L’ancien ministre, Président de la Commission Nationale d’Auto-évaluation du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (IVLP), Alain Atipault Akouala, répondant aux questions des journalistes des Echos du Congo-Brazzaville, en ce qui concerne la marque et le style de Denis Sassou- N'Guesso, à déclaré : « je peux vous dire qu’il m’est arrivé, dans certaines circonstances, de percevoir qu’il émanait de lui, une force naturelle, puissante et tranquille. Caractéristique d’un homme qui porte en lui avec une certaine ardeur, le poids et les stigmates d’une grande partie de la longue histoire du monde, de l’Afrique et du Congo au cours du 20ème siècle. C’est un homme de défis et de détermination ».
Les Echos du Congo-Brazzaville (L.E.C.B) : Monsieur le ministre en septembre 2022, vous avez récolté les fruits de votre expertise et de votre fidélité au Président de la République, Denis Sassou-N'Guesso. Plus de 2 ans après, quel bilan faites vous depuis que vous êtes à la tête de la Commission nationale d'auto-évaluation du mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) ?

Alain Atipault Akouala (A.A.A) : C’est plutôt le Président de la République qui, connaissant mon profil a estimé qu’il pouvait me confier cette responsabilité, car le décret numéro 2018-300 du 7 aout 2018 portant création, attributions et organisation du cadre national du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, précise que : « le président de la commission est une individualité choisie pour son expérience des affaires publiques, sa compétence et sa probité ». Je lui en suis infiniment reconnaissant pour cet honneur.

En ce qui concerne notre bilan, nous avons effectué en avril 2023 une mission d’imprégnation à Niamey en république du Niger, où nous avons eu le privilège d’avoir été reçus par le Président Mohamed Bazoum.

Nous avons ensuite pris part en présentielle et en virtuelle à une série de forums, conférence et ateliers sur le MAEP, aux Seychelles et en Afrique du Sud. Puis nous avons démarré une opération de sensibilisation et de communication auprès des forces actives de notre pays que sont : les deux chambres du parlement, la société civile et le secteur privé à travers Unicongo et la chambre de commerce de l’industrie, de l’agriculture et des métiers de Brazzaville, sans oublier le PNUD et certaines missions diplomatiques.

Le 14 novembre 2024, les membres de la commission nationale d’auto-évaluation du cadre national du MAEP-Congo ont été officiellement, présentés au Premier Ministre Chef du Gouvernement qui est notre tutelle.

L.E.C.B : MAEP, c'est quoi finalement pour le congolais lambda et ses missions nodales pour les non-initiés qui pensent à une navigation à vue ?
A.A.A : Il faut savoir que le MAEP est un processus hautement politique. Pour en saisir la genèse et la quintessence, il faut revisiter certaines périodes clés de l’histoire de l’Afrique. En effet, après 400 ans d’esclavage, de traite négrière à travers le fameux commerce triangulaire et 100 ans de colonisation, des pays africains accèdent à l’indépendance et à la souveraineté internationale en 1960.

Le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Ethiopie, ils décidèrent de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), avec comme mission historique, la lutte contre le colonialisme et le régime d’apartheid et raciste d’Afrique du Sud. Le 6 octobre 1963, Sa Majesté Impériale Hailé Sélassié Empereur d’Éthiopie réaffirme avec force et détermination cette ambition. C’est ainsi qu’une lutte acharnée, multiforme y compris militaire s’engagea. Il faut savoir que le Congo a joué un rôle historique en soutenant les mouvements de libération en Angola, au Mozambique et en Namibie.

Le 28 juillet 1986 à Addis-Abeba à la tribune de l’OUA, Denis Sassou Nguesso, Président de la République populaire du Congo, prononce un discours programme dans lequel, il affirme que l’Afrique doit faire le plaidoyer, pour que la communauté internationale, principalement occidentale, inflige des sanctions économiques contre le régime sud-africain. Présidant aux destinées de l’organisation panafricaine, il y consacre son mandat et met en place le « Fonds Africa » destiné à soutenir financièrement la lutte du mouvement anti-apartheid. Lorsque Nelson Mandela devint Président de la Nation Arc-en-ciel, l’objectif historique des pères fondateurs de l’OUA a été atteint. Conscients du franchissement de cette importante étape, les Chefs d’états africains, décidèrent d’enclencher la lutte pour la souveraineté économique du continent africain. En juillet 2001, le NEPAD est adopté comme doctrine économique devant sortir l’Afrique du sous-développement. L’agenda 2063 « L’Afrique que nous voulons » est défini comme ultime horizon, pour une Afrique économiquement et politiquement intégrée.

En 2002 à Durban, c’est la naissance de l’Union Africaine et c’est en 2003 que les Chefs d’états parmi lesquels figurent Dénis Sassou Nguesso, décident de la création du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP). C’est une entité autonome de l’Union Africaine, à laquelle les États membres adhèrent volontairement. Son objectif premier, est de favoriser l’adoption de politiques, de normes et de pratiques qui conduisent à la stabilité politique, à une croissance économique élevée, à un développement durable et à une intégration économique accélérée, conformément à la vision du NEPAD, ainsi qu’aux codes et normes contenus dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui définit les axes sur lesquels les performances des états sont évaluées. Il s’agit de : la démocratie et la gouvernance politique, la gouvernance et la gestion économique, la gouvernance des entreprises, le développement socio-économique et la résilience des états faces aux chocs et aux catastrophes.
Donc, vous voyez bien qu’il n’y a pas de navigation à vue. La mise en œuvre du MAEP est un processus inclusif, consultatif et participatif, car, il y a au sein de la commission toutes les forces actives de la Nation. C’est-à-dire : les représentants de l’exécutif, le parlement, le secteur privé, la société civile, les universitaires et le monde médiatique. Sachez que ce processus est également prospectif, parce qu’il permettra la construction d’états africains stables, plus compétents et responsables devant leurs concitoyens, dont ils prendront en compte, les aspirations avec efficacité, probité et équité.

L.E.C.B : Même hors du gouvernement vous avez toujours témoigné de la constance de votre ligne directrice et votre fidélité à Denis Sassou Nguesso. Vous avez travaillé avec lui comme ministre de la communication porte-parole du gouvernement de 2002 à 2009 et ministre à la Présidence de la République, chargé des Zones économiques spéciales jusqu'en 2015. C'est quoi la marque ou le style Sassou Nguesso pour vous ?
A.A.A : Précision, après mon départ du gouvernement en 2015, j’ai fait un aller-retour éclair entre 2016 et 2017. Vous parlez de constance dans ma ligne directrice et de fidélité à l’égard du Président de la république. Je dois vous dire que modestement, je place ma relation avec le Président sur le terrain strictement humain et non sur celui de la politique et encore moins, sur celui de la politique politicienne.

Par ailleurs, j’ai la faiblesse de croire qu’il faut vivre et travailler avec une certaine éthique. En ce qui concerne la marque et le style de Denis Sassou Nguesso, je peux vous dire qu’il m’est arrivé, dans certaines circonstances, de percevoir qu’il émanait de lui, une force naturelle, puissante et tranquille. Caractéristique d’un homme qui porte en lui avec une certaine ardeur, le poids et les stigmates d’une grande partie de la longue histoire du monde, de l’Afrique et du Congo au cours du 20ème siècle. C’est un homme de défis et de détermination.

L.E.C.B : Les problèmes identifiés et traités, les progrès réalisés depuis que vous êtes à la tête de la MAEP ?
A.A.A : Les problèmes identifiés concernent, l’amélioration des conditions d’installation et de travail de la commission car, il nous faut procéder à la structuration du secrétariat exécutif, à l’organisation de la session inaugurale, à la signature du protocole d’entente entre le comité des chefs d’état et de gouvernement participant au mécanisme d’évaluation par les pairs et la République du Congo relatif aux missions d’évaluation technique et de visite dans le cadre de la revue pays en république du Congo. Ce sera le cadre juridique dans lequel se déroulera l’étude d’évaluation de notre pays. C’est la raison pour laquelle l’année 2025 sera importante.
L.E.C.B : Vous avez un parcours tout à fait élogieux et qui force respect et admiration pour la jeunesse congolaise et africaine. Avez-vous quelques regrets après avoir occupé les fonctions de ministre ?
A.A.A : Mon parcours n’a rien d’extraordinaire, il y a bien plus élogieux que cela. J’ai simplement eu la chance de pouvoir travailler à Nancy d’abord dans le domaine du conseil en marketing, en communication et en réorganisation commercial et marketing des sociétés en dépôt de bilan et en redressement judiciaire. Puis je me suis occupé de la direction commerciale d’une usine textile à Lunéville, c’est dans ce cadre que j’étais venu au Congo en 1988, pour proposer un partenariat industriel aux usines Sotexco et UTS dont le directeur que j’avais rencontré s’appelait Monsieur Mbemba. L’idée consistait à délocaliser une partie de notre production dans ces usines. Malheureusement, je n’avais pas pu rencontrer le ministre de l’industrie. J’avais 28 ans.
De retour en 1992, j’ai créé ma société et j’ai décroché des contrats avec l’ARC, l’ONPT et le comité de privatisation des entreprises publiques. Tout cela s’arrêta avec la folie furieuse du 5 juin 1997. Rescapé de cette tragédie, je me suis rendu à Abidjan où, j’ai été contractualisé par le comité de privatisation de la Côte d’Ivoire.
À mon retour à Brazzaville, contre toute attente, j’ai été, après un appel téléphonique de mon grand frère le Ministre d’état Firmin Ayessa, choisi par le Camarade Ambroise Noumazalaye pour figurer dans l’équipe de campagne du candidat Denis Sassou Nguesso en 2002, comme deuxième directeur de campagne adjoint, chargé de la communication, porte-parole du candidat et fit mon entrée au gouvernement. Donc, je n’ai aucun regret après avoir occupé la fonction ministérielle. C’est une fonction passagère et on espère toujours que ceux qui vous succèdent, soient au nom de la continuité de l’état et dans l’intérêt du pays, plus efficaces et performants.
Par contre, je peux vous dire que j’ai donné le meilleur de moi pendant quinze années, au cours desquels, j’ai eu le privilège de participer à la préparation et à la prise de la décision publique.
L.E.C.B : La zone économique spéciale de Nkok au Gabon. En 2022, 144 entreprises de 17 pays y opèrent dans 22 secteurs industriels y compris la raffinerie gabonaise de l'or, la première de la région Cemac et un cluster dédié à la transformation du bois. Vous avez mené et conduit ce projet pendant 6 ans au Congo Brazzaville. Avez-vous le sommeil tranquille ?
A.A.A : J’ai consacré huit ans de ma vie à travailler nuits et jours sur ce projet. Je me souviens avoir pris l’avion pour aller à New Dehli prendre part au conclave Inde Afrique. En raison de l’insuffisance du budget, j’ai pris mon billet d’avion Brazzaville - Paris avec mes miles en classe affaire pour sauver les apparences et Paris - New Delhi en classe économique, étant donné que notre participation à cette conférence était très attendue.

J’ai effectivement visité la zone de Nkok qui a commencé après la création du ministère des ZES. Je peux vous avouer honnêtement que je n’ai pas le sommeil tranquille.
C’est à ce jour, le plus grand regret de ma vie publique. Que voulez-vous ? Je deviens un peu philosophe en me disant : ainsi va la vie.
L.E.C.B : Vos amis vous ont gratifié du surnom de "Cerveau bleu". Vous avez l'esprit disposé à une réflexion authentique, voire originale, adaptée aux phénomènes et à leur spécificité. 2026 rime avec la présidentielle au Congo Brazzaville. Quelle est votre invite aujourd'hui à la jeunesse congolaise et à la diaspora congolaise ?
A.A.A : Honnêtement, je n’ai aucune invite à l’endroit des jeunes et de la diaspora, car, nous connaissons leurs attentes et aspirations. Par contre, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2026, si le Président Denis Sassou Nguesso se porte candidat, je souhaite vivement qu’il soit le réceptacle de toutes les critiques et suggestions, afin qu’il puisse en faire le substrat sur lequel, il pourra bâtir une offre politique dont l’un des axes sera la bonne gouvernance.
En effet, dans un monde où les états sont devenus des prédateurs, où prévaut la logique d’intérêts, des rapports de forces et de domination. Les pays les plus forts font ce qu’ils veulent et les pays faibles doivent subir. La démocratie libérale connait un affaiblissement, le droit et la légalité international sont bafoués par ceux qui en ont été les concepteurs, le monde change sous nos yeux. Nous entrons dans une période post-libérale où règnera sur fond de transhumanisme, une forme d’impérialisme technologique et économique.
Il n’y a qu’à travers l’axe de la bonne gouvernance, que nous pourrons ériger tous ensemble, en tirant profit de sa longue expérience, un socle commun de prospérité nationale seule garantie pour notre souveraineté.
Je suis persuadé que dans ces conditions, les congolais pourront s’engager et seront prêts à se battre patriotiquement pour l’avenir du Congo.
L.E.C.B : Enfin votre message de fin aux lecteurs des Echos du Congo- Brazzaville ?
A.A.A : Je suis un lecteur assidu des Echos du Congo-Brazzaville, je tiens à féliciter votre équipe pour la qualité de votre travail et votre professionnalisme.
À vos lecteurs, mon message est de continuer à lire et surtout à faire lire les Echos du Congo-Brazzaville.
L.E.C.B : Merci infiniment monsieur le ministre, bonne et heureuse année et surtout plein succès à la tête de la MAEP.
A.A.A : Merci.
Propos recueillis par Jean-Jacques Jarele SIKA / Valda Saint Val