Congo – Football : Le décès dans l’extrême dénuement de Laurent Koufiya relance le problème du manque d’intérêt de certains joueurs pour l’équipe nationale

Laurent Koufiya, ancien attaquant des Diables-Noirs et de l’équipe nationale les Diables Rouges, est décédé dans l’extrême dénuement à Brazzaville. Ses cris de détresse pour avoir droit à des soins de qualité, se sont toujours perdus dans l’échos de l’indifférence des autorités sportives du pays pour lequel il a en son temps, porté l’étendard, en endossant le maillot national. Comment dans ces conditions, avec autant d’indifférence, envers ceux qui ont rendu des services à la Nation, susciter l’enthousiasme auprès des plus jeunes, à qui on demande de s’investir pleinement pour la cause nationale. Sans doute les autorités sportives nationales portent en elles-mêmes, les causes des contre-performances sportives congolaises dans toutes les disciplines.

Après la nouvelle défaite des Diables Rouges concédée face au Togo en éliminatoires de la coupe du monde Qatar 2022, le ministre des Sports congolais, Hugues Ngouelondele a pris ce qu’il a cru être ses responsabilités. Il a convoqué une séance de travail avec la Fédération Congolaise de Football et le sélectionneur des Diables Rouges, Paul Put, pour analyser la situation de la sélection.

Le Ministre des Sports a rappelé à Paul Put que son contrat avec le Congo stipule qu’en cas d’insuffisance de résultats, il sera remercié. Le sélectionneur est pour ainsi dire, désormais sur la sellette.

En se défaussant sur le sélectionneur, le Ministre Hugues Ngouelondele semble avoir oublié qu’un entraîneur ça ne chausse pas de crampons à la place de ses joueurs et que celui-ci est comme un grand chef cuisinier qui compose les mets raffinés à partir des ingrédients dont dispose. C’est sa façon de les cuisiner qui fait la différence. Encore que contrairement aux grands chefs qui disposent de choix multiples, les sélectionneurs congolais sont obligés de faire avec les joueurs présents, parfois, pas vraiment les meilleurs de ce dont le pays regorge, surtout à l’étranger, et dont ils pourraient s’attacher les services, faute de moyens suffisants, mis à leur disposition. Il n’y a presque pas de prospection. Dans l’armée, la formule en pareille situation est : « un homme, une mission, des moyens ».

S’il est entendu qu’un entraineur doit composer avec l’effectif dont il dispose, il y a que celui-ci doit avoir du temps pour mettre en place les différents schémas avec ses joueurs et créer ainsi des automatismes pour avoir un bloc-équipe. Dans le cas du Congo, il n’y a pas d’équipe, sinon un conglomérat de joueurs portant le même maillot, mais sans réel liant dans le jeu, ni automatismes induisant la cohésion. Cela monsieur le Ministre, se travaille dans le temps, à force d’entrainements. Ce qui suppose pour les joueurs, de disposer ainsi que le font nombre d’équipes sur le continent pour leurs joueurs évoluant à l’étranger, d’un billet disponible pour rallier le pays aussitôt la trêve internationale déclarée. Cela donne à l’entraineur environ une semaine pour travailler avec les joueurs, à initier des schémas de jeu porteurs. Voire visionner le jeu de l’adversaire. Autrement, comment voulez-vous avoir de bons résultats, quand les joueurs arrivent la veille des matchs, faute de n’avoir reçu leur billet à temps.

Mais il y a aussi la motivation qui au-delà de l’intérêt patriotique, donne le sourire au joueur et aux siens. Ce pourquoi, il est prêt à tout, sans regretter le manque à gagner que cela générerait pour lui, au sein de son club, s’il venait à être gravement touché.

Peut-il, monsieur le Ministre, se renseigner sur le joueur Samba Francis, victime d’une double fracture tibia-péroné lors d’un match d’entrainement Congo – Zaïre au stade de la Révolution à l’époque. Après avoir supporté les premiers soins, le Congo l’abandonna à son triste sort, au point que le joueur dû regagner la France par ses propres moyens. Pire, sa longue absence lui fit perdre sa place de titulaire en club et sonna sa fin de carrière. De cette mésaventure, il retint surtout que les responsables de l’équipe nationale n’assuraient pas l’ensemble des joueurs qu’ils engageaient en compétition.

Depuis, les choses sont restées en l’état, et se sont même empirées.

Dans quasiment tous les pays qui progressent, les responsables du sport, à commencer par les ministres, se sont investis en managers. Outre les moyens qu’ils mettent à la disposition des équipes nationales, ils sont obligés de tout voir, pour être sûr que tout marche. Assister, écouter, soutenir, trouver des solutions aux problèmes dans des délais relativement courts, pour permettre à la machine de toujours être en mouvement. Cela est loin d’être inscrit à l’agenda du Ministre Hugues Ngouelondélé, qui loin des stades, dirige le football depuis « le prisme déformant de son bureau » aurait dit le président Marien Ngouabi.

Comment dans ces conditions, exiger des autres, de bons résultats, car c’est vous monsieur le Ministre qui devez insuffler le rythme, donner le ton et imprimer la cadence, aurait dit le président Denis Sassou N’Guesso, même si c’était sous Sassou1.

Certes, les congolais prennent toujours en référence « Yaoundé 72 ». Sied-t-il de signaler au Ministre, que Michel Oba directeur technique, Mayala Désiré Larby et Bibanzoulou Adolphe Amoyen entraineurs furent congolais ?

Le directeur national des sports Jean Moundélé qui suppléait le ministre des Sports André Mouélé était omniprésent, au point que cela réconfortait les joueurs. Il était le relais avec le Ministre, pour apporter des correctifs en tout temps et en tout lieu. Oui, le ministre est le premier artisan de la construction de la victoire. Il dispose de presque toutes les clés. Son rapport fluide et direct avec le président de la fédération étant un gage de suivi direct, sans intermédiaire alourdissant la machine.

En 1972, Il en fut ainsi avec Gilbert Mankoundia, président de la fécofoot. Il savait tout parce qu’il était là à plein temps. Il pouvait remonter ce qui était au-delà de ses compétences et faire pression pour des solutions rapides. L’investissement personnel du Ministre André Mouelé faisait le reste.

Avec des entraineurs locaux, on peut faire de grandes choses, pourvu que l’on mette à leur disposition les moyens de la politique à laquelle on aspire. Le défunt Casimir Molongo l’a aussi prouvé avec les Diables Rouges handball filles.

D’autre part, monsieur le Ministre, une équipe se prépare. La victoire de Yaoundé 72 a été préparée au lendemain du fiasco d’Asmara en 1968. L’État mit des moyens pour une équipe nationale constituée d’un socle de joueurs locaux disponibles presque toute l’année. Ceux-ci livrèrent des matchs de préparation à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Les joueurs professionnels qui arrivèrent de l’étranger, trouvèrent sur place une ossature déjà outillée dans les automatismes, à laquelle ils s’intégrèrent. La base défensive constituée de Matsima (Diables Noirs) Dengaki (Étoile du Congo), Niangou (Diables Noirs), Ngassaki (Cara), Ndolou (Inter Club) avait pu travailler ses automatismes et les joueurs se trouvaient les yeux fermés.

Le Ministre Hugues Ngouolondélé peut-il reconnaître que depuis plus de dix ans, le Congo n’a pas livré de match de préparation conséquent. Ces rencontres permettent aux entraineurs d’évaluer les forces et faiblesses du groupe et d’apporter des correctifs, autant qu’elles permettent aux joueurs de jauger leur capacité devant tel ou tel autre adversaire.

Les matchs de préparation sont une espèce de révision générale avant l’épreuve proprement dite. Combien le Congo en livre-t-il avant chaque rencontre type, seul le Ministre Hugues Ngouelondélé, ordonnateur des moyens de la préparation peut en donner le nombre.

Mais il y a aussi que l’ossature d’une équipe nationale se bâtit à partir d’un championnat national digne de ce nom, duquel sort une élite, celle des meilleurs qui sans complaisance, composent le cercle de ceux chargés d’endosser le maillot national. Nous y avons fait allusion. C’est loin d’être le cas au Congo.

Dans ces conditions, monsieur le Ministre, en toute objectivité, les contre-performances du sport, vous sont avant tout imputables, avant de vous en prendre aux techniciens et autres joueurs, car c’est vous qui détenez les leviers devant conduire au succès.

Libérez les moyens, mettez en conditions les différents acteurs intervenant dans la chaîne du sport, ensuite exigez d’eux des résultats positifs. Autrement, vous semblez couvrir vos propres erreurs, en vous abritant derrière votre costume de Ministre des Sports qui au regard de vos performances en termes de résultats, semble ne plus vous convenir depuis des années que dure la descente aux enfers du sport congolais, avec vous à sa tête.

Sauf miracle, Paul Put partira, car il n’y a rien n’a attendre de cette équipe en termes de résultats, même pour l’honneur.

Désormais, même les équipes qui naguère redoutaient d’affronter le Congo, se demandant s’il fallait déclarer forfait, bénissent le ciel de l’avoir sur leur chemin. Même quand l’équipe a des buts à son actif, ce sont les adversaires qui marquent dans leurs propres buts.

À moins que le successeur de Paul Put ne soit un magicien, autrement, en travaillant dans les mêmes conditions que son prédécesseur, il ne vous produira rien d’autre que la défaite, car c’est la résultante de votre investissement à la tête du sport congolais. On ne peut récolter plus que ce que l’on sème.

Pour les supporters congolais, ce seront toujours les chagrins. Pince sans rire, personne ne vous dira, combien de personnes ont déjà été victimes d’AVC, ou font de l’hypertension chronique, du fait des contre-performances des Diables Rouges.

Ah, j’oubliais ! Et Laurent Koufiya alors ! Une attention bienveillante pour cet ancien Diable Rouge, même pour les obsèques ?

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville