RDC – Double nationalité : Une hypocrisie bien assumée pour l’équipe « nationale » des Léopards

La Constitution de la République démocratique du Congo est on ne peut plus claire dans son article 10 : « La nationalité congolaise est une et exclusive ». Une exclusive que les RD-Congolais défendent officiellement avec vigueur, mais à laquelle beaucoup semblent plus ou moins discrètement déroger, notamment avec l’équipe nationale des Léopards, dans laquelle plus de la moitié des joueurs venus de la diaspora disposent de deux passeports. Un trompe-l’œil pourtant assumée, au regard des enjeux et de l’apport de ces binationaux quasiment irremplaçables pour la défense sportive du drapeau national.

Les partisans de la double nationalité en République démocratique du Congo, ont toujours estimé que cette loi est corsetée, anachronique, qu’elle prive inutilement le pays de compétences congolaises dispersées un peu partout dans le monde et qu’elle nécessite un toilettage.

À la faveur de la Coupe d’Afrique de Nations, le débat sur la double nationalité a été remis au goût du jour, au niveau de certains joueurs des Léopards qui, fait inconstitutionnel, disposent de deux passeports.

Même s’ils ont choisi de défendre les couleurs de la RDC, dont ils tiennent la nationalité à travers un de leurs parents, beaucoup de ces joueurs, nés en France, en Belgique, en Angleterre, voire en Suisse, n’ont pas renoncé à leur premier passeport et jamais leurs parents ne les y encourageraient, même s’ils supportent leur choix qui est bien souvent en deuxième option.

En dehors de ceux qui ont gardé la nationalité congolaise et qui disposent d'une carte de séjour, les autres arrivent en RDC avec leur passeport congolais, sur lequel n'est apposé aucun visa du pays où ils résident. Preuve qu'au retour, ils présentent leur deuxième passeport, retrouvant leur deuxième ou première nationalité, qu'importe,  lors du passage des frontières. Cherchez l'erreur, même si elle est manifeste.

Gédéon Kalulu né le 29 août 1997 à Lyon en France, Aldo Kalulu Kyatengwa né le 21 janvier 1996 à Lyon, Charles Pickel né le 15 mai 1997 à Soleure en Suisse, Simon Banza né le 13 août 1996 à Creil en France, Gaël Kakuta né le 21 juin 1991 à Lille en France, Cédric Bakambu né le 11 avril 1991 à Ivry-sur-Seine en France, en sont des illustrations, parmi tant d’autres.

Même pour les congolais de naissance, nombreux sont ceux qui jouent en Europe, ont acquis la nationalité du pays d’accueil, sans renoncer à leur nationalité d’origine. Pourtant là aussi, l'article 26 de la même loi dispose que toute personne qui acquiert une nationalité étrangère, perd la nationalité congolaise. Il en découle que l'acquisition de la nationalité étrangère par un congolais et l'acquisition de la nationalité congolaise par un étranger entraînent la perte de la première nationalité, respectivement la nationalité congolaise et la nationalité étrangère.

« La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. »

Pourquoi ces dispositions qui ont toujours animé les débats politiques ne sont-elles pas respectées en sport ?

Dire que les instances internationales de sports qui viendraient à lire rigoureusement les textes du pays, en arriveraient à la disqualification de la quasi-totalité de l’équipe des Léopards, car il se pose pour ses joueurs, un véritable problème juridique, quant à leur appartenance à tel ou tel autre pays, même si le passeport présenté, fait foi sur la nationalité.

Une réelle hypocrisie, avouons-le.

À propos de ce flou juridique ou plutôt de cette hypocrisie que personne n’ose évoquer, tant ces joueurs sont indispensables au pays, beaucoup de responsables sportifs au contact de l’équipe nationale des Léopards, ont toujours qualifié la question de « masolo ya kâti » (Des secrets d’intérieur).

Ne serait-il pas temps que ces « massolo ya kâti » soient clarifiés et juridiquement définies ?

Simple question de ceux qui ont été commis à la surveillance du fleuve et qui voient en cette hypocrisie, une façon pour les instances sportives et politiques de la RDC, de se mentir à elles-mêmes.

Mais, « wutâ ngambo, biso, to zo tala », autrement dit, depuis l’autre rive, quoique surveillant le fleuve, nous avons l’œil sur vos simagrées qui ne sont pas loin d’une « auto-tricherie ».

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville