Congo – Fourniture de manioc : Les producteurs redoutent une diminution significative des quantités à proposer

La farine de manioc appelée foufou ou le manioc produit sous forme de pain emballé dans de feuilles, sont les principales bases de l’alimentation au Congo. Si de coutume, à l’approche de la saison des pluies, la rareté de ces denrées est manifeste du fait du calendrier agricole qui privilégie la préparation des sols et les semis, désormais, il faut compter avec les aléas climatiques, qui retarderaient le rouissage des tubercules.

La production de manioc, tant sous formes de pâte rouie brute à façonner (bikedi), de calottes séchées pour en faire de la farine de manioc (foufou), ou simplement en manioc proprement dit, prêt à la consommation, est une des activités principales du terroir congolais qui ravitaille les grands centres urbains.

Quand viennent les mois de septembre et octobre, la rareté du manioc est constatée d’un peu partout, en raison de la diminution des quantités produites. Les producteurs doivent en cette période, remplir plusieurs obligations à la fois.

Après le défrichage, l’abattage d’arbres et le brulis dans les nouvelles plantations, la fin septembre et le début du mois d’octobre consistent à la préparation des sols afin de profiter des premières pluies, pour les semis. Ces activités très accaparantes réduisent substantiellement celle de la recolte des tubercules à rouir pour la production du manioc, surtout que les plantations sont souvent très distantes les unes des autres.

Pourtant depuis quelques temps, une autre dimension affecte le retard dans cette production du manioc roui. C’est la température de l’eau qui devient quasi incontrôlable. ‘’Ma Batétana’’ explique : « nous ne savons pas ce que devient la nature. Tout est bouleversé. On peut mettre à rouir des tubercules deux semaines durant et les relever comme tel ou encore les retrouver toutes noires, comme si elles avaient été plongées dans de l’eau chaude puis froide. La nature joue vraiment au yoyo. Tantôt la température de nos mares de rouissage est convenable, tantôt elle s’emballe et on fait avec. »

Le rouissage est en fait un procédé chimique indispensable qui, outre qu'il ramoli les tubercules pour le pétrissage, rend le manioc comestible,  en le libérant de certains sucs, autrement il serait dangereux pour la santé.

« Pour l’instant, on a pas trouvé un autre procédé pour contourner le rouissage. Je ne pense pas que ce soit possible. Même à Maty où ils ont des problèmes d’eau, ils sont tout de même obligés de rouir dans des fûts. Quand on plonge les tubercules dans l’eau, on les vide de leur acidité qui est un poison. On le fait depuis les ancêtres. »

Les spécialistes assurent que certaines qualités de tubercules destinées à la fabrication du manioc contiennent du cyanure naturel. Le rouissage les en expurge.

Désormais, outre le fait que les actifs agricoles, surtout ceux produisant du manioc sont vieillissants, les spécialistes devront aussi trouver des solutions pour la production d’une qualité de manioc qui s’adapte aux aléas climatiques, voir pour un rouissage de tubercules qui garantisse une fourniture permanente en manioc dans les grands centres.

Il y va d’une réelle détresse sociale, car jouant sur le principe de l’offre et de la demande, la rareté du produit entraîne de facto la hausse des prix. Ce qui est une difficulté supplémentaire pour des familles déjà durement éprouvées.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville