Congo – Disparition : Émile Awoué, un an déjà !

Un an déjà, depuis le décès à Pointe-Noire, d’Émile Awoué Ibata, ancien journaliste et haut conseiller, au Conseil supérieur de la liberté de communication. De son passage remarqué sur la terre des hommes, en ce jour anniversaire, nous publions l’éloge que voici.

Naître, vivre et mourir, telle est la dialectique qui fonde l’existence humaine et donne un sens à la vie. Pourtant, des trois éléments de ce triptyque, jamais nous ne nous habituons du dernier, la mort, que nous subissons dans la douleur.

Une douleur née de ce que soudain, l’Etre qui illumine de sa présence notre univers, au point de le marquer de tant d’actes gravés dans nos mémoires, s’éteint.

Cette douleur nous a submergé le 12 octobre 2021, quand il a plu à Dieu, de rappeler à lui, Émile Awoué Ibata. Il avait 71 ans, car il naquit le 4 juin 1950 à Itoumbi.

Depuis, le vide qu’il laisse autour de nous, témoigne de l’immensité de sa place d’Époux, de Père, de Frère, de Collègue de travail ou d’Ami.

La vie d’Émile Awoué est tel un sacerdoce, avec un sens de devoir assumé.

De cette vie, s’élève cette lumière qui a aussi fait briller les autres, tant sa volonté d’accompagner, d’aider, d’encadrer, d’encourager au travail, les siens et les autres, nous consolait face à ce que la vie peut parfois avoir d’amer. En un mot, il partageait l’espoir. Cet espoir qui résulte des efforts au bout desquels on se félicite de la réussite.

Une façon de donner le bonheur à sa famille ainsi qu’aux autres.

C’est cela, Émile Awoué Ibata. Un homme de défis qui très tôt a compris, que l’Homme se construit par l’effort et que rien n’est acquis d’avance.

Dans l’univers médiatique congolais, il s’est affirmé par la force du travail, gravissant les marches les unes après les autres, au prix de l’effort et de l’abnégation, avec le ferme engagement de toujours donner le meilleur de lui-même. Des qualités humaines qui ont toujours guidé l’essentiel de son action et qu’il a toujours communiquées à ses collaborateurs.

Quand en 1985, Émile Awoué Ibata rentre de l’Institut Polytechnique de Télécommunication Osvaldo Herrera de la Havane à Cuba, il est loin de s’imaginer l’accueil enthousiaste que lui réservent ses collègues de la Voix de la Révolution Congolaise, l’actuelle Radio Congo.

Alors qu’il arrive à la radio nationale en qualité d’ingénieur, la direction de la chaîne le trouve plutôt plus utile à la Rédaction. Le correspondant de presse local qu’il était à Owando avant son départ en stage et qui rendait compte, entre autres sujets, des activités du président Marien Ngouabi s’y trouvant en séjour, a continué de marquer la corporation qui l’accueille.

Émile Awoué se plie à la volonté de sa hiérarchie en toute humilité, un des traits qui le caractérisent. Il commence comme reporter. Nagra en bandoulière, il s’adonne à la tâche avec un élan tel que son tempérament de bosseur est toujours remarqué.

En cette période où l’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise se renouvelle, Émile Awoué rejoint le département de la Presse, Propagande et Information du Comité central de l’UJSC. Il y occupe les fonctions de chef de la Division "Audiovisuel". Il est à la tête d’une équipe chargée de la production des émissions radio et télé de la jeunesse, intitulées « Jeunesse et Révolution ».

Son sens du management des équipes de communication joue désormais en sa faveur. Émile Awoué va tour à tour occuper les fonctions d’attaché de Presse au ministère de la Jeunesse en 1990. Attaché de Presse au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage en 1991. Chef des programmes à Radio Pointe-Noire en 1996. Directeur de Radio Pointe-Noire en1997. Directeur départemental de Télé Pointe-Noire, de 1997 à 2011, un média qu’il a personnellement créé, en compagnie de quelques cadres de la télévision nationale qu’il conviât auprès de lui.

En 2012, Émile Awoué est élu au Conseil Supérieur de la liberté de communication. Il y exercera jusqu’en 2019. Pour de nombreux confrères moins jeunes que lui, Émile Awoué aura été un véritable grand frère, l’aiguillon à la vision juste.

De nombreux jeunes journalistes pour lesquels Télé Pointe-Noire aura été ce laboratoire qui les a façonné et surtout outillé, avant de continuer à exceller à la chaîne nationale à Brazzaville, ont témoigné en Émile Awoué, « un père qui a su donner à chacun sa chance de réussir en mettant toujours en avant le travail bien fait. »

Dans la sphère politique, d’abord à l’UJSC qu’il a toujours considéré comme le socle de sa formation politique, puis au PCT, Émile Awoué Ibata s’est imposé avec force et conviction, engageant sa personne dans les combats pour lesquels il était persuadé de la justesse.

Des pages de son histoire écrites en lettres d’honneur et qu’il aura assumées en dépit des circonstances.

Sa vie durant, Émile Awoué aura été à sa façon, ce soleil qui a illuminé autour de lui, sans irradier, mais en apportant aux uns et aux autres ces rayons vivifiants, comme ce feu partagé que chacun peut exploiter à sa guise.

Les morts ne sont pas morts, a dit le poète. Cela est peut-être bien vrai car en chacun de ceux qui ont connu Émile Awoué ou l’ont côtoyé, quelques braises de ce feu partagé restent ardentes et témoignent du souvenir intarissable vis-à-vis de lui.

Dire qu’Émile Awoué demeure vivant en chacun d’eux à travers ces instants de vie comme pour affirmer avec cet autre poète, « la mort n’est rien, je suis simplement dans la pièce d’à côté. »

Non, « il n’y a pas de morts, il y a des vivants sur les deux rives ».

Benoît BIKINDOU/Les Échos du Congo-Brazzaville