Congo – Relance de l'agriculture : Monsieur le ministre, vous avez bien dit « 1000 milliards de Francs FCA » ?

Depuis que le milliard de Francs CFA est entré dans la banalité comptable au Congo, il n'est plus un projet qui présente un coût qui aux oreilles de tous, sonnerait dans l'ordre du raisonnable. En témoignent les chiffres avancés depuis quelques temps par le ministre de l'Agriculture pour relancer le secteur agricole au Congo, et nourrir 4 millions d'habitants. 1000 milliards de Francs CFA. C'est à se demander si le ministre ne s'est pas trompé de zéro, ou s'il ne présente pas la somme dans une monnaie étrangère voisine, non utilisée à ce jour.

Si les sommes avancées par le ministre Henri Ndjombo sont faciles à dépenser, il n'en demeure pas moins que même avec l'appui des partenaires en la matière, les rassembler relèvera d'une véritable prouesse qui s'étalera dans le temps, au point que beaucoup de congolais seront morts d'inanition avant terme.

Le développement d'un secteur même aussi aléatoire que celui de l'agriculture soit-il, ne peut s'opérer en faisant fi d'un « business-plan » gradué, s'exécutant par maillons, et qui tiendrait compte des besoins réels, de la demande et de l'offre existants, des apports nécessaires des disponibilités dans l'environnement immédiats et leurs interactions...

Si le Programme National de Développement (PND 2017-2022) met l'accent sur le volet agricole comme secteur pouvant conduire à la diversification économique, il souligne en outre « l'impérieuse nécessité pour les pouvoirs publics, de favoriser un cadre approprié pour le privé, en apportant l'essentiel ».

Il est vrai que la république du Congo est fortement tributaire des importations de produits alimentaires, agro-pastoraux et halieutiques. Le niveau de ces importations qui était de 163 milliards en 2010, avoisinait en 2011 le montant de 200 milliards de F CFA pour se situer désormais autour de 250 milliards de Francs CFA l'an, pour une population estimée à 4,1 millions d’habitants.

Aussi, les trois axes prioritaires du PND se définissent en matière agricole, à : Modernisation de la petite agriculture, de l’élevage et de l’aquaculture,

Renforcement de l’appui au développement durable, et à la lutte contre les effets des changements climatiques,

Promotion des organisations de la société civile (OSC) et des organisations des producteurs (OP).

Il va s'en dire que la relance d'une agriculture qui rende aux congolais la fierté de « manger » congolais, est avant tout affaire d'ingéniosité, que de gros sous qui à l'évidence seront dilapidés, sans qu'on en voit les résultats.

Avec la municipalisation accélérée, qui a doté toutes les régions du Congo en milliards à foison, nous avons laissé passer une fomidable chance de faire "d'une pierre, deux coup". Personne n'a pensé à ponctionner une infime partie de l'enveloppe, pour soit relancer la production agricole, soit relever des unités agropastorales qui se meurent depuis des lustres dans les régions. On a plutôt investi dans autre chose, et dans la fête, sans savoir que « tout développement commence par le ventre ».

Dans toutes les régions ayant reçu au moins 400 milliards de Francs CFA pour se « municipaliser », 0,5 à 1% de l'enveloppe aurait suffit à faire décoller l'agriculture desdites régions, dans les spécificités qui leurs sont propres, au point que les congolais s'en souviendraient encore, en termes de création d'emplois, mais aussi d'apport en produits agricoles divers au label régional.

L'igname, l'oignon, la pomme de terre ou le foufou pour le département des Plateaux. Le manioc, l'aubergine, le gombo ou le piment, voire le foufou pour le Pool. Le poisson fumé et autres produits halieutiques ainsi que l'huile de palme pour la Cuvette. Le café et le cacao entre autres produits, pour la Sangha.

Que dire des régions hautement agricoles comme la Bouenza, le Niari ou la Lékoumou, avec l'arrachide, le maïs ou la banane, voire la réactivation des plantations d'hévéa dans la Lékoumou.   Autant de spécificités régionales seraient rélancées et qui innonderaient le marché local et même la sous-région. Hélas...

De là, à parler de 1000 milliards, il y a de quoi se demander, si jamais les congolais seront un jour auto-suffisants en matière alimentaire, eu égard à cette perspective financière placée au sommet de l'Everest. À moins que le ministre ne soit dans la fiction romanesque...

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville