongo du pasteur Ntumi et Bundu dia Kongo de Ne Muanda Nsemi, la consonance des noms n'est que sémantique. Les deux signifient en fait la même chose. Bundu et Mbundani sont deux synonymes.

Puis, il y a le verbatim religieux. Celui-ci s'enracine dans le vocable Kongo des origines, qui fédère des berges du sud du, Congo jusqu'en Angola.

Enfin, il y a la croyance religieuse elle-même, sous-tendue par un messianisme qui consacre la tribu en une « race des élus » conduite par un guide, « ntumi » ou « nsemi ».

Entre les entités religieuses « Mbundani ha bundu dia Kongo » du pasteur Ntumi et « Bundu dia Kongo » de  Ne Muanda Nsemi, les points de convergences qui renvoient à la cosmogonie Kongo sont donc la pierre d'achoppement d'un messianisme conquérant professé tant au Congo Brazzaville, qu'en république démocratique du Congo par les deux leaders religieux.

Depuis, le ministère des deux hommes s'est doublée d'une espèce de « guerre sainte » dans laquelle ils entraînent leurs adeptes et pour laquelle ils se sentent investis par « Tâ ma mpungu », Dieu, de qui ils tireraient la mission de délivrer le peuple Kongo, par la reconquête du pouvoir politique.

Ne Muanda Nsemi est originaire du territoire de Luozi, autrefois territoire Manyanga, une entité administrative de la RDC, nichée entre la frontière du Congo-Brazzaville et celle de l'Angola.

Ce vaste territoire est quasiment sous le contrôle spirituel de Ne Muanda Nsemi qui étend son influence jusqu'à Kinshasa, auprès de ses affidés, voire dans la hiérarchie administrative et militaire où ses adeptes sont prêts à tout. Son exfiltration armée de la prison de Makala aura démontré combien l'homme a t-il des soutiens, et Dieu seul sait s'ils sont conséquents et prêts à tout, pour peu qu'il le leur demande.

Le département du Pool est adossé au territoire de Luozi par le plateau montagneux du district de Mindouli. Les peuplades qui parlent la même langue se traduisent une solidarité quasi fraternelle et des échanges divers. De là à ce que l'antre de Ne Muanda Nsemi serve de base arrière aux ninjas nsiloulou, l'idée ne paraît pas saugrenue. Bien au contraire, des éléments forts probants la renforcent. C'est d'ailleurs dans le secteur que les hommes du pasteur Ntumi se montrent plus incisifs. C'est là que la force publique a subi ses plus lourdes pertes.

Il y a quelques semaines, des missions sécuritaires entre les deux Congo se sont multipliées, même au plus haut niveau des autorités, à un rythme qui laissait présager que cela cachait bien une menace qui pouvait appeler à une mutualisation des moyens entre les deux États qui ont une longue frontière commune, avec de part et d'autre de nombreux secteurs, pas toujours sous le contrôle des autorités. Des forces hostiles aux États pourraient bien s'y installer.

Certaines indiscrétions font état du fait qu'il aurait bien pu s'agir entre autres questions abordées, de l'apport de Ne Muanda Nsemi au pasteur Ntumi.

D'autres allèguent même que les dernières initiatives de paix entreprises par les autorités congolaises ne seraient pas étrangères à cette nouvelle donne qui redessinerait les forces en présence sur le terrain, avec à la clé, de nombreuses incertitudes quant au dénouement de la crise.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville