France – Armistice du 11 novembre : Soldats d'Afrique, ces éternels oubliés de l'histoire

Ce 11 novembre est jour férié en France où l'on commémore le 98ème anniversaire de l'armistice de la terrible guerre mondiale qui avait débuté il y a 102 ans en 1914. Même si ces commémorations concernent désormais tous les ''soldats morts pour la France'', beaucoup de français, particulièrement les nouvelles générations, ignorent le rôle et l’immense sacrifice des soldats africains, lors de la première guerre mondiale. Ces soldats « indigènes » constituaient le fer de lance de l’Armée d’Afrique, de l'Armée française.

Le Général De Montsabert a écrit à propos de l’Armée d’Afrique :" C’est une œuvre dont nous serons éternellement fiers." Mais, est-ce le cas de nos jours ?

Des indigènes africains à qui on avait pourtant vanté la "haute supériorité de la race blanche" ont participé à la première guerre mondiale.  Ils seront mêlés aux batailles et aux massacres les plus terrifiants entre "blancs" et ils vont découvrir la folie auto destructrice de cette "civilisation avancée". Leurs régiments se verront plusieurs fois décimés et à chaque fois reconstitués.   Cependant, hormis quelques rappels épars aucune cérémonie spécifique et régulière ne commémore leur participation à ce conflit de la première guerre mondiale.

Pourtant ces "oubliés" de l’Histoire ont contribué à marquer le cours des événements mondiaux, des hommes auxquels la France et l’Occident doivent beaucoup.  L’Armée d’Afrique est née en Algérie. La plus ancienne unité est celle des Zouaves, viendront ensuite les Spahis, les Régiments de Tirailleurs, les Goumiers, les Chasseurs d’Afrique sans oublier la Légion Étrangère créée à Sidi-Bel-Abbés, les tirailleurs sénégalais ou encore les bataillons de tirailleurs de Brazzaville, constitué des soldats de l'AEF (Afrique équatoriale française). 

Les soldats africains sont engagés dès le départ en Août 1914.  Pas moins de 50 bataillons avaient été envoyés en France.  Les Zouaves, les Tirailleurs, aux costumes colorés, défilent dans Paris au chant des « Africains » pour donner confiance aux Parisiens. Mais rapidement ils sont lancés dans les combats où ils ont largement dépassé les espérances qu’on avait pu fonder sur eux. Leur héroïsme évita un plus grand désastre. Mettant fin à la dure retraite de 300km des troupes françaises, ils respectèrent sans faille l’ordre du général Joffre avant la bataille de la Marne : "Une troupe, qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer."

Sur la Marne, les soldats de l’Armée d’Afrique essuient les premiers coups de feu et ils furent engagés dans cette terrible bataille : "En spéculant uniquement sur leur bravoure et leur esprit de sacrifice, sans leur accorder le soutien d’un seul groupe d’Artillerie de campagne." (Général Joffre)

Leur discipline, leur bravoure, leur sacrifice contraignent l’armée de Von Klück à faire demi-tour et à abandonner la prise de Paris alors qu’elle ne se trouvait plus qu’à 40km de la capitale française. C’est la première retraite de l’armée allemande. La bataille de la Marne est gagnée.

Les forces de l’Armée d’Afrique ont cruellement souffert des hécatombes.  Le chef allemand Von Klück écrira dans ses mémoires : "Que des hommes couchés parterre et à demi morts de fatigue puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter, une possibilité dont il n’a jamais été question dans nos écoles de guerres."

Après la Marne et l’Yser les régiments d’Afrique sont de toutes les offensives :

- Artois mai et juin 1915 ;

- Champagne 25 septembre 1915 ; 

- La Somme 1916 ;

- Verdun 24 octobre et 15 décembre 1916, et 20 août1917;

- La Malmaison octobre1917;

- Puis en 1918 de toutes les batailles de la campagne de France. Sur le Chemin des Dames, et à Verdun, les actions de l’Armée d’Afrique furent glorieuses. 

En 1916 nous assistons à la première défaite allemande, le Fort de Douaumont est repris par le Régiment d’Infanterie Colonial du Maroc, le 4ème Régiment de Zouaves, le 4ème Régiment Mixtes de Zouaves et Tirailleurs sénégalais, de Brazzaville et le 8ème Régiment de Tirailleurs Algériens. 

Le Père Teilhard de Chardin, jeune brancardier au 8ème R.T.A a jugé cette bataille en se demandant : " Je ne sais pas quelle espèce de monument le pays élèvera plus tard en souvenir de cette lutte."

Bien que les chiffres ne soient pas très précis, sur les 475000 hommes de l’Armée d’Afrique près de 200000 venaient d’Algérie, 50000 tunisiens, 35000 marocains, 130000 sénégalais et ''aéfiens'', 30000 malgaches, 40000 indochinois et 3000 somalis. 

Pour les seules pertes algériennes on parle de 56000 morts, 80000 blessés et 9000 mutilés. 

En plus d'avoir envoyé sur les champs de batailles ses fils parmi les plus valides, au secours de la ''mère patrie'', l'Afrique a également soutenu l'effort de guerre à travers ses produits du sol et du sous sol mais aussi un nouvel impôt de capitation.

Malheureusement, cette histoire qui appartient à la mémoire collective franco-africaine reste méconnue et n’est toujours pas véritablement enseignée.  Pourtant, la France doit remplir ses obligations à l’égard de ceux qui l’ont servi avec honneur au prix de leurs vies.

Un pays quel qu’il soit est comptable des souffrances et des sacrifices qu’il impose à ses citoyens. 

Benoît BIKINDOU