Les églises dites du «réveil», un business qui rapporte gros au Congo-Brazzaville

Au Congo-Brazzaville, de nombreux pasteurs des églises dites du «réveil» mènent grand train ou amassent des fortunes au détriment de leurs adeptes. Ces églises sont bien souvent de véritables machines à faire du fric en vendant du vent. Elles sont devenues de plus en plus des lieux de spoliation de ceux qui croient y trouver des solutions à leurs angoisses socioéconomiques, financières ou métaphysiques.

Les églises dites du « réveil » ont intégré les données modernes de la communication, de la psychologie et de la sociologie. Elles s’en servent pour créer un conditionnement psychologique qui leur permet d’embrigader très vite les néophytes et les personnes déstabilisées.

Généralement, on va dans ces églises en vue de résoudre des problèmes d’insertion sociale, des problèmes de santé ou qu’on se trouve confronté à un cas de conscience. Les églises du « réveil » spéculent donc sur les besoins urgents et obsessionnels, de la population : guérir, avoir un mari ou une femme, travailler, prospérer dans les affaires, avoir un enfant et s’épanouir, mais aussi se protéger des agressions réelles ou imaginaires. Surtout imaginaires.

Le néophyte y est souvent amené par un parent ou un ami prosélyte afin d’assister à une réunion de prière ou à un office religieux. Dans la plupart de ces églises, les fidèles prennent place dans un temple, souvent de fortune, où ils sont mis en «condition» pendant des heures grâce à la création d’une atmosphère envoutante faite de chants et de psalmodies avant que n’intervienne le prêche du pasteur. Cette prédication est en général une dénonciation véhémente du «monde», c’est-à-dire des us et coutumes de la société et de tout ce qui est en dehors de la «vie en Christ», une notion suffisamment floue pour que chacun y mette ses désirs et fantasmes. La prestation du pasteur est souvent suivie de prières et de chants qui clôturent le rite, non sans qu’on ne demande aux nouveaux venus de se présenter.

Quand les nouveaux venus consentent à revenir, ils sont placés au centre d’un tourbillon de réunions de prière, réunions d’étude biblique, tables-rondes et séminaires qui contribuent à les couper du monde et de leurs proches. A ce niveau, le nouveau venu contribue déjà aux affaires de la maison en procédant à des offrandes par le dépôt de quelques petits billets (les jetons y étant proscrits) dans l’escarcelle de l’église. Après son adhésion totale, le croyant «né de nouveau», tout en continuant de faire des offrandes, est invité à pratiquer la dîme, c’est-à-dire à contribuer de manière plus effective aux projets de l’église en donnant des sommes d’argent proportionnelles à ses revenus ou à sa fortune… une part de ses revenus pourtant bien maigres pour beaucoup d’entre eux.

Les adeptes les plus riches «offrent» quelques millions, les plus démunis se dépossèdent du peu qu’ils ont mais, avec le principe selon lequel «les petits ruisseaux font les grands fleuves», l’église parvient à atteindre des chiffres d’affaires annuels de plusieurs dizaines de millions de francs CFA, beaucoup plus pour celles qui ont prospéré. Car il faut ajouter aux dons des adeptes ceux des organismes et donateurs internationaux.

Naturellement, le chef de l’église peut se servir à volonté dans ce trésor et il ne viendrait à aucun fidèle l’idée de demander des comptes à celui par qui s’exprime le Saint-Esprit. Parfois des problèmes, liés à la gestion de cet argent, surviennent au sein du bureau directeur ou du clergé de l’église, mais ils sont voilés aux fidèles qui ne les découvrent que lorsqu’ils débouchent sur des scissions.

L’action humanitaire et caritative de l’église, bien minime au regard de ses gains, permet de donner l’illusion aux fidèles que le butin amassé est redistribué pour de bonnes causes. Les dividendes de ceux-ci restent dans les promesses, l’espérance et les jolis coups du sort qui sont interprétés comme des miracles, sur lesquels on les fera témoigner pour maintenir à bon régime la machine à fric.

Artisans de ces pompes à fric, les pasteurs usent et abusent, au sens propre, de la maxime «Ce que tu donnes sur Terre, Dieu te le rendra au centuple». Principal avantage, personne ne viendra réclamer son dû.

Le fonctionnement de la machine à fric ne s’arrête pas à «l’extorsion» de fonds aux fidèles. Elle se sert également d’eux pour se constituer un marché sur lequel les dirigeants de l’église écouleront leurs productions plus ou moins réelles mais revalorisées à l’extrême par leur caractère sacré.

Généralement un des membres du clergé produit un livre, une œuvre vidéo ou musicale qui sera vendue, à coup sûr, aux «frères», objets d’un braquage psychologique pour les pousser à acheter, à payer cher, cette marchandise et les produits associés (fascicules, CD, tee-shirts, pins).

Ce faisant l’église se constitue un marché sûr, un marché captif sur lequel elle sera toujours assurée d’écouler ses produits même d’importation (Bible, séminaire avec un pasteur étranger invité, etc.).

La pérennité de ce marché est assurée par le respect qu’observe l’adepte face à la Parole «la charité ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal» (1 Corinthiens 13:5).

Jack MAÏSSA / Les Echos du Congo Brazzaville