Elles sont sous la protection de la police, deux vieilles dames toutes nues, assises à même le sol, les yeux hagards. Elles sont entourées de badauds qui appellent à la vindicte populaire pour ces « sorcières » qui se retrouvent là, parce que leur avion mystique aurait crashé, faute de Kérosène.
Même si l'on ne peut situer avec exactitude le lieu de l’événement, celui-ci, dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux, a été présenté, comme s'étant déroulé à Brazzaville, notamment à « Texaco-la-Tsiémé ».
Qu'importe le lieux ou le pays, cette scène présentant des personnes d'un âge très avancé et sur lesquels pèseraient des soupçons de pratiques sorcières est désormais courante dans la société congolaise.
Dans certains quartiers de Brazzaville ou de Pointe-Noire, la pratique a été quasiment systématisée au point que lorsque décède un jeune homme ou une jeune fille, les parents redoutent le pire vis à vis des jeunes qui sont bien souvent décidés à mener une vendetta pour venger le défunt ou la défunte, « mangé » par des sorciers préalablement désignés et qui dans les cas extrêmes, sont battus à mort par une foule de jeunes surexcités, quand ils ne prennent pas en otage le macchabée.
Dans le cas de ces deux vieilles dames, alors qu'elles n'ont pas prononcé le moindre mot, la rumeur a rapporté qu'elles revenaient d'une mission d’envoûtement en France et rentraient dans leur village de Manguénguéngué. À court de carburant, leur avion mystique aurait ainsi crashé, dévoilant les deux sorcières éjectées de leur aéronef détruit.
Il est vrai que tout le monde aimerait sortir indemne d'un crash, mais vu l'état de ces deux vieilles dames, le tableau serait bien trop beau, même pour des sorcières.
Dans la société africaine, les phénomènes inexpliqués empruntent le raccourci de la sorcellerie. Pourtant, il est constant que des vieux atteints de maladie d’Alzheimer presque méconnue chez nous, peuvent s'adonner à des faits et gestes qu'ils ne contrôlent pas, leur mémoire ne l'édictant pas. Alors, vieux, chauves ou autres personnes dont le prototype est bien défini, passent pour être des sorciers.
Il y a quelques temps, le président de l'Assemblée nationale avait appelé aux bannissement de ces pratiques répandues chez les jeunes qui mènent, parfois à tort, des expéditions punitives envers des présumés sorciers qui peut-être sont aussi innocents qu'eux.
Vivement que les mentalités s'accommodent bien souvent au rationnel, pour éviter certains désordres tout aussi préjudiciables pour les familles et la société.
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville