C'est évidemment un choc au sein de la communauté éducative du lycée technique industriel 1er mai, l’un des plus grands de Brazzaville. Lundi dernier, dans la matinée, un élève de la terminale H quitte sa salle de classe pour aller draguer une fille en première H, ce qui a fortement énervé tous les garçons de cette classe. Un attroupement d’élèves s’est formé autour de lui. Des coups de poing et de pied ont été abondamment distribués entre les protagonistes durant de longues minutes. Le proviseur faisant la ronde de l’établissement scolaire, tombe sur cette rixe et décide d’intervenir, comme un bon chef et père de famille, pour mettre fin au conflit. Le jeune dragueur en colère s'en est pris assez violemment au chef d'établissement.
Le proviseur du lycée technique industriel 1er mai de Brazzaville, qui n'a pas rendu la gifle en retour, ne s’est pas laissée faire et a réussi, à maitriser son agresseur.
Une unité de police spécialisée pour faire face à la violence dans les établissements scolaires a été appelée pour intervenir à la demande du proviseur. Le jeune dragueur et agresseur a été arrêté et placé en garde à vue.
La tension monte d’un cran entre le proviseur et les élèves de la terminale H qui n’ont pas apprécié la présence de la police au sein de leur lycée.
Ils ont lapidé sauvagement le proviseur. « Ouah, c’est une dinguerie ! » lâche un élève en filmant la scène. Un autre crie, euphorique, en jetant un caillou sur le proviseur : « Y a pas d’école aujourd’hui, c’est fini ! ».
Tout le lycée technique industriel 1er mai a pris une allure inattendue. Dans le couloir, les élèves s’entassent. Sur les murs de la terminale H, de petites affiches alertent : "Le lycée technique en lutte. Libérez notre camarade".
Tous les élèves de terminale H ont été chassés de l’établissement par le proviseur pour maintenir un climat de paix au sein du lycée et permettre aux enseignants de travailler dans le calme.
Des "enfants impolis et irrespectueux qui détiennent le pouvoir"? La force ne fait pas autorité
L’agression du proviseur du lycée technique industriel 1er mai de Brazzaville par un élève dudit établissement scolaire, nous pousse à revenir sur les questions d'autorité et de pouvoir qui se jouent entre les enfants, leurs parents, leurs professeurs et leurs responsables d’établissements scolaires.
Si le propos global nous semble parfois caricatural et essentialiste, nous ne retenons pas moins que c'est un sujet qui mérite toute notre attention, parce que, ce qui se joue au sein des écoles et de classes au Congo-Brazzaville, est un laboratoire éducatif qui reflète le présent de notre société tout en annonçant l'avenir.
Le cas d'élèves qui se montrent irrespectueux et sont ensuite soutenus par leurs parents, parents qui vont de leur côté faire part de leur mécontentement à la direction face à la sanction prise à l'encontre de leurs enfants et qui peuvent aller jusqu'à mobiliser d'autres parents pour faire plier l'école dans leur sens.
La figure d'autorité qu'incarnait le maître d'école a volé en éclat depuis belle lurette. Les enseignants ne peuvent plus faire usage de la force ou de la violence pour éduquer et sanctionner, comme c'était possible il y a 50 ans.
L'autorité est morte, vive l'autorité, pourrait-on dire face à ce constat !
Si l'autorité répressive et violente doit être décataloguée de nos modèles éducatifs actuels, nous restons convaincus, qu'une autorité, fondée sur le respect mutuel et le besoin de limites, est nécessaire pour grandir en société.
Or, cette autorité-là est rarement celle que l'on retrouve en modèle dominant dans la société dans laquelle évoluent nos écoles aujourd’hui.
Comment ne pas mettre en parallèle les parents qui défendent mordicus leur enfant face à l'institution scolaire sans remettre en question les agissements de leur marmot et criant à la chasse aux sorcières ou au tribunal public ?
Plutôt qu'un rapport de force, l'école congolaise pourrait effectuer un véritable tour de force en mettant en place une coopération entre les deux figures autoritaires qui entourent l'enfant : ses parents et ses professeurs.
En faire des partenaires, mobilisés ensemble plus souvent que lors des bulletins scolaires et des problèmes disciplinaires.
Les Congolais qui voient chaque jour les enseignants et responsables d’établissements scolaires agressés par des élèves égarés ne se paieront pas de mots.
Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville