France : La peur des crimes rituels reste vivace au Gabon, l'élite politique est pointée du doigt par l’activiste Nina Dickambi

Plusieurs centaines de morts ont été enregistrées au cours des quinze dernières années. L'élite politique gabonaise est pointée du doigt par l’activiste gabonaise, Nina Dickambi, lors d’un point de presse organisé le 3 avril dernier à Evreux en France.

L’activiste gabonaise, Nina Dickambi, menacée de mort dans son pays d’origine, suit depuis la France, le dossier des crimes rituels censés procurer le pouvoir ou aider à le conserver, un phénomène barbare qui endeuille des familles et provoque la psychose dans la société gabonaise.

«Il règne au Gabon, un sentiment d’impunité totale qui fait que les crimes les plus odieux sont de plus en plus banalisés. Les auteurs de tels actes ne méritent pas la prison surtout qu’au Gabon ils sont protégés par les barons de la République pour qui ils travaillent. A quelques mois des élections, nous voulons tout simplement, à travers ce point de presse, dénoncer et condamner les sacrifices humains qui visent à favoriser une promotion politique ou professionnelle pour les commanditaires. Dans mon pays le Gabon, l’assassin et le commanditaire sont rarement arrêtés et jugés. Différentes contraintes bloquent l’action judiciaire : menaces et pressions contre les familles, corruption des agents de l’État, coût trop élevé des procédures ou des autopsies », dénonce cette rescapée des crimes rituels, mère de trois enfants à sa charge.

«Sur ces victimes sont prélevés des organes (yeux, oreilles, pénis, clitoris, langue, cerveau, etc...) censés offrir santé, richesse, réussite et pouvoir. Il y a un imaginaire qui dit que tant que ces organes sont prélevés sur des corps morts, l’énergie a évidemment disparu. Alors pour pouvoir recueillir cette énergie de l’homme ou de la femme, qui sont assassinés à ces fins-là, il faut que les organes soient prélevés à vif. Ainsi, ceux qui vont consommer ces organes par des voies fétichistes, vont ingérer et incorporer cette énergie des autres, qui est censée leur permettre d’être dominants, de se surpasser, d’être performants dans les domaines qui sont les leurs », a expliqué avec luxe et détails Nina Dickambi devant un public très coloré.

«Au Gabon, la police a saisi des glacières dont le contenu était destiné à approvisionner l’écœurant marché dit des ‘’pièces détachées’’. Mais ce trafic d’organes n’était pas destiné à quelque malade en attente de greffe : les organes (langues, yeux, cœurs, oreilles et sexes…) servent à élaborer des fétiches et, même s’il est impossible de le prouver, la rue gabonaise est convaincue que les instigateurs de ce commerce macabre sont issus du marigot politique et des beaux bureaux de la haute fonction publique. Ce serait le prix à payer pour accéder au sommet », a souligné la jeune activiste très engagée contre le pouvoir de Libreville.

« Il faut créer une vraie police scientifique et former des enquêteurs spécialisés, préconise-t-elle. Alors qu’ailleurs la police scientifique peut prélever l’ADN pour confondre un criminel, au Gabon nous ne sommes même pas capables de relever des empreintes digitales. Reste que les crimes rituels continueront d’endeuiller le Gabon aussi longtemps que certains seront convaincus que l’ascenseur social passe par l’étage du féticheur », a martelé la jeune activiste qui a promis faire le tour de plusieurs villes françaises pour dénoncer ce phénomène macabre.

Nina Dickambi qui plaide en faveur d’une justice indépendante dans son pays, capable de traquer et de sanctionner les commanditaires de ces crimes qui se poursuivent en toute impunité, a évoqué aussi la possibilité d’alourdir les sanctions encourues pour ne retenir, dans le cas de crimes rituels, que l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de remise de peine.

Solange DUCHEZ / Les Echos du Congo-Brazzaville