Une ville peut tomber en ruine ou se dépeupler, lentement ou rapidement pour plusieurs raisons. Le cas de Mbinda dans le département du Niari (sud), jadis « petit paradis terrestre », l'endroit où il fallait être et vivre, après la fermeture définitive de la Compagnie Minière de l'Ogooué (COMILOG) en 1991, est un exemple récent et pathétique.
Mais ce qui pose problème aujourd'hui, de manière plus générale, c'est la perte de substance de tous les camps Comilog, d’emblée de toute la ville, depuis une vingtaine d'années.
Le 5 septembre 1991, un train de Comilog transportant du manganèse depuis le Gabon est entré en collision avec un train de voyageurs au Congo Brazzaville. Plus de 100 personnes ont trouvé la mort. Après l’accident, l’entreprise a arrêté le transport ferroviaire de matières premières. L’entreprise a licencié 955 travailleurs sans préavis ni dédommagement. Les travailleurs avaient été informés qu’ils recevraient leur indemnité de licenciement en versements échelonnés sur cinq ans, à partir de 1993. Ils disent cependant n’avoir jamais perçu leur indemnité de licenciement. La conséquence est une augmentation du chômage et l'exode massif des populations vers Dolisie, Pointe-Noire et le Gabon.
Mbinda était alors le terminus sud de l'un des plus longs câbles téléphériques (75 km) au monde, et le début de la ligne ferroviaire dite « ligne COMILOG » jusqu'à Mont- Bélo. Il suffit de voir aujourd’hui ce qu'est devenue une ville de 10 à 20.000 habitants à l’époque : un quasi-désert. Une activité commerciale réduite à une peau de chagrin. Des soirées assez sinistres, des week-ends tristes. Un centre-ville déserté, sans vie.
La fermeture de Comilog a créé les conditions de ce déclin, qui renforce une régression des relations de voisinage, de la vie tout court.
Et même le boulanger ou le boucher s'est exilé. Sans oublier le propriétaire et le gérant de l’un des plus grands bars dancing du département du Niari (Calebasse Bar).
«La situation est catastrophique », reconnaissent les jeunes qui ont encore le courage de rester dans la ville.
Mbinda a perdu presque de toutes les commodités d’usages en un clin d’œil. Plus d’eau potable et d’électricité. Le désarroi des visiteurs ne se cache pas longtemps une fois le soleil couché. Dès la tombée de la nuit, la localité est plongée dans une obscurité totale. Les habitants résignés se retirent petit à petit chez eux en attendant le levé du jour. Les populations se désaltèrent désormais avec les eaux des puits ou de source. Les risques des maladies microbiennes sont grands.
Le manque de route carrossable n’est pas en reste dans le dénuement de Mbinda. Pendant la saison de pluie, quelques rares transporteurs qui fréquentent souvent la localité n’osent plus s’y aventurer à cause des pannes provoquées sur leurs véhicules par l’état piteux de la route. La latérite laisse la place aux bourbiers. Ainsi, la pratique des activités génératrices de revenus et autres commerces est difficile pour les 5000 âmes qui vivent encore dans la ville.
Mbinda est donc en péril, ainsi que les villages environnants (Mayouba, Bichida, Kiki, Mikouangna…).
Et la question est aussi esthétique, notamment la laideur des camps Comilog et l’ensemble des installations de cette entreprise. Tout est en ruine.
Vivement que Mbinda retrouve son lustre d'antan et que souffle de nouveau un vent de modernité, naïvement proclamé, sur cette communauté urbaine où disparait lentement toute source de vie nécessaire. Une ville en sommeil avec ou sans soleil.
Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo Brazzaville /Crédit photos : Alfred OUNGA